top of page

Article rédigé par :

Amèle Debey

«Si on écoutait les opposants à Poutine en Russie, Kiev aurait été rasée de la carte»

Recruté «au téléphone» par les services, formé en économétrie et officier d’état-major, Jacques Baud a suivi les forces du pacte de Varsovie, créé à Genève le Centre de déminage humanitaire, puis dirigé pour l’ONU un centre de renseignement civilo-militaire au Soudan. À rebours des lectures moralisantes, il critique les narratifs occidentaux, l’inflation de sanctions basées sur des règles au détriment du droit, et appelle à remettre les faits – pas l’idéologie – au cœur de l’analyse, du Darfour à l’Ukraine.

jacques baud
© DR

Amèle Debey, pour L’Impertinent: Qui êtes-vous?

 

Jacques Baud: Je suis né et j'ai étudié à Genève. J'ai fait des études d'économétrie et j’étais officier à l’armée. J'écrivais déjà beaucoup d'articles dans des revues militaires à l'étranger. Puis un jour, j'ai reçu un coup de téléphone et on m'a demandé: «Est-ce que vous voulez travailler avec nous?» – «Mais qui êtes-vous?», ai-je répondu. «Ah, ça je ne peux pas vous le dire au téléphone». Il s’agissait des services de renseignement. On a eu des entrevues et j’ai été engagé tout de suite, sans même avoir postulé.

 

J’ai été responsable des forces du pacte de Varsovie, et j’y ai travaillé plusieurs années absolument passionnantes, qui m’ont permis de travailler avec pratiquement tous les services occidentaux. On échangeait des analyses, on se rencontrait dans des capitales européennes, parfois dans des appartements anonymisés.

 

D’autant que les troupes n’étaient pas seulement en Europe, mais également dans d'autres régions du monde: en Angola, en Afghanistan, etc. Par la force des choses, j'avais des contacts avec les services de ces pays en guerre, où je suis allé également.

 

Au début des années 90, je voulais changer un peu d’horizon. Je suis donc entré à l'équivalent de la Direction générale de l'armement en France, à savoir l'organe qui fait les achats d'armes. J’avais la responsabilité d’acheter le très gros matériel de l'armée Suisse. C’étaient d’énormes budgets destinés notamment au matériel blindé. Comme j’étais à l’époque commandant d’un bataillon de chars et doté d’une formation d’économiste, j’étais dans mon élément.

 

Comme j’avais été en Afrique lors de ma période au renseignement, on a pensé à moi lors de l’explosion de la crise du Rwanda. On m’a demandé si j'étais d'accord pour aller travailler pour la mission du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU, dans l'est du Congo, pour assurer la sécurité des personnes déplacées: 1,5 millions de réfugiés rwandais. Je suis parti là-bas et ce fut le point de départ d'une seconde orientation. Du militaire à l’humanitaire, mais avec un tronc commun issu du renseignement.

 

Par exemple, j'avais rédigé un petit manuel sur le déminage que j'avais fait parvenir à Ahmed Chah Massoud, le fameux résistant afghan. Peu de gens s'étaient intéressés avant moi à la question de la destruction des mines soviétiques, en tout cas pas sous la forme qu'on a commencé à pratiquer les années 90. Par conséquent, quand je suis revenu, j'ai proposé de créer un centre de renseignement sur les mines. Il est devenu le Centre de Déminage humanitaire de Genève. J’ai conçu le centre en deux ans, depuis New York, ainsi qu’un réseau informatique qui relie les différents emplacements dans le monde avec des problématiques de mines antipersonnels.

 

J’ai ensuite été choisi par les Nations unies pour diriger le premier centre de renseignement multidimensionnel, c'est-à-dire civilo-militaire, au Soudan.

 

Y est-il toujours?

 

Non, parce qu'il était associé à la mission des Nations unies au Soudan. Mon chef était le représentant spécial de Kofi Annan. Quand la mission a été démantelée, le centre est parti avec. Mais quand je suis parti, après deux ans, j'ai été remplacé par quelqu’un qui n'avait pas vraiment la même notion du renseignement que moi. Et par conséquent, le système est devenu plus militaire, ce qui n’était pas forcément approprié pour résoudre les questions qui se posaient à ce moment-là. Tout cela s’est un peu effrité, à vrai dire.

 

C'est le problème que l’on voit un peu partout, d'ailleurs: le renseignement est toujours la clé des missions humanitaires, mais c'est le domaine dont la philosophie est la moins élaborée. Parce qu'il est composé de gens qui ne savent pas ce qu'ils cherchent.

 

Comment ça se fait? Ils ne sont pas bien formés?

 

Non, mais ce sont généralement des militaires. Le militaire s'occupe de savoir combien il y a de chars en face de lui. Or, dans une mission de maintien de la paix, ou une mission des Nations Unies, on ne s'intéresse pas au nombre de chars. On s'intéresse à des choses beaucoup plus subtiles: les relations entre tribus, le gouvernement, certaines factions, etc. Quand j'étais au Soudan, j'étais en contact avec environ quatre-vingts groupes armés. J'ai dû négocier avec certains d'entre eux, quelquefois faire de la médiation entre tribus, négocier la libération d'otages.

 

Tout cela ne se fait pas en claquant des doigts, de manière totalement improvisée. Ces démarches supposent une connaissance assez profonde de chacune des parties de la négociation. On connaissait les tribus, les mouvements armés associés, les chefs, les hiérarchies tribales, les hiérarchies militaires et les relations familiales. C’est un vrai travail de renseignement, qui constitue – pour simplifier – 90% du travail. Puis, il y a 10% de médiation.


«En Afrique, on doit vraiment connaître les gens pour pouvoir négocier ou discuter»

 

La plupart des gens ne comprennent pas la complexité des relations en Afrique. En Occident, si on parle à une armée, il y a une cohérence avec le politique, un alignement. Puisque l’armée fonctionne dans le gouvernement, il y a un alignement politique assez clair. Or, quand vous êtes en Afrique, les problèmes sont très différents: les liens entre un groupe armé et une tribu sont beaucoup plus subtils que ce qu'on pourrait imaginer. On doit vraiment connaître les gens pour pouvoir négocier ou discuter.

 

En fin de carrière, j’ai travaillé cinq ans à l'OTAN, en tant que responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères. Je suis arrivé au moment de la guerre en Ukraine de 2014. Ce qui m’a offert une position de spectateur privilégié sur la crise ukrainienne et m'a permis de comprendre les bases de ce qu'on voit aujourd'hui.

 

C'est pour ça que, souvent, ce que j'écris trouble les gens. Quand j’étais au Darfour, par exemple, certains se sont émus du fait que je dise qu'il n’y avait que 2500 morts dans la région. C’est marqué sur Wikipédia, mais je n’ai jamais dit ça. J'ai dit que, pendant la période où j'y étais – c'est-à-dire deux ans – on n’a vraiment compté que 2500 morts. C’est ce qui figure dans les rapports des Nations unies d’ailleurs.

 

Alors que, dans le même temps, vous aviez des journalistes européens qui parlaient de 200’000 morts de plus. D'où viennent-ils? Parce qu'il n'y a pas eu de bataille, il n'y a pas eu de confrontation majeure et j'étais pratiquement toutes les semaines au Darfour. Il y a eu d’autres morts avant, mais qui n'ont jamais atteint les 100’000 et il y en a eu après. Puis, des missions de maintien de la paix se sont succédées. Il y a vingt ans, il n’y a jamais eu plusieurs centaines de milliers de morts au Darfour. C’est certain.

 

De nouveau: je connaissais très bien les groupes armés, j'ai travaillé avec eux, ainsi qu’avec le gouvernement – parce que quand on est à l'ONU, on travaille évidemment avec les deux – Nous étions vraiment très bien informés sur chaque escarmouche.

 

Mais pourquoi est-ce qu'on gonflerait les chiffres?

 

Le début de la crise soudanaise est arrivé au moment où les Américains voulaient développer leur présence en Afrique du Nord, pour lutter contre Al-Qaïda. Ils se sont implantés dans des pays comme le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad également, mais le Soudan, lui, a refusé une présence étrangère. De l'autre côté, en Éthiopie et en Érythrée, les Américains étaient présents aussi. Mais au Soudan, il n’y avait personne.


«Parce que les Américains voulaient absolument avoir des troupes au Soudan, on a fait pression sur le pays en gonflant cette crise»

 

Donc on a essayé de faire pression sur le gouvernement d’Omar el-Béchir – qui était islamique, pas islamiste. Sous lequel vivaient d’ailleurs, à Khartoum, en très bonne intelligence, des Soudanais chrétiens, qui allaient à la messe le dimanche, alors que la loi était islamique. La charia était officiellement appliquée aux musulmans, mais pas aux chrétiens. Il y avait en fait deux lois différentes qui coexistaient. Le régime soudanais était beaucoup moins extrémiste qu’on le disait à l’époque. Mais, parce que les Américains voulaient absolument avoir des troupes au Soudan, on a fait pression sur le pays en gonflant cette crise.

 

Il y avait bien une crise réelle, qui a d'ailleurs occupé la plus grande partie de mon temps, mais plus au Darfour qu’au Sud. C’est une crise que je connais très bien, je connaissais tous les chefs des différents groupes armés, j'ai organisé des conférences de conciliation avec le gouvernement, etc. Un vrai travail de médiation a été fait et a porté ses fruits, parce qu'on a obtenu des paix. Bien sûr, elles sont toujours très fragiles, mais on peut dire que la médiation a fonctionné, essentiellement parce que j'ai toujours prôné l’ouverture du dialogue avec les gens. D’une certaine manière, j’ai appliqué la méthode du Comité international de la Croix-Rouge: le but n’est pas de juger les gens, mais de discerner les points qui permettent d'accrocher les wagons.

 

La crise actuelle n’est donc pas la même, ni pour les mêmes raisons, que celle que vous avez connue?

 

Non, c'est la raison pour laquelle, avant cet entretien, quand vous m'avez demandé de m'exprimer là-dessus, je vous ai dit que je préférais ne pas le faire. Non pas que c'est une crise qui me dérange, mais parce que je connais très bien la situation de 2005-2006. La situation a radicalement changé en vingt ans. Les acteurs ont changé, le contexte… énormément de choses ont évolué. On ne peut vraiment porter des jugements intelligents sur un conflit en Afrique qu’à partir du moment où on a fait une étude extrêmement pointue des différents acteurs.

 

L'Occident se contente d'images assez caricaturales des conflits, alors que la réalité du terrain fait que les gens concernés – eux – ne voient pas leur conflit comme cela. C’est le cas de tous les conflits de façon générale: il y a les méchants et les gentils.

 

L’Occident en a une vision manichéenne?

 

Oui, ça fait partie de la caricature. On décide qui sont les bons et les méchants, alors que les gens ne se battent pas pour jouer ce rôle-là. Ils ont tous l'impression d'avoir raison de leur point de vue. C’est là que réside le problème: on résume le conflit ukrainien à l’attaque des méchants contre les gentils, alors que c'est une division de l'espace et de la guerre qui rend impossible le dialogue. On est obligés de comprendre que les uns et les autres partent d’un point de vue qui pour eux est la vérité.

 

Le problème qu'on a avec tous les conflits depuis maintenant une trentaine d'années – et peut-être même plus, mais c'était moins perceptible – c’est qu’on essaie toujours d'imposer notre vision. Cela permet de simplifier le discours et surtout d'interdire ou d'invisibiliser les discours qui ne sont pas conformes. Mais la réalité d'un conflit est que les deux parties ont l'impression d'avoir raison. Personne ne va à la mort en pensant avoir tort.

 

Quand on essaye d'analyser un conflit, on doit d’abord partir de l'idée que l'on doit faire abstraction de son propre jugement et admettre que les deux parties ont le sentiment d'avoir un point de vue correct. Il s'agit, à partir de ce moment-là, pour l'analyste ou le médiateur, de comprendre ce qui fait que les gens voient les choses comme ils les voient et de quels faits cela peut venir.

 

Vous êtes très présent dans les médias indépendants et je me suis toujours demandé si les espions n’étaient pas tenus à une sorte de secret professionnel?

 

Quels secrets aurais-je dévoilés? Aucun.

 

Je n'ai pas fait d'espionnage techniquement, pendant la guerre froide, mais j'ai fait du renseignement, dans un contexte très spécifique, qui n'existe plus aujourd'hui. Ce que j'ai appris pendant cette période-là, ce n'est pas si les Russes avaient des canons comme ci ou bien des avions comme ça. Vous trouvez ces éléments aujourd'hui dans n'importe quelle revue. Ce que j'ai appris, c'est une approche des problèmes. C'est que, même pendant la guerre froide, on essayait de comprendre comment les belligérants pensaient, d’analyser leur manière de voir la guerre, de se mettre à leur place. Parce que la finalité du renseignement, c'était de pouvoir prendre des décisions.

 

Les renseignements étaient bien meilleurs à l'époque qu’ils ne le sont maintenant. C'était un peu plus facile, parce que c’était plus concret: des chars contre des chars, de l'artillerie, des avions contre des avions. L'idéologie politique n’avait pas un très grand rôle dans cette affaire, c’était plus militaire et mécanique, pour ainsi dire. Alors il y avait des nuances, bien entendu, et c'est pour les comprendre qu'il fallait se mettre à la place des autres. Mais c'était plus facile à faire qu'avec, par exemple, des terroristes qui ont des logiques différentes. La logique des militaires soviétiques ou pacte de Varsovie, à l'époque, était grosso modo la même que la nôtre.

 

La différence c'est que, pendant la guerre froide, on ne s'interdisait pas d'essayer de penser comme l'adversaire. Ni d'essayer d'imaginer comment l'adversaire nous voyait. Typiquement, en Suisse, à Genève ou à Berne, on pouvait acheter la presse russe. Je crois même avoir vu un journal de l'armée soviétique dans un kiosque, à l'époque. Alors qu'aujourd'hui, on interdit les médias russes.

 

On est dans une moralisation permanente des conflits?

 

Cela va plus loin que ça. Aujourd’hui, on travaille sur des narratifs, alors qu’on n’avait pas cet élément à l'époque. Alors oui, on pensait bien que les Soviets étaient des méchants qui voulaient nous attaquer et ils avaient sûrement la réflexion inverse. Mais ça restait très superficiel, d'une certaine manière. Alors qu'aujourd'hui, le simple fait d'essayer de comprendre vous ostracise complètement, vous invisibilise totalement, si bien que vous vous en retrouvez censuré.

 

Pour ce qui est du conflit au Soudan: si on l’avait compris à l'époque, comme il aurait dû être compris, et si on l'avait traité comme il aurait dû être traité, on n'aurait pas de conflit aujourd'hui. Quand vous commencez par mal comprendre le problème, tout le raisonnement que vous avez autour de ce problème va vous conduire à de fausses solutions.


«La Suisse avait des conseillers pour la paix dans les régions où les conflits se sont accentués»

 

D'ailleurs, c'est assez symptomatique de voir que la Suisse avait des conseillers pour la paix au Rwanda, au Mali, au Niger et au Soudan. Régions où les conflits se sont accentués au lieu de se réduire. Il y a vraiment des questions à se poser.

 

À l’époque, j’avais déjà averti que l’on n’était pas du tout sur la bonne voie. On envoie des gens qui sont contre les militaires, parce qu'ils pensent que c'est les militaires qui font les guerres. C’est un regard extrêmement schématique sur les choses. Ce ne sont pas les militaires mais les politiques qui provoquent les guerres.

 

En Afrique, on est sur les conséquences ou les séquelles des politiques du XIXᵉ siècle: on s'est partagé un continent sans vraiment tenir compte des peuples qui y vivaient. Vous avez aujourd'hui des peuples en déséquilibre sur des frontières. Et personne aujourd'hui ne veut toucher aux frontières à cause des différentes implications. On est donc condamnés à voir se perpétuer ce genre de conflits, car aucun travail n’a jamais vraiment été effectué là-dessus.

 

En parlant du Niger, une Suissesse a récemment été kidnappée à Agadez et, selon nos informations, le DFAE n’assure pas la sécurité de la Suissesse restante.

 

On a un DFAE totalement déficient, c’était déjà le cas à l'époque. Je ne peux pas répondre sur le cas précis que vous évoquez, car je n’ai pas suivi tout ce qui s’est passé au Niger, mais je sais qu’il y a une section qui s'occupe des questions de protection et des questions de traitement des otages au DFAE. Et, là aussi, on a affaire à des gens qui ont une compréhension assez simpliste des choses.

 

Il y a quinze ans, on avait déjà des otages suisses et ils avaient fait venir des spécialistes de l'antiterrorisme de la police de Berne pour s’en occuper. Cela veut tout dire.

 

C’est peut-être un peu réducteur, mais je me demandais récemment à quoi servait le département fédéral des Affaires étrangères (DFAE)? Lors de l’épisode de la flottille pour Gaza, on a demandé aux gens de rembourser leur sauvetage.

 

Ces pratiques ne sont pas totalement étrangères. La règle est la suivante: quand vous allez dans une région ou dans un secteur manifestement menacé ou insécure, pour des raisons touristiques ou d'autres, alors le DFAE conclut que vous partez en connaissance de cause et que vous devez prendre vos responsabilités. Ceci étant, ne comptez jamais sur le DFAE si vous êtes torturé par Israël, ils ne vous aideront jamais.

 

Cela n'exclut pas le fait que, lorsque vous avez un ressortissant prisonnier, cela reste un de vos ressortissants, un justiciable suisse et, par conséquent, ça ne vous dispense pas en tant qu'État de prendre les mesures pour essayer de faire libérer cette personne et d'éviter des mauvais traitements. Ce sont des procédures qui dépendent typiquement de la diplomatie.

 

Dimanche dernier, l’un de mes collègues a publié une enquête intéressante démontant les fake news des médias mainstream… D'ailleurs, vous n’y êtes plus invité, comment cela se fait-il? Vous leur faites peur?

 

Oui je pense que je leur fais peur, il n'y a aucun doute là-dessus.

 

Il faut dire qu’ils sont facilement effrayés…

 

Ils sont très facilement effrayés, parce qu’ils sont incapables et incompétents. C'est l'incompétence qui rend les gens peureux. Quand vous lisez mes deux livres qui traitent du conflit en Ukraine, tout est très abondamment sourcé. Ces sources sont pratiquement toutes situées soit aux États-Unis, soit en Ukraine. Il n'y a pas de source russe dans ces bouquins. Cela veut dire que le discours que je porte est contraire au mainstream, mais il vient de sources ukrainiennes.

 

Parce que les journalistes ukrainiens sont beaucoup plus pointus dans les limites de ce qui est possible pour un pays en guerre, où il y a manifestement un contrôle de l'information tout à fait compréhensible. Néanmoins, les journalistes ukrainiens manifestent plus de liberté de réflexion que les journalistes francophones.


«Pratiquement tous les conflits aujourd'hui sont construits autour d'une image, pas de faits»

 

Alors évidemment que je prends les documents qui soutiennent mon propos, bien entendu, mais qui reflètent ce que disent les Ukrainiens. Je n’invente pas. Les Occidentaux vivent sur un narratif. Par conséquent, dès qu'on arrive avec des propos ukrainiens qui contredisent leur perception, ils sont désarçonnés. Et je peux démonter à peu près n'importe quel narratif, uniquement en citant des sources ukrainiennes. Pratiquement tous les conflits aujourd'hui sont construits autour d'une image du conflit, pas des faits du conflit.

 

On dépeint le conflit comme on voudrait qu’il soit?

 

C’est exactement ça. Parce qu'on justifie des politiques qui sont quelquefois totalement absurdes, ou contreproductives. Pour les justifier, on est obligés d'inventer. C'est comme quand on vous parle, ces dernières semaines, de tous les drones qu'on a vus un peu partout qui s'attaquent aux aéroports, aux avions ou aux bateaux. En fait, à aucun moment a-t-on pu déterminer que ça venait des Russes. Simplement, on met un coup de projecteur sur des faits qui, en réalité, se passent tous les jours.

 

Je n’ai pas les statistiques pour l'Europe, mais aux États-Unis, rien qu'autour des aéroports, vous avez 600’000 occurences de drones par année. Je peux m'imaginer que l'on ait quelque chose d'à peu près semblable – ou un peu moins – en Europe, autour des aéroports, des aérodromes et des bases militaires.

 

L’enquête sur la «guerre hybride» publiée dernièrement sur L’Impertinent démontre que les médias agitent le spectre russe à la moindre menace, mais ne publient pas de correctif lorsque leur responsabilité est démentie. C’est vraiment très grave journalistiquement parlant.

 

C’est exactement ça.

 

Pourquoi est-on dans ce genre de narratif? Essaie-t-on de préparer les populations européennes à une troisième guerre mondiale?

 

Non, je ne pense pas que ce soit aussi élaboré que ça. Les politiques que l'on adopte dans nos pays sont peu réfléchies, pour rester poli. Bien souvent, on ne voit pas les conséquences à long terme. On réfléchit toujours à un horizon de six mois, deux ans maximum.


«On a traversé toute la guerre froide sans interrompre les livraisons de gaz russe»

 

De plus, on a une réflexion très politicienne, on essaye surtout de prendre des politiques pour nuire à tel parti, ou pour faire barrage à tel autre plutôt que de penser à l'intérêt de la population. Un exemple assez symptomatique est la question de l'embargo sur le gaz naturel russe. Les Russes fournissent du gaz à l'Europe depuis les années 60. On a traversé toute la guerre froide sans que les Russes, à aucun moment, ne menacent de stopper les exportations. Cela a toujours été deux choses très distinctes: ils avaient un contrat de livraison de gaz, ils ont livré le gaz. Point.

 

Par ailleurs, quid du Boeing 747 de la Korean Airlines, abattu au-dessus de la presqu'île de Sakhaline? Nous n’avons pris aucune sanction contre les Russes à l’époque, alors qu’ils avaient manifestement fait une erreur de jugement qui a causé 250 morts. Il y a eu nombre de cas comme ça pendant la guerre froide, mais les choses se sont passées très normalement. Alors qu'aujourd'hui, on décide un embargo d'un coup, qui remet en question la compétitivité de nos entreprises. Et cela conduit à des catastrophes économiques industrielles.

 

Comment expliquer ce changement dans les réactions de nos dirigeants?

 

Je pense qu’il n’y a plus beaucoup de maturité dans l'establishment politique. Aujourd'hui, ceux dont on se moque sont tous dans la même tranche d'âge. Ce sont des gens issus d'appareils politiques qui n'ont jamais eu d'expérience de vie, qui n’ont pas d'expérience professionnelle autre que d'avoir été politiciens, qui ont des approches finalement très simplistes des choses et qui changent de point de vue tous les quarts d’heure. À l’époque, les choses étaient beaucoup plus réfléchies. 


«On a un paysage intellectuel beaucoup plus simpliste, il suffit de voir les experts de plateaux»

 

Il est vrai qu'il n'y avait pas encore Twitter. C'est un élément plus important qu'on ne l'imagine. On s'est habitués à ce que l’establishment politique donne des réponses immédiates aux questions que l'on pose. Or, il y a 50 ans, on comprenait qu'il y avait des délais de réflexion, qu'il fallait étudier le problème, nourrir les réponses possibles, les options, etc. Pour arriver à une solution mûrement réfléchie.

 

Prenez l'explosion de Nord Stream 2. On a immédiatement appliqué des sanctions à la Russie et lorsque l’on se rend compte que c’était à tort, c’est trop tard. On ne revient pas dessus, parce qu'on ne veut pas remettre en question le jugement que l'on a eu. C'est très symptomatique d'une manière de travailler des politiques aujourd'hui. On a donc un paysage intellectuel qui a profondément évolué, qui est beaucoup plus simpliste. Il suffit de voir les soi-disant experts de plateaux.

 

the economist

La dernière couverture du journal The Economist représente un casque militaire composé de billets de banque avec le titre «Europe's Opportunity – The Financial Case for Supporting Ukraine» (L'opportunité pour l'Europe – Les arguments financiers en faveur d'un soutien à l'Ukraine)

 

Il y a bien sûr beaucoup de ça, mais c'est aussi une simplification des choses. Le problème est plus profond. Il y a évidemment l'intérêt de vendre des armes, vous retrouvez ça dans tous les conflits. Mais, durant la guerre froide, on ne s’est pas battu avec les Soviétiques, et pourtant, nos usines d’armement tournaient à plein rendement. Alors qu’il n’y avait pas de guerre à proprement parler. Le matériel doit être renouvelé de toute manière. La Suisse a changé trois ou quatre fois de chars ou d'avions de combat pendant la guerre froide. On n’a pas besoin de guerre pour ça.

 

La peur de la guerre serait plus lucrative que la guerre elle-même?

 

Certainement que cela joue un rôle, mais il y a aussi le fait que nos fantasmes viennent se greffer sur les faits, notamment par rapport à la Russie, la Chine ou encore l'Islam.

 

Il y aura toujours des gens qui tireront profit des conflits. C’est inéluctable. Une autre différence avec la guerre froide, c'est l'aspect émotionnel des choses. Aujourd'hui, on hait les Russes. Or, autrefois, on se battait contre le système communiste. Aujourd'hui, on se bat contre des gens.

 

En France, si vous avez un nom qui finit en «ski» ou en «off», vous aurez des problèmes pour ouvrir un compte en banque. Même si vous êtes Français depuis de nombreuses générations. Il y a des restaurants vandalisés parce qu’ils servent de la poutine, le plat canadien. L'absence de culture, l'ignorance, l'incompétence, tout ça s'accumule chez nous à une rapidité absolument incroyable. On n’était pas à ce degré d'ignorance quand j’étais jeune.

 

Ce qui est paradoxal, parce qu'on est censés avoir davantage accès à l'information.

 

On a accès à une information très superficielle. Les gens ne lisent plus des articles de fond. Quand j'étais au collège, j'étais abonnée à Newsweek, à Time Magazine et je m'informais sur la situation internationale en lisant. Aujourd'hui, les gens s'intéressent à trois lignes et considèrent qu’ils comprennent les situations d'après les punchlines des gros titres.

 

Où en est-on de la situation entre la Russie et l'Ukraine? Et surtout, sans vous demander de faire de prédiction, comment est-ce que tout cela va bien pouvoir se terminer?

 

Je ne suis pas du genre à faire des prédictions, mais je regarde les faits et j’essaie d'en tirer des conclusions. Une guerre, il n'y a pas de miracle, se termine soit par une victoire militaire, soit parce qu'on négocie la paix. Souvent, la victoire militaire permet ensuite de négocier une paix, qui est nécessairement à la défaveur du perdant.


Aujourd'hui, Trump essaie de trouver une solution politique au problème. On peut critiquer son approche, mais il a au moins l'intention de le faire, contrairement aux Européens. Les Ukrainiens – portés par les Européens – voient que l'objectif final de Trump n’est pas vraiment de faire la paix, mais plutôt de se dégager du conflit car ils ont compris que la situation était perdue pour les Ukrainiens. Zelensky a compris cela et se raccroche à ses alliés européens pour essayer de faire pression sur les Américains.


«On nous dit à la fois que l'armée russe s'effondre et qu'elle va nous attaquer dans deux ans»

 

La logique européenne est qu'il faut continuer à se battre. Pour ce faire, il faut continuellement entretenir le narratif, parce qu’après dix-neuf paquets de sanctions, la Russie ne donne pas vraiment l’impression de faiblir. Bien sûr, elle a été touchée par ces sanctions, mais elle a su s'adapter et les utiliser à son profit, d'une certaine manière.

 

Seulement, pour justifier ces sanctions, on est obligés de dire que le pays est au bord de l'effondrement, que l'armée russe s’effondre, etc. D'ailleurs, le discours est extrêmement paradoxal, parce que dans le même temps on nous dit que les Russes vont nous attaquer dans deux ans.

 

Mais entre les sanctions et les fausses accusations, n’y a-t-il pas un moment où la Russie va perdre patience? On a un peu le sentiment d’un gamin qui titille un ours avec un bâton.

 

Vous avez raison d'évoquer cette question, parce qu’en Russie, aussi surprenant que cela puisse paraître, Poutine est considéré comme un modéré dans l'establishment politique. Et son attitude, plutôt conciliante vis-à-vis des Américains, est perçue comme une faiblesse dans son pays. Il y a de plus en plus de voix pour dire qu’il faut avoir un ton plus ferme avec les Occidentaux. Si on écoutait les opposants à Poutine en Russie, Kiev aurait été rasée de la carte.

 

Les Russes n'ont pas d'intérêt à s'attaquer à l'Europe. Qu’on le veuille ou non, la réalité est que les Russes sont entrés en guerre pour des questions liées au traitement de la minorité russe en Ukraine. Pas pour augmenter leur territoire. Ça, c'est le narratif occidental. On n'a jamais voulu admettre que le régime qui s'était mis en place en 2014 l’a été contre l’avis d'une majorité de la population. On a développé l'idée que cette révolution était démocratique. Évidemment, si on remettait aujourd’hui l'église au milieu du village, cela reviendrait à remettre en question tout le narratif depuis 2014. Ça ne se fera donc pas.

 

Sur l’article concernant la supposée guerre hybride russe, un internaute a écrit que «le terme légal pour des sanctions illégales est embargo, qui vaut une déclaration de guerre. Seul le Conseil de sécurité de l'ONU peut décréter des sanctions.» Quel est votre avis là-dessus?

 

Quand j’étais aux Nations Unies et que je m'occupais de la doctrine des opérations de maintien de la paix, je me suis occupé de ce qu’on appelle les chapitres 6 et 7 de la charte des Nations Unies. Le chapitre 6 concerne le maintien de la paix. Et le chapitre 7 concerne l'imposition de la paix, même si ce n’est pas dit comme ça.

 

Aux Nations Unies, on peut essayer d'imposer la paix en sanctionnant un pays, de façon à le pousser à la table des négociations. Cela doit être fait par le Conseil de sécurité car la charte des Nations Unies dit qu'on a pas le droit d'interférer dans la politique intérieure d'un pays. Ce que font précisément les sanctions. Mais puisque c'est la charte qui détermine qu'on ne peut pas interférer, c'est aussi elle qui peut déterminer qu'on peut interférer. Il y a une logique.

Par contre, dans le cas de sanctions unilatérales comme le font les Américains et la Suisse – deuxième pays qui sanctionne le plus au monde, selon le Washington Post – ainsi que l’UE, elles sont illégales par rapport au droit international.

 

En Suisse, autrefois, notre politique étrangère de sécurité était axée sur ce qu'on appelait l’International Law-based Order, c'est-à-dire un ordre international basé sur le droit. Aujourd'hui, dans les documents de la Confédération, cette notion a été remplacée par International Rules-based Order. Donc basé sur des règles. Et ça, c'est très différent.

 

Les règles sont adaptables à l’envi, c’est ça?

 

Exactement. C’est une perversion du système que l’on a d’ailleurs adoptée dans le langage courant. Je n’ai jamais entendu de débat sur cette question en Suisse. Ni au Parlement, ni dans le public. Cela n’a pas fait l’objet d’un référendum. Or, cela change radicalement notre manière d'aborder les choses. Ce sont bien nos sanctions, car elles sont différentes de celles de l’Union européenne. On sanctionne plus que l’UE.

 

Pour revenir à la remarque de votre internaute, il est correct de dire que si la Suisse appliquait le droit international, elle appliquerait les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU. Or, parmi les cinq membres permanents de celui-ci, la Russie et la Chine ont le droit de veto. Par principe, ces deux pays refusent les sanctions, sauf quand elles ont un objectif clair. D'ailleurs, vous remarquez que la Russie ne répond pas par des sanctions unilatérales, parce que ce n’est pas légal.

 

Donc la Russie est davantage dans la légalité que l’Union européenne, finalement?

 

Exactement. Les Russes sont assez stricts sur ce genre de choses. La Chine aussi d'ailleurs. Celle-ci est sanctionnée par les Américains pour différentes raisons, mais elle ne répond pas par des sanctions. Quand les Américains essaient d'imposer leur volonté aux Chinois par des droits de douane, les Chinois répondent par des droits de douane.


Lorsque les Américains leur causent des problèmes avec un contrôle des exportations, typiquement sur les semi-conducteurs, les Chinois répondent par un contrôle des exportations, typiquement sur les terres rares. Ils répliquent dans le même champ d'action.

 

Je suis tombée sur une conférence que vous avez donnée il y a quelques mois, dont le titre m’a interpelée: «Vers la paix, la chute de l'Occident». Quel lien entre les deux? La paix mondiale ne peut être atteinte qu’avec la chute de l’Occident?

 

Oui, dans une certaine mesure. Toutes les guerres que l’on a connues depuis une trentaine d'années étaient totalement inutiles. Personne n’y a rien gagné, pas même ceux qui les ont commencées. On a perdu des vies humaines, de l’argent et des régions. Pire, on a déstabilisé des régions. Pensez à la Libye, à la Syrie, à l’Afghanistan.

 

Regardez d’où viennent les immigrants aujourd'hui qui posent tant de problèmes aux mêmes personnes qui défendaient les interventions dans les pays que l’on a déstabilisés. On a créé des problèmes, on a détruit des systèmes sociétaux, on a détruit des environnements, ce qui fait qu’aujourd’hui, les locaux n’arrivent plus à y vivre et donc ils viennent chez nous.


«Ceux qui tirent les ficelles de ce qui se passe au Soudan sont issus du conflit libyen»

 

On a fait des guerres sans même savoir pourquoi, d'ailleurs. A-t-il vraiment fallu 20 ans pour tuer M. Ben Laden? Qui est d’ailleurs mort au Pakistan. C'est totalement absurde! On est restés 20 ans en Afghanistan, on a tout détruit. Pareil pour l'Irak, la Libye et la Syrie. C'est presque encore pire avec la Syrie, parce qu'on négocie maintenant avec ceux que l’on a combattu. Si vous réfléchissez à tout ça, vous vous apercevez que l’on marche sur la tête, littéralement.

 

On parlait du Soudan tout à l'heure. Ceux qui tirent les ficelles de ce qui se passe au Soudan sont des gens issus du conflit Libyen. On a vraiment tout déstabilisé par des actions intempestives, basées sur des mensonges. On a littéralement attaqué des pays sans vraiment savoir ce qu'on voulait atteindre. On a éliminé Kadhafi en Libye, mais pourquoi? On n’a rien mis à la place. On a éliminé un leader, on a déstabilisé le pays et on est repartis.

 

Nous sommes des fauteurs de guerre, sans apporter de solutions concrètes. J'ai l'impression que l'on fait des guerres plus pour des questions de politique intérieure que pour des ambitions extérieures.

 

Comment expliquer que la Suisse, censée incarner le système le plus démocratique du monde, dotée de politiciens censés être en dehors des jeux de pouvoir ridicules de la scène française, ait les mêmes réflexes et suive la même logique que toute la clique?

 

Poser la question, c'est y répondre. Regardez notre Conseil fédéral, vous y verrez l’incarnation du manque d’imagination. Autrefois, il était probablement critiquable sur un certain nombre de points, mais c'étaient des gens qui savaient où ils voulaient aller.


«Les leaders politiques d'aujourd'hui ne sont plus obligés d'être compétents pour rester»

 

Il y a 50 ans, être politicien c'était avoir le prestige du pouvoir. Aujourd'hui, et depuis une trentaine d'années, vous remarquez que les gens compétents ne vont pas se perdre dans la politique. Vous vous faites attaquer, on vous met des bâtons dans les roues sans arrêt, tout ça pour gagner 500’000 balles par année. Cela n'a aucun intérêt. Vous avez meilleur temps d'aller dans une grande entreprise, vous serez plus tranquille.

 

Je simplifie évidemment le propos, mais on s'aperçoit que le profil des leaders politiques a changé. Ils ne sont plus obligés d’être compétents pour rester.

3 commentaires


chantalgetaz814
il y a 13 heures

Je me faisais exactement la même réflexion que Madame Sandoz. Certaines personnes ne sont jamais invitées par les médias traditionnels. On pourrait croire que certains journalistes sont incapable de se confronter à un autre avis que celui qu'ils entendent sur tous les médias traditionnels. Est-ce la peur ou est ce la paresse ? Peut-être les deux. M. Pascal Boniface a été exclu pendant des mois des chaînes de télévision françaises. Toutefois, certains journalistes l'invitent à nouveau. Peut-être qu'il reste encore un peu d'espoir.


J'aime

suzette.s
il y a un jour

Magnifique interview. Merci à Amèle Debey et à M. Baud. Quand lira-t-on de telles interviews dans nos derniers grands journaux? Quand est-ce que M. Baud sera invité à Infra-Rouge, aux Beaux-Parleurs ou à Géopolitis?

J'aime
baka
il y a un jour
En réponse à

Je ne regarde plus les médias mainstreams parce que cela ne m'est plus possible et ça date d'il y a 15 ans environ. Je remarque cette folie mainstream sur les gens autour de moi, ce qui est extrêment grave : énergie, écologie contre productive voir anti-écologique, Covid-19, Ukraine, Gaza,.. . Il faut ranger les mainstreams avec les VHS, ils y seront très bien à prendre la poussière. Il faut en parler autour de nous, envoyez des lettres à la Confédération que cela cesse immédiatement. Ca m'hérisse les poils, je ne peux plus entendre ces médias ça en devient une cause médicale. Leurs mensonges même sans connaissance sur le sujet vous hérisse le poil, car ça sonne faux et ce n'est jamais sourcé…

J'aime
Pop Up Trigger
00:00 / 01:04
L'Impertinent - Logo 25 (1).jpg

Inscrivez-vous aux alertes de publication :

Merci pour votre envoi !

Faire un don

IBAN : CH52 0900 0000 1555 3871 0

Lausanne, VD

© 2020 L'Impertinent - L'information au service du public - Politique de confidentialité

bottom of page