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Louis Fouché à Lausanne: la gauche en guerre contre la liberté d’expression… et la logique

Dernière mise à jour : 2 mars

Le parti socialiste et Ensemble à gauche ont interpellé la municipalité de Lausanne dans une lettre ouverte. Au cœur de leur «inquiétude», la venue du médecin anesthésiste Louis Fouché ce week-end dans la capitale vaudoise, pour une conférence. Or, la soirée en question est privée et l’argumentaire avancé mêle fausses informations, rumeurs et non-sens. Les organisatrices dénoncent la mise en place d’une «police de la pensée».

Louis Fouché
© Twitter/DR

«Nous avons appris avec inquiétude qu’une conférence du Dr. Louis Fouché va être tenue à Lausanne le 25 février prochain à la suite d’un événement organisé le 24 février dans la ville d’Aubonne». C’est en ces termes que plusieurs conseillers communaux lausannois se sont adressés au syndic de la ville, ainsi qu’à ses municipaux, afin de prévenir ces interventions qu’ils considèrent comme «de nature à perturber l’ordre public».


Lettre à la muni 1
Lettre à la muni 2
La lettre en question (cliquez pour agrandir)

S’en suit une succession d’amalgames et de rumeurs – pratiquement toutes issues du même article à charge de Libération – à propos de Louis Fouché, comparé à un gourou attirant des adeptes de Qanon. La présence à Lausanne de cette «menace pour la santé publique» présenterait donc un risque de «dérive sectaire», car ce type de conférence crée «un état de sujétion psychologique pouvant entraîner potentiellement des conséquences dommageables, notamment financières».

 

Du côté des organisatrices du déjeuner-conférence, Michelle Cailler (présidente du Mouvement fédératif romand) et Delphine Héritier-de-Barros (présidente de Réinfo Santé Suisse International), on reste «insensible» à ce qui ressemble à une «affligeante tentative d’intimidation»: «Peu importe le parti, de gauche ou de droite, il est choquant que des politiques cherchent à faire taire des experts de la santé qui ont un discours différent de la narration officielle relative à la crise sanitaire, alors même que ceux-ci devraient défendre la liberté d’expression consacrée par notre Constitution, expliquent-elles de concert. Ce d’autant plus que ce courrier diffamatoire s’attaque au messager sans apporter aucun contre-argument, source ou preuve quant à la pertinence ou non du message lui-même».

 
 

Les deux femmes, qui affirment avoir gardé secret le lieu de cette rencontre privée pour des raisons pratiques, estiment «consternant qu’après cette période de crise, aucune remise en question, recherche ou réflexion n’ont été entreprises de la part de ces élus représentant pourtant une partie de la population».

 

Mais dans quel but cette lettre ouverte a-t-elle été envoyée, puisqu’il s’agit d’une conférence privée sur laquelle la Municipalité n’a aucune influence? Ni même aucune information, si on en croit la réponse reçue sur le sujet par L’Impertinent?


Il s’agit, pour les signataires, d’enjoindre les dirigeants de la ville à «examiner avec la plus grande circonspection toute demande d'autorisation ou de prêt ou location de salles en lien avec cette manifestation, ainsi que d'exercer, en collaboration avec les autorités cantonales, son devoir de vigilance et de prévention face aux risques de dérives sectaires présentés par cet événement».

 

Erreur sur la cible?

 

De surcroit, Louis Fouché serait de mèche avec «une galaxie d’entreprises très lucratives rodées aux pires techniques de vente employant notamment la technique du one-click interdite en France pour récolter des capitaux».

 

Or, si les organisatrices de l’une ou l’autre des conférences n’ont aucun rapport avec ces entreprises, celles-ci sont bien présentes en Suisse et beaucoup d’entre elles sont même basées… à Lausanne.

 

En effet, comme le révélait le site Blast début 2023, qualifiant notamment la Suisse de «paradis des gourous», Lausanne abrite une multitude d’entreprises françaises spécialisées dans la production de lettres d’information: «Précisément au 3 rue Neuve, derrière les parois d’un épais bâtiment de verre et d’acier, modestement baptisé ‘La Cité du Marketing Digital’, 240 employés s’activent pour soutenir une grande cause l’élaboration et l’envoi frénétique de lettres d’information principalement en France, était-il écrit. Dédiées aux médecines alternatives, ces publications contribuent à répandre les théories antivaccin, en vogue face aux questions légitimes que les politiques publiques et le lobbying de l’industrie du médicament inspirent.»

 

Et nos confrères d’expliquer: «La Suisse est le territoire de jeu idéal. Cette domiciliation permet de contourner des lois européennes soucieuses de protéger les consommateurs et de profiter d’une fiscalité avantageuse».


Silence radio

 

Une réalité qui ne semble pas inquiéter outre mesure les auteurs de la lettre contre Louis Fouché, conseillers communaux d’une ville qui se fait très bien de son statut de terre d’accueil des business interdits en France. Sont-ils seulement au courant de cette situation, avant de se faire des cheveux blancs à propos d’une conférence privée sans aucun rapport avec ces pratiques? Impossible de le savoir puisque, depuis la communication de mercredi, c’est silence radio.

 

L’Impertinent a contacté tous les conseillers communaux signataires de la missive afin de les interroger sur ce paradoxe, ainsi que sur leurs actions concrètes pour lutter contre l’installation et l’accueil de la ville à des entreprises dont l’éthique leur pose manifestement problème. Nos questions sont restées sans réponse.

 

Seul Benoît Gaillard, dont une interpellation a été citée dans cette lettre, nous a répondu. Celui qui dit s’engager «depuis des années pour une meilleure surveillance des risques de dérives sectaires» explique: «Aucune commune n’héberge des entreprises, ni ne délivre d’autorisation avant que quelqu’un en ouvre une sur son sol. Le cadre légal suisse régissant les achats et les transactions en ligne est laxiste, c’est un problème de politique fédérale. Malheureusement, la majorité de droite s’est systématiquement opposée à tout renforcement. Une motion qui aurait, dans les faits, cassé le modèle du ‘one-click’ a été rejetée récemment

 

Quant à savoir s’il soutient ou non la démarche de ses collègues, Benoît Gaillard ne nous a pas répondu directement, mais s’est dit «attaché à la liberté d’expression et à la séparation des pouvoirs».

 

Vers une «police de la pensée»?

 

Car c’est bien de cela qu'il s’agit. Tenter de museler un orateur un peu trop populaire sur la simple base d’accusations fantaisistes auxquelles il a déjà répondu à plusieurs reprises, y compris devant l’Ordre des médecins qui l’a suspendu pendant trois mois. Et ce n’est pas la première fois. Le MFR comme Réinfo Santé Suisse International affirment, par le biais de leurs présidentes, s’être vus annuler plusieurs réservations de salles sans motif explicite par le passé.

 

«On se demande de qui émanent les pressions qui poussent les directeurs de salle à annuler les locations de ces lieux eux qui pourtant prônent la culture et le débat, expliquent-elles. Ce qui est étiqueté comme ‘discours controversé’ par le journalisme de grand chemin n’est qu’une appréciation différente de la voix officielle évaluée comme convenable par les autorités ainsi qu’une partie de la population. De quoi ont-ils peur? Peut-être que chaque citoyen se fasse son propre avis à la lumière de points de vue différents… »

 

Les deux femmes déplorent encore: «On assiste à une mise en place d’une véritable police de la pensée avec potentiellement des sanctions pour ceux qui ne s’y conformeront pas (certains médecins en ayant déjà fait les frais).»

 

Deux poids deux mesures

 

Cette impression est partagée par Isabelle Alexandrine Bourgeois, journaliste et créatrice d’événements, comme la conférence de Louis Fouché qui aura lieu la veille de celle de Lausanne dont parle la lettre: «Avec cette missive, quelle surprenante image que donne la gauche lausannoise qui, sous couvert de vouloir le bien pour tous, trahit son particularisme politique empathique, pour assassiner socialement et sans fondements des simples citoyens qui commettent l’insolence de questionner les mesures prises par les autorités pendant la crise Covid, constate-t-elle. C’est incroyable que des représentants de partis politiques (PS, EàG et Vert.e.s) s’adressent à un syndic pour supposément protéger le peuple contre des citoyens qui ne soutiennent pas la doxa!»

 

Si les événements de la fondatrice de Planetpositive connaissent un succès grandissant, elle aussi s’est déjà heurtée à ce sectarisme que serait plus prompt à incarner les signataires de la missive en question que l’objet de leur émoi: «En général, mes événements se sont déroulés dans les meilleures conditions, si ce n’est quelques pressions venues de la presse qui ne soutient pas les visions de certains de nos orateurs et ne semblent pas partager nos valeurs, explique-t-elle, de même que la nécessité de protéger en priorité le débat public.»

 

(Re)lire notre première interview de Louis Fouché: «L'industrie pharmaceutique est rodée à la fabrique de l'ignorance»

 

Pour la réalisatrice de La route de la joie, «le débat public a presque disparu du paysage médiatique depuis quatre ans. J’observe surtout qu’il y a «deux poids, deux mesures»! On voudrait interdire Louis Fouché de s’exprimer en public, parce qu’il a été temporairement suspendu par l’Ordre des Médecins en France pour ses critiques sur les vaccins anti-covid. Quel rapport avec son droit à s’exprimer librement? Il y a un appel en cours et cet appel est suspensif de sa condamnation. Est-ce que le conseiller d’État genevois Pierre Maudet, malgré une condamnation pénale, confirmée, elle, a été censuré, empêché de s’exprimer en public ou même d’être élu?»

 

Beaucoup de bruit pour rien

 

La lettre des conseillers communaux lausannois ne demande donc rien de concret ni de réalisable à ses récipiendaires et n’aura même pas eu le mérite de soulever un débat contradictoire, tant elle est basée sur du vide. Sa seule utilité aura été de remplir quelques trous dans la presse régionale qui s’est jetée sur ce non-événement au potentiel polémique décevant, parfois même sans la moindre connaissance ni du sujet, ni de ses protagonistes.

 

Résultat: une belle publicité pour des rassemblements que l’on prétend dénoncer, afin de lutter contre des pratiques que l’on tolère tout au long de l'année sur notre sol.

 

Relire nos interviews de Louis Fouché:



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