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«Le but ultime des anglosaxons est de détruire la Russie avec le sang ukrainien»

Dernière mise à jour : 29 juin 2023

François Meylan est conseiller financier indépendant et chef d’entreprise. Ancien officier de renseignement dirigeant au sein des Forces aériennes suisses, il est également auteur de livres et de reportages sur les violences politiques et le crime organisé. C’est à ce titre qu’il s’exprime actuellement sur la guerre en Ukraine. Cet ancien cadre d’UBS et ancien secrétaire du PDC Vaud livre, au risque de déplaire, une analyse piquante sur le conflit russo-ukrainien dans une interview accordée au journaliste espagnol Josep Maria Francàs i Porti.

François Meylan
François Meylan

© Citywire

 

Cet article a initialement été publié sur le site internet noentiendonada. Nous publions ici sa traduction avec l’accord de son auteur.

 

Josep Maria Francàs i Porti: Qu'est-ce qui se cache derrière la guerre en Ukraine?


François Meylan: Une stratégie pour briser la Russie. L'ennemi héréditaire de quelques individus «messianiques» de Washington. Le plus grand pays du monde avec 40% de toutes les matières premières. Le plus grand partenaire commercial stratégique de l'Allemagne, le pays qui ne se pliera pas devant l'agenda euro-atlantiste, c'est la Russie.


Pourquoi s'est-elle impliquée dans cette guerre? C'est elle qui a déclenché l'invasion...


La guerre a commencé en 2014 avec le coup d'État de Maïdan. A partir de cette date, l'Allemagne et la France étaient responsables de la mise en œuvre des accords de Minsk I et de Minsk Il. La Russie était également responsable de la mise en œuvre de ces accords. Les Etats-Unis les ont rejetés et Kiev ne les a pas respectés. L'Allemagne et la France qui en étaient les garants n'ont pas fait pression sur Kiev comme prévu. Ensuite, Zelensky a planifié une opération militaire pour purger le Donbass. Le décret de Zelensky est daté de mars 2021.


Les mouvements de troupes ukrainiennes commencent à la mi-2021. Les bombardements sur la population civile du Donbass s'intensifient à partir de décembre 2021. Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) l’ont même rapporté. Entre le 14 et le 22 février, l'armée de Zelensky intensifie ses attaques contre la population russophone du Donbass. La Russie intervient alors pour protéger cette minorité conformément au droit de protection de la population civile de la Charte de l'ONU. Deux conditions sont requises: d’une part, une coalition doit agir, pas seulement un seul pays, et un État doit en faire la demande.


C'est pourquoi la Russie, au préalable, a reconnu les deux républiques autoproclamées du Donbass. Elles ont aussitôt formé une coalition avec la Russie et lui ont officiellement demandé de l'aide. Le droit international est presque respecté… Il s’agissait d’éviter de nouveaux massacres de civils dans le Donbass. Le seul «souci» de compatibilité est que seule la Russie reconnaît les deux républiques autoproclamées que sont Donetsk et Lougansk.


Quel est l'intérêt de l'Ukraine de provoquer la Russie?


Kiev ne pensait pas que les Russes interviendraient. Ce fut une surprise pour tout le monde. Par ailleurs, la responsabilité de protéger les populations civiles est inscrite dans l'article 51 de la Charte de l'ONU. La Russie se gargarise d’en avoir respecté ses trois piliers.


Je ne comprends pas comment Zekenky a pu penser que Poutine serait satisfait et ne répondrait pas aux provocations... Il avait déjà annexé la Crimée, n'est-ce pas?


La Crimée était déjà indépendante avant l'Ukraine. C'est l'Ukraine qui annexe la Crimée, et non la Russie. Après les évènements du Maïdan, la Crimée se libère à nouveau, avec possiblement un appui de la Russie. Il reste à l’établir. De son côté, Poutine a refusé d'intervenir entre 2014 et 2022 alors que les habitants du Donbass lui demandaient de l’aide.


Le dirigeant du Kremlin espérant encore l’application des accords de Minsk qui, comme je l’ai évoqué, n'ont jamais été respectés par Kiev. Je le rappelle, les garants de Kiev étaient la France et l'Allemagne.


La Russie a annexé la Crimée en 2014, n'est-ce pas?


La Russie a peut-être soutenu la Crimée lors de sa libération du joug de Kiev. Elle ne l’a pas annexée.


Quelle que soit l'histoire antérieure à 2014, Poutine annexe la Crimée. c’est un fait. Et «il ne se passe rien». Avec ce précédent, n'était-il pas prévisible que la Russie interviendrait dans le Donbass à la moindre occasion et avec le moindre prétexte?


Le 20 janvier 1991, la Crimée est devenue indépendante d’elle-même. Avant d’être annexée par le régime de Kiev. Avec le coup d'État de 2014 (Maïdan) et les attaques contre la Crimée et les minorités russophones du pays, la Crimée a demandé à entrer en Russie pour sa protection. Il ne s'agit pas du tout d'une annexion russe.


Rappelons la nature du régime de Kiev: avant l’intervention russe du 24 février 2022, on estime que quelques 35'000 ukro-nazis, armés, radicaux, racistes et antisémites dépendent directement du Ministère de l'intérieur à Kiev. Ce sont eux qui ont été utilisés pour les opérations de représailles. Il y a aujourd'hui en Ukraine non moins de 60 bâtiments, places et écoles qui font l'apologie du défunt nazi Stepan Bandera. Celui qui a organisé les pogromes dans lesquels des dizaines de milliers de juifs, de polonais, de russes, de tziganes etc. ont été assassinés. Il bénéficie de son propre timbre postal. Il est célébré tous les premiers janvier avec des défilés à la torche et au flambeau. Regardez Google Maps et vous constaterez le nombre de Stepan Bandera Monument; Stepan Bandera Street; etc. du nazisme.


Ce sont des adeptes de cette même idéologie nazie qui ont reçu la mission de tuer lors des révoltes en Crimée et dans le Donbass. Depuis le milieu de l'année 2021, le russe, en vertu du décret de Zelensky, n'est plus une langue officielle, ce qui pose de gros problèmes aux minorités pour communiquer avec les administrations du pays. Les russophones ne sont plus des citoyens à part entière depuis la mi-2021. Ils n'ont pas accès aux postes élevés dans les administrations, par exemple. Le régime de Kiev veut vraiment discriminer ses minorités. Le 1er juillet 2021, une loi discriminante est entrée en vigueur. Le nouveau texte distingue deux catégories de citoyens.


Nous ne devrions donc pas non plus parler de «l'invasion de l'Ukraine» par la Russie?


Il s'agit certainement d'une invasion au regard du droit international, mais cela dépend aussi du point de vue duquel on se place. Pour les Russes et les minorités persécutées, il s'agit d'une opération de protection de populations civiles menacées. On peut estimer que la réponse de Poutine n'était pas la plus appropriée. Pour autant, la justification d'intervenir existait. Maintenant, c'est devenu une guerre conventionnelle de haute intensité. C'est une tragédie et au lieu de construire des ponts, des liens, pour parler, pour négocier, pour calmer la situation, l'Europe est devenue belliciste avec un Josep Borrell qui est devenu le «ministre de la guerre» de l'Union européenne… c’est désastreux.


N'oubliez pas qu'il y a eu un accord de paix déjà en mars 2022. La Russie a seulement exigé que l'Ukraine s'engage à ne pas rejoindre l'OTAN. Les Français et les Allemands ont accepté. Les Britanniques et les Américains l’ont saboté. Le but ultime des anglosaxons est bien de détruire la Russie autant que possible… avec le sang ukrainien.


Pourquoi l’Union européenne qui perd sur tous les plans accepte-t-elle cette situation?


C'est la question à un million: à qui la Commission européenne obéit-elle? Parce que pour l'instant, elle ne travaille pas du tout pour les citoyens européens. Demain et après-demain, la Russie sera toujours notre voisin avec un gaz moins cher que le gaz de schiste américain qui est deux fois plus cher. L'économie d'un pays n'étant que de l'énergie transformée. La Commission européenne n'a ni le droit ni la prérogative d'acheter des armes et encore moins d'engager l'ensemble du peuple européen dans une guerre très, très dangereuse avec le risque d'armes nucléaires. Josep Borrell a donc une énorme responsabilité dans cette tragédie. Mais il n'est probablement pas libre de penser ni de décider. C'est le laquais de quelqu’un. De qui? Telle est la question.


Comment cela va-t-il se terminer? On parle d'une grande offensive ukrainienne, le groupe Wagner, des mercenaires au service de Poutine, s'est rebellé contre son chef et avançait vers Moscou...


Tout d'abord, nous sommes très mal informés. Nous ne prenons en compte que les informations des services de renseignement de Kiev. Sur le terrain aujourd'hui, selon les sources israéliennes (Mossad), le Pentagone et la Turquie, la Russie est en train de gagner la guerre. Elle augmente sa population de 8 millions d'habitants (ceux du Donbass).


Les pertes russes sont de 14'000 à 16'000 selon les sources. Elles sont énormes, car en 10 ans de guerre en Afghanistan, l'URSS avait perdu 14'000 soldats... mais en 10 ans. Mais plus tragiques sont les pertes ukrainiennes qui, toujours selon les mêmes sources, sont de 160'000 à plus de 200'000 soldats. L'artillerie russe est la meilleure au monde et est 10 fois plus puissante que l'ensemble des alliés de l'OTAN (y compris l'Ukraine).


«Ce conflit doit cesser au plus vite, sinon le seul gagnant seront les Etats-Unis»

La Russie se bat également pour son espace vital et elle est très déterminée. La Russie ne peut pas perdre cette guerre. C'est une question de vie ou de mort. Le think tank US «Rand Corporation» a élaboré un plan visant à diviser la Russie en une multitudes de républiques autonomes. La Russie est vraiment en danger de survie et les Russes le savent.


Le danger pour Poutine et sa crédibilité est que le conflit s'éternise. Ses alliés, comme la Chine, la majeure partie de l'Afrique, l'Inde, le Brésil et certains pays arabes pourraient perdre patience voire même la confiance. Ce conflit doit cesser au plus vite, sinon le seul gagnant seront les Etats-Unis.


Si la Russie ne peut pas perdre et si les Etats-Unis non plus, qui va perdre?


En fin de compte, ce sera la Russie. Ils vivent leur survie, ils savent se sacrifier, ils ont une doctrine et nous, Occidentaux décadents, n'en avons pas. Les Russes ont été capables de sacrifier plus de 20 millions de personnes pour libérer le continent du nazisme. Aucune autre nation ne l'a fait.


Une anecdote: ce sont aussi eux qui ont libéré les camps de la mort nazis d'Auschwitz et de Birkenau en janvier 1945 (je les ai visités à trois reprises) et ils sont les seuls à ne pas être invités lors des commémorations organisées chaque année en janvier. C’est une humiliation de plus. La Russie en subit de la part de l’Occident depuis deux décennies.


J'y suis aussi allé et quand ils montrent le film de la libération du camp et qu'ils nomment les Russes, ils les sifflent.


C'est exact.


Vous avez dit que la Russie allait perdre la guerre?


Non, au contraire! Je voulais dire qu'il fallait arrêter le conflit le plus vite possible, sinon les Américains profiteront seuls et sur tous les plans. Mais si la guerre continue, les Russes finiront par la gagner, il n’existe pas d’autre alternative pour eux. Ils sont en danger de mort.


Les bases de l'OTAN entourent la Russie, leur seul accès à une mer chaude est la mer Noire. Ses voisins sont la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, l'Ukraine, la Géorgie... Tous sont membres de l'OTAN ou presque. L'année dernière était le dernier moment pour Poutine de réagir pour l'avenir et pour l'indépendance de la Russie. Certains parlent du rêve impérial de Poutine... il ne s'agit pas de cela. Il s'agit uniquement de la survie de la Russie.


En 1989, lorsque Berlin et l'Allemagne ont été réunifiés, cela n'a pu se faire qu'avec l'accord des Russes. Il y avait alors quatre tuteurs de l’Allemagne divisée: la France, l'Angleterre, les Etats-Unis et l'URSS. Pour obtenir l'accord de Gorbatchev, les alliés ont promis que l'OTAN ne s'étendrait pas à l'Est du continent. Pourtant, après 1989, l'OTAN s'est élargie cinq fois en direction et toujours plus proche de la Russie. La Russie sait que l'Occident n'a pas de parole. Les Russes sont les seuls maîtres de leur destin et ils feront tout pour ne pas perdre, c'est une question de vie ou de mort pour ce grand pays.


Nous, Européens, nous n'avons aucun intérêt à voir disparaître la Russie sous sa forme actuelle. Elle nous offre un contrepoids à la perpétuelle hégémonie américaine. Zelensky sera supprimé ou tué et un nouveau plan de paix sera présenté avant la fin de cette année. L'Ukraine perdra définitivement le Donbass et s'engagera à ne pas rejoindre l'OTAN. La Russie renoncera à nettoyer le régime criminel et néonazi qui œuvre actuellement à Kiev avec la bénédiction, entre autres, de l'Angleterre et du Canada. Ce sera la meilleure solution pour un monde qui veut la paix. Il ne manque plus qu'une porte de sortie honorable pour les USA. Car il s'agit en fait d'une guerre entre les USA et la Russie.


«Seuls les Etats-Unis sont aux commandes de l'OTAN»

Quand on sait comment fonctionne l'OTAN, on se rend compte que seuls les États-Unis sont aux commandes. Cette organisation ne fonctionne pas comme l'ONU avec des débats, des votes et des résolutions. Dans l'OTAN, ce ne sont que des partenaires qui se mettent sous la protection du bouclier nucléaire américain et, à ce titre, c’est l’Oncle Sam qui décide de tout: de la stratégie, des priorités, de l'armement, de l'idéologie, etc. La réponse doit venir des peuples qui ne veulent plus payer et souffrir pour cette guerre absurde.


Je résume: si le conflit dure, les Russes gagneront mais à un prix très, très élevé pour tout le monde. Si le conflit dure plus longtemps, ce sont les États-Unis qui en profitent: ils vendent des armes et de l'énergie; ils affaiblissent la concurrence économique de l'Allemagne; ils réduisent la puissance de la Russie… mais ce cas, contre le prochain, ils perdront tout! Le prochain c'est la Chine. Il est préférable pour tout le monde que ce conflit s'arrête rapidement.


Comment se terminera-t-il alors? L'armement nucléaire en Ukraine...


Les armes nucléaires en Ukraine, si elles existent encore, disparaîtront et les Russes n'utiliseront pas les leurs. Nous n'assisterons pas à un conflit nucléaire. Personne ne va prendre le risque d'assumer cette trop lourde responsabilité. Mais il est dans l'intérêt de l'Occident que, si elles existent en Ukraine, elles disparaissent avant la fin du conflit, sinon des pays comme l'Iran ou l'Arabie saoudite et d'autres revendiqueront le droit d’en posséder également.


Pour rappel, l'Arabie saoudite et l'Iran se sont chacun investis en tant que gardien d'un dogme religieux. Le sunnisme pour l'une et le chiisme pour l'autre. Tous deux convoitent l'arme nucléaire.


L'Ukraine va-t-elle se rendre?


Oui... il n'y a pas d'autre solution. Mais avant, pour cela, il faudra que des coupables soient désignés: ce seront Zelensky et son entourage.


Est-ce que quelqu'un insiste sur la paix?


Tout le monde veut la paix... sauf quelques messianiques américains et leurs vassaux occidentaux comme des Britanniques et des Canadiens. Cette guerre n'est bonne pour personne. Il est temps que les grands médias fassent leur travail, c'est-à-dire qu'ils rendent compte correctement de la situation et qu'ils ne diffusent pas de propagande.


Lorsque les gens comprendront qu'il ne s'agit pas d'être pro-Zelensky ou pro-Poutine, mais de savoir d'où vient ce conflit, pourquoi il a lieu et quels intérêts particuliers sont en jeu, avec des dizaines de milliers de jeunes hommes qui sont massacrés comme dans un hachoir à viande dans les deux camps... tous les peuples voudront que ce conflit prenne fin.

 

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