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Article rédigé par :

Abdoulaye Penda Ndiaye

Lausanne: l'ado décédé en poursuite devait participer à un film sur les violences policières

Dernière mise à jour : 7 sept.

Samedi, un millier de personnes ont arpenté les rues de Lausanne sous la pluie, après la mort de Marvin, 17 ans, décédé à Prélaz lors d’une course-poursuite avec la police. Deux mois après la disparition de Camila, le quartier endeuillé oscille entre dignité et colère: les habitants contestent le récit d’«émeutes», pointent la fracture sociale et suspendent leurs fêtes. Au-delà du deuil, une question s’impose: qui écoute encore les jeunes de Prélaz?

marvin
© montage @2septg_off/DR

«Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville.» C'est sous la pluie et dans le chagrin qu'un millier de personnes ont défilé silencieusement samedi, dans les rues de Lausanne après le décès tragique de Marvin, un jeune de 17 ans. Partie du quartier de la Borde, la marche blanche a pris fin à Prélaz, devant le mur où Marvin est décédé après une chute en scooter, lors d'une course-poursuite avec la police lausannoise. Selon toute vraisemblance, l'adolescent aurait perdu le contrôle de son engin après un dos-d'âne, situé à une trentaine de mètres du lieu de l'impact.



«Marvin est décédé quelques heures avant de discuter du projet de film sur les violences policières»

Il y a moins de deux mois, Camila, une ado lausannoise de 14 ans, avait perdu la vie dans quasiment les mêmes circonstances que Marvin, lors d'une course-poursuite avec la police. Selon les informations de L'Impertinent, entre les deux ados décédés, c'est comme si un lien aussi invraisemblable que tragique avait pris forme. «Nous avions un projet de film sur la violence de manière générale. Mais après le décès de Camila, un jeune de Prélaz a proposé d'axer le projet sur les violences policières. J'ai trouvé pertinente l'idée de chercher à décortiquer les mécanismes de cette violence des forces de l'ordre, en donnant la parole aux jeunes. Marvin devait participer au film. D'ailleurs, une première séance pour discuter du projet devait avoir lieu il y a une semaine. Malheureusement, Marvin est décédé quelques heures avant», explique le réalisateur Josua Hotz.


Josua Hotz
© APN

Après les deux nuits de heurts avec la police ayant suivi le décès de Marvin, Aimé*, un habitant de Prélaz, pointe du doigt le rôle de la presse. «Les médias ont parlé d'émeutes et de tirs de mortiers. C'est évidement faux. Les manifestants ont utilisé des fusées. Il y a eu des échauffourées sans aucun blessé. Les manifestants étaient une vingtaine et pas une centaine, comme cela a été mentionné. Des personnes d'extrême-gauche ont infiltré la manifestation pour en découdre avec la police. C'est pour cela que la famille de Marvin, les parents des jeunes et nous les grands-frères, on a dit à nos jeunes d'arrêter. C'est ainsi que les manifestations ont pris fin», explique le trentenaire.


«Lorsque le bus a pris feu, j'ai vu des jeunes aider le conducteur à sortir»

Bilan de ce qui est décrit comme l'apocalypse dans la presse: un abribus endommagé, deux poubelles enflammées et un bus attaqué. «Lorsque le bus a pris feu, j'ai vu des jeunes aider le conducteur à sortir, alors que d'autres jeunes prenaient soin des passagères», raconte Fatma*, une habitante de Prélaz. Même les déprédations largement commentées de la crèche seraient l'œuvre d'auteurs étrangers au quartier.


encadré

Le Prélaz d'en haut et le Prélaz d'en bas


Dans ce quartier multicurel évoluent des habitants dans trois strates socio-économiques clairement différentes, allant de la bourgeoisie aux personnes suivies par les services sociaux. Ces strates, délimitées par secteurs géographiques, constituent le même quartier. Les Jardins de Prélaz, par exemple, sont intégralement constitués de logements subventionnés, en contradiction avec les vœux de mixité de la Ville de Lausanne. Une forte concentration de personnes à l'AI ou au social d'un côté, d'autres en situation irrégulière à peine plus loin et au milieu, des jeunes souvent démunis. «Il y a des espaces de loisirs ici, mais les prix sont inaccessibles pour la plupart de nos jeunes, qui voient des gosses d'autres quartiers venir se faire plaisir devant eux. Cela accroît la frustration et le sentiment d'exclusion», soutient Halil*, un quinquagénaire qui habite à Prélaz depuis 1992.


Certains habitants du quartier se désolent de la détérioration de la qualité de vie. «Avant, on n'avait que la prostitution. Maintenant, en plus de la prostitution, on a du deal et on n'en peut plus. Il y a une paupérisation perceptible et une montée de la violence. D'ailleurs, en 2016, une lettre cosignée par trois concierges avait été envoyée à la Municipalité de Lausanne pour s'inquiéter des incivilités», souligne Halil. Pour Agnès*, une autre habitante du quartier, le cadre de vie est plutôt bon. «Le sentiment d'identité est si fort que lors des évènements, ce sont des habitants qui ont spontanément nettoyé les devantures de leur maison pour enlever les traces de vandalisme. C'est quand même un geste citoyen très fort», salue-t-elle.


Certains jeunes se sentent peu considérés. «Parfois, des agents lausannois nous croisent la nuit au centre-ville de Lausanne et nous ordonnent de retourner dans notre quartier. C'est arrivé à plusieurs d'entre nous. C'est comme si la police voulait nous cantonner à Prélaz. Mais notre voix n'est pas crédible en face de celle de la police», dénonce un ado Noir arborant un T-Shirt blanc en hommage à Marvin.


Le temps du deuil


La dixième édition d'un des grands événements du quartier, la fête Afrique en ville, prévue ce week-end, a été mise en veilleuse. «Dans de telles circonstances, même si un hommage aurait été rendu à Marvin, il aurait été indécent de tenir cette fête. Tout est différé. Nous allons d'abord laisser la famille de Marvin faire son deuil. Ensuite, nous irons discuter avec les parents pour que le nom de Marvin soit perpétuellement associé à l'évènement», a révélé un des responsables.


Peu après midi, devant les lieux du drame, au terme d'une longue procession silencieuse démarrée à dix heures, la foule a rendu un dernier hommage à Marvin, là même où il a rendu son dernier souffle. Alors que le soleil avait pris le dessus sur le temps maussade, les amis de Marvin ont demandé à la foule d'applaudir et de manifester sa joie. Avec, en fond sonore, un enregistrement des rires de Marvin emplissant l’air de la présence du défunt.


© APN

Adieu, un morceau de rap quasi prémonitoire composé par Marvin lui-même, a clos la cérémonie. Avec des mots sonnants comme un ultime et perçant cri d’amour et de révolte. La foule a ensuite été invitée à prendre part à une autre manifestation prévue le même jour à Lausanne, «contre les violences policières racistes», en lien avec l'affaire Nzoy, un Noir armé d'un couteau abattu en 2021 par la police, à la gare de Morges.

1 commentaire


On peut tout de même préciser que les rapports entre la mort du malheureux Marvin et "l'affaire Nzoy" sont fort ténus, hormis le fait que les personnes décédées sont noires et que la police est la cause directe ou indirecte (la différence est énorme) d'une partie du drame, c'est-à-dire de son issue tragique. Il est donc indispensable de distinguer les deux événements et le fait d'inviter la foule rassemblée à la mémoire de Marvin à venir participer à une manifestation ayant trait à la mort de Nzoy n'y contribue pas, bien au contraire - on pourrait même parler ici de "récupération", la chose paraissant on ne peut plus maladroite, sinon douteuse. De fait, selon les éléments de l'enquête qui ont…

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