La faim, cette arme de guerre mondiale
- Amèle Debey

- 3 août
- 3 min de lecture
Tandis que Gaza occupe désormais – et à juste titre – la une des médias, les famines au Soudan et en Haïti progressent dans l’ombre. Ces tragédies évitables, devenues stratégies guerrières, sont aggravées par une indifférence politique et une sous-finance humanitaire.

Le drame humanitaire qui se déroule actuellement sous nos yeux doit nous inciter à une remise en contexte informative. En 2024, 281,6 millions de personnes dans 59 pays ont connu des niveaux de crise alimentaire aiguë ou pire, selon le Global Report on Food Crises 2025 (GRFC). C’est l’un des niveaux les plus élevés enregistrés depuis le début de la série de rapports. Selon ce document, les famines actuelles ne sont pas le résultat d’une rareté absolue de nourriture à l’échelle planétaire. Elles sont organisées ou permises par des dynamiques politiques, économiques et climatiques évitables. En voici les principaux exemples:
Gaza: la famine comme arme de guerre
Depuis plusieurs mois, et contrairement à ce que prétendent les soutiens du gouvernement israélien, les agences humanitaires alertent: une famine est en cours à Gaza. L’ONU ne l’a pas encore déclarée formellement, mais les données sont sans appel. Selon le dernier rapport du Famine Review Committee, plus de 500’000 Palestiniens vivent en situation de «catastrophe alimentaire» (phase 5 de l’échelle IPC), notamment dans le nord de l’enclave. Des enfants sont morts de faim, d’autres souffrent de malnutrition aiguë sévère. L’Organisation mondiale de la santé évoque un «effondrement complet du système de santé et de distribution de nourriture» sous blocus.

Chaos total au Soudan
Au Soudan, la famine est officiellement déclarée dans plusieurs zones, notamment au Darfour. Selon l’ONU, près de 25 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire urgente. La guerre civile entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide, commencée en avril 2023, a plongé le pays dans un chaos total. Les corridors humanitaires sont bloqués, les récoltes détruites, les ONG ciblées par les belligérants. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a dû suspendre certaines opérations, faute de sécurité. Des dizaines de milliers de personnes, dont des enfants, sont mortes de faim dans des camps de déplacés comme celui de Zamzam.
Haïti: la faim urbaine sous contrôle des gangs
À des milliers de kilomètres, c’est une autre forme de famine qui ravage Haïti. Dans plusieurs zones de Port-au-Prince, Artibonite et Cité Soleil, le système d’approvisionnement alimentaire est paralysé. Les gangs contrôlent les routes, les marchés et même les distributions d’aide. Selon la classification IPC, certaines zones de la capitale sont en phase 5, seuil maximal de la faim aiguë. Plus de 5 millions d’Haïtiens, soit près de la moitié du pays, souffrent d’insécurité alimentaire sévère. La crise économique, la violence endémique et l’absence d’État rendent toute intervention structurelle illusoire.
Des causes humaines, des réponses insuffisantes
Ces famines ne sont pas dues à une absence de nourriture. Elles sont le fruit de politiques, de conflits et de décisions. À Gaza, l’accès humanitaire est délibérément restreint. Au Soudan, l’aide est empêchée par les combats. En Haïti, l’anarchie empêche toute distribution.

Partout, la faim est devenue une conséquence politique, sinon une arme. Et partout, les réponses internationales restent timides, faute de volonté ou de pression médiatique.
L’ONU estime que pour 2025, 309 millions de personnes dans le monde seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. Ce chiffre est en hausse constante depuis 2020. Pourtant, les financements humanitaires stagnent, et les priorités géopolitiques relèguent ces crises au second plan.









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