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Nous avons vu pour vous: «Sound of Freedom»

Dernière mise à jour : 25 mars

L’entrée spectaculaire au box-office américain d’un film indépendant abordant le thème de la prostitution et l’esclavagisme d’enfants a déclenché un raz-de-marée de réactions sur les réseaux sociaux et de facto dans de nombreux médias. Film complotiste pour les uns, prophétique pour les autres, les théories les plus alambiquées entourent déjà ce long-métrage, dont l’histoire de la création a certainement plus à nous apprendre que le scénario en lui-même.

Sound of Freedom est sorti le 4 juillet dans les salles américaines
Sound of Freedom est sorti le 4 juillet dans les salles américaines

© DR


La traite d’êtres humains – en particulier la traite d’enfants à des fins sexuelles – n’intéresse personne. «C’est trop moche pour être un sujet de conversation», déclare le héros de Sound of Freedom dans l’une des scènes du film. C’est également le discours que tiennent les lanceurs d’alerte de ce fléau depuis plusieurs dizaines d’années. L’enquête de L’Impertinent sur la cyber-pédocriminalité (certainement l’une des plus poussées de sa courte histoire) est également parmi ses articles les moins lus. Peu révélateur, me direz-vous?

 
 

Pourquoi donc ce qui s’apprête à détrôner le trafic de drogues en termes de bénéfices – 150 milliards de dollars annuels – ne fait pas régulièrement la Une des journaux? Deux millions d'enfants disparaissent chaque année dans le monde, dont un toutes les 10 minutes en France. Pourtant, les dénonciateurs des réseaux pédophiles sont mis sur le même plan que les platistes.


En témoigne le traitement médiatique de Sound of Freedom. Les articles s’enchaînent, mais les journalistes francophones n’ont pas vu le film et se contentent de relayer les critiques américaines, bien plus diversifiées. Car le film est basé sur l'histoire vraie du combat de Tim Ballard, un ancien agent du gouvernement américain qui s'est lancé dans la traque du trafic d'enfants au niveau international.


Dans les médias français, on tente encore une fois de faire diversion en s’attaquant au messager plutôt qu’au message. Ainsi, selon Le Parisien, Sound of Freedom exploiterait les délires complotistes non pas par ce qu’il contient, mais à cause des inclinaisons de sa star. On ne se souvient pas avoir vu passer les mêmes articles sur les films de Tom Cruise, adepte affiché de la Scientologie.


Sur Twitter, certains fact-checkers se sont empressés de rappeler que le film était une œuvre de fiction. Or, s’il ne s’agit effectivement pas d’un documentaire, les faits dénoncés n’ont rien de fictifs. On se demande donc pourquoi il semble plus pressant pour les parangons de la bien-pensance de dénoncer les complotistes en lieu et place des pédocriminels.


Loin du chef-d’œuvre


Dans ce contexte de quasi-omerta, l’engouement déclenché outre-Atlantique par la sortie du film Sound of Freedom est particulièrement surprenant. D’autant que le film est loin du chef-d’œuvre. Sur le plan purement cinématographique, le succès est inexplicable. On a vu des films à petit budget plus réussis, moins bâclés. Les moments clés sont traités de manière prophétique, quasi biblique. L’écriture n’est pas convaincante et le scénario parfois à la limite du crédible.


Jim Caviezel (Person of Interest, La Passion du Christ, Angel Eyes) accapare l’écran. Si bien que l’on se demande pourquoi s’être donné la peine d'ajouter d’autres noms et d'autres visages à l’affiche.


Le long-métrage, d’environ deux heures, n’est ni exceptionnel, ni inédit. En effet, la traite d’enfants a fait l’objet de films, de séries, de documentaires et mêmes de reportages on ne peut plus sérieux, dont le plus célèbre a été diffusé sur France Télévisions dans les années 90 et présenté par Elise Lucet. Des articles ont déjà été publiés sur les enfants prostitués d’Afghanistan (où il s'agit d'une coutume!), sans parler de l'exploitation bien connue des enfants en Thaïlande, pour ne citer que ces deux exemples.


Infamously famous


Un des moyens d’expliquer le mythe autour de Sound of Freedom, ce sont les aléas de sa diffusion, qui n’a bien failli jamais avoir lieu. Le développement du script a commencé en 2015, puis ça se complique, comme l'explique Nice Matin: «Une division de la société Fox conclut en 2018, un accord pour le sortir en Amérique du Sud, mais la société est rachetée par Disney, l'année suivante. La firme Disney est alors accusée de l'avoir remisé au placard pour "cacher la vérité" sur des trafics d'enfants en vue de les exploiter sexuellement. Du côté de Disney, on explique que le "compte tenu de la nature internationale du projet, la partie studio de la société n'avait aucune connaissance du film".»


La rumeur selon laquelle Mel Gibson devait participer à produire le film a contribué à attirer l’attention sur lui. Il a également été fortement promu sur les réseaux QAnon. Mais ces éléments suffisent-ils à expliquer le record de 14 millions d’entrées pour la semaine de sa sortie dans les salles américaines, détrônant au passage le dernier opus d’Indiana Jones et d’Insidious?


Prise de conscience?


Sound of Freedom ne dénonce rien, n’apprend rien que les téléspectateurs de l'insupportable reportage Viol d’anges: la fin du silence sur France 2, ne savaient déjà. Malheureusement, et c’est bien le plus tragique, la seule chose qui n’est pas crédible dans ce film, c’est le scénario romancé à outrance. Car la trame de fond, elle, est bien loin de la fiction.


Peut-être que la seule explication à ce succès aussi soudain qu’inattendu s’explique par le fait que le public a décidé de cesser de fermer les yeux sur les horreurs qui se déroulent sous ses fenêtres? On ne pourrait que se réjouir que ce soit le cas et encourager les exploitants de salles du monde entier à emboîter le pas américain en diffusant, eux aussi, ce long-métrage qui n’a pas encore de date de sortie ailleurs que chez l’oncle Sam. Et on se demande d'ailleurs bien pourquoi.

 

La bande-annonce de «Sound of Freedom»:

 



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