Dominique Giroud: «J'attends que la RTS reconnaisse ses erreurs et s'excuse»
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Article rédigé par :

Amèle Debey

Dominique Giroud: «J'attends que la RTS reconnaisse ses erreurs et s'excuse»

Il n'avait plus donné d'interview depuis 2018. Dominique Giroud, l'encaveur valaisan que les médias romands adorent détester, sort de son silence pour L'Impertinent. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) vient de mettre un point final à l'un des conflits qui l'opposait à la RTS, en statuant en défaveur du service public. Dominique Giroud revient sur la cabale dont il estime être la cible, avec ses causes et ses conséquences. Interview.

Dominique Giroud
© DR

Amèle Debey, pour L'Impertinent: La CEDH vient de statuer en votre faveur, puisqu'elle n'entre pas en matière sur le recours de la RTS dans l'affaire qui vous oppose. Que vous inspire cette décision?


Dominique Giroud: Temps Présent a fait du journalisme de caniveau. Le reportage qu’elle m’a consacré est une injure au journalisme. La déontologie a été foulée aux pieds pour le plaisir de me traîner dans la boue. Même la CEDH n’a rien pu changer à cette triste réalité.


À la veille d’une votation cruciale sur l’avenir de la RTS, le 8 mars prochain, il faudra se souvenir de cet épisode. La télévision d’État justifie ses énormes besoins financiers par la prétendue qualité de son travail. Peut-on la suivre dans ce raisonnement? La bavure de Temps Présent laisse penser le contraire.



Aucunement. Tout le monde sait que les journalistes peinent à reconnaître leurs erreurs. Il était donc certain dès le départ que ceux de Temps Présent iraient jusqu’au bout du monde pour essayer de se faire innocenter. Par le passé, cela leur a réussi. L’émission avait déjà été condamnée une fois par le Tribunal fédéral, mais la CEDH leur avait permis de renverser la décision.


Pour Temps Présent, qui existe depuis 1969, c’est donc une première historique. À l’avenir, dans les couloirs de la RTS, on se souviendra de Pietro Boschetti (journaliste), Philippe Mach (réalisateur) et Jean-Philippe Ceppi (rédacteur en chef) comme des trois vilains petits canards qui, à eux seuls, ont réussi à salir cinquante années de réputation immaculée de Temps Présent.


Pour justifier d'être allée jusqu'à Strasbourg, la RTS explique que vous aviez accepté un entretien pour l'émission Temps présent de 2015, puis annulé ensuite. Espérant ainsi faire sauter ce reportage. Elle explique que c'est pour protéger les pratiques journalistiques de la jurisprudence qu'elle a souhaité aller jusqu'au bout. Que pensez-vous de cet argumentaire? Est-ce que cela s'est bien passé comme ça?


La RTS a même inventé un concept pour essayer de soutenir son argumentation: la politique de la chaise vide. C’est quelque chose de totalement absurde. Depuis quand un journaliste renoncerait à faire un sujet si la personne qu’il critique refuse de lui répondre? Dans ce cas de figure, que va faire le journaliste? Il va mentionner dans son article que la personne a été contactée et qu’elle a refusé de répondre. Affaire réglée.


La vérité, comme je l’ai dit plus haut, c’est que la RTS a été condamnée de manière tellement sévère par son autorité de surveillance, puis par le Tribunal fédéral qu’elle n’avait aucun vrai argument à faire valoir. Ils ont donc inventé ce concept de la chaise vide. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé avec Temps Présent. Je savais parfaitement qu’ils allaient vouloir m’assassiner, mais j’ai néanmoins accepté de participer, à travers mon porte-parole, à une seule condition: pouvoir répondre à toutes les attaques avec mes meilleurs arguments.


Cela devrait aller de soi, me direz-vous, mais j’ai préféré obtenir des garanties – qui m’ont été données. Malheureusement, lors du prévisionnement de l’émission, il a fallu constater que la promesse qui m'avait été faite n’avait pas été tenue. Tout, sans exception, était à charge. J’aurais dû accepter de jouer le rôle de l'idiot utile. J’ai refusé. Et j’ai bien fait puisqu’il est désormais établi que ce reportage n’est rien d’autre qu’un honteux naufrage journalistique.


Est-ce que le fait de retirer votre témoignage du reportage ne l'a pas amené à être déclaré déséquilibré et attaquable?


Absolument pas. Ma participation était de pur prétexte. Ils voulaient juste pouvoir dire qu’ils m’avaient donné la parole, mais en prenant bien soin de me faire intervenir uniquement sur des points totalement secondaires. À dessein, ils n’ont pas voulu que mes meilleurs arguments figurent dans leur reportage.


À plusieurs reprises, durant les semaines qui se sont écoulées entre le premier contact avec Temps Présent, les préparatifs du tournage, le tournage et enfin le prévisionnement, mon porte-parole a exprimé par oral et par écrit ses craintes. Il a tout fait pour que le journaliste entende mes arguments et leur accorde de la place dans son reportage. Il a dit à Pietro Boschetti qu’il était en train de mal faire son métier de journaliste, notamment en raison de son refus manifeste d'accepter ne serait-ce que l'hypothèse qu'il pourrait aussi y avoir des arguments en ma faveur. Telle est la triste réalité.


«Les journalistes sont majoritairement enclins à ignorer leurs propres règles déontologiques»

J’ajoute que, finalement, mon porte-parole est présent dans le reportage puisque, malgré son refus d’y participer, Temps Présent a utilisé des extraits d’une autre émission de télévision où il était mon porte-parole. Bref, en fin de compte, la chaise n’était même pas vide et toute l’équipe de Temps Présent ne peut s’en prendre qu’à elle-même si elle a été sévèrement condamnée pour avoir accouché d’un reportage «tendancieux qui n’a relevé que des aspects en défaveur de Dominique Giroud et rien à sa décharge», pour reprendre les propres termes de l’autorité de surveillance.


Concrètement, sur quoi porte la condamnation de Temps Présent?


En substance, le reportage a été condamné pour deux raisons. Premièrement, pour avoir, du début à la fin, «jeté le discrédit» sur ma personne et pour avoir donné de moi «une image d’emblée négative» en me présentant «de manière récurrente comme un être sans scrupules», un «hypocrite» et une «personne indigne de confiance» (je cite les termes qui figurent dans les décisions de justice).


Secondement, pour avoir «laissé entendre que j’avais bénéficié d’un traitement avantageux» de la part de la Commission fédérale des vins, ce qui est entièrement faux. C’est le cœur du problème. Comme les faits prouvent le contraire de ce qu’affirme Temps Présent, ils ont préféré ignorer les faits. Ils ont refusé de les intégrer dans le reportage. Pour reprendre les termes des décisions de justice, ils ont volontairement diffusé un reportage «tendancieux» qui n’a pas «présenté de manière complète et fidèle» les faits, «éludant des éléments essentiels pour la compréhension du public» et «passant sous silence des éléments de nature à aboutir à une relativisation de certains faits».


Pouvez-vous donner des exemples de ces faits éludés?


Temps Présent a voulu faire croire que j’étais le mouton noir de la branche parce que je commettais le crime de couper mes vins. Ils ont prétendu que des contrôles dans mes caves prouvaient que je m’étais enrichi en trichant systématiquement. C’est totalement faux et mon porte-parole le leur a expliqué en long et en large. Il leur a expliqué que, même si le grand public l’ignore parfois, le coupage/assemblage des vins est, dans certaines proportions, une pratique parfaitement licite et bien réglementée. En Suisse comme à l’international, elle repose sur la règle communément admise du 85/15, c’est-à-dire la possibilité de mélanger à un lot jusqu’à un maximum de 15% d’un autre vin de même couleur. Il leur a expliqué que les inadvertances constatées dans mes caves concernaient 0,03% des 19 millions de litres commercialisés sur la période concernée. Il leur a expliqué que le gain réalisé par ces inadvertances était tellement infime qu’il en devenait anecdotique puisqu’il s’élève à moins de 15’000 francs pour un chiffre d’affaires avoisinant les cent millions de francs sur la période concernée.


«À leurs yeux, j’ai mérité d’être lynché publiquement pour qui je suis et tant pis si ce que j’ai fait ne le justifie pas»

Il leur a expliqué qu’en outre, la plupart des écarts remontaient à une seule année (2007), qui était une année de transition puisque les vendanges s’étaient faites au milieu du chantier visant à déménager l’entreprise dans sa nouvelle cave ultramoderne à Sion. Il leur a expliqué qu’à l’époque, ma cave avait été récompensée par plus de 300 médailles et autres reconnaissances, en Suisse et à l’international. Il leur a expliqué que je m’étais toujours entouré des meilleurs œnologues, notamment Daniel Dufaux (qui fut président de l’Union suisse des œnologues), Philippe Corthay (ancien professeur à Changins, œnologue-conseil), ou encore Steve Blais du cabinet Michel Rolland Conseils (l’un des bureaux les plus réputés de Bordeaux et du monde). Et je pourrais continuer comme ça pendant une heure.


Toutes ces explications ont été données face à la caméra par mon porte-parole, lequel a cependant constaté, au moment du pré-visionnement, qu’aucune d’entre elles n’avait été retenue pour le reportage. Bref, Temps Présent avait les arguments permettant de présenter de ma personne un portrait équilibré, mais ils s’y sont refusé. Ils avaient d’emblée décidé de m’assassiner à travers un portrait à charge – et c’est ce qu’ils ont fait. Et c’est pour l’avoir fait que Pietro Boschetti, Philippe Mach et Jean-Philippe Ceppi ont été condamnés pour ce qu’ils sont: des journalistes médiocres.


Avez-vous le sentiment d'un certain acharnement à votre encontre de la part des médias? Peut-être dû à votre succès, comme l'évoquait feu Arnaud Bedat dans une interview en 2018.


L’acharnement des médias à mon encontre n’est pas une hypothèse, mais un fait. Dans une décision, un juge a écrit un jour que j’avais été lynché publiquement. Les journalistes sont majoritairement de gauche et, malheureusement, majoritairement enclins à ignorer leurs propres règles déontologiques, par exemple celle qui interdit l’évocation de l’orientation religieuse d’une personne.


Ils ont vu en moi tout ce qu’ils détestent et cette haine à mon égard a servi à alimenter leurs articles. À leurs yeux, j’ai mérité d’être lynché publiquement pour qui je suis et tant pis si ce que j’ai fait ne le justifie pas. D’ailleurs, on continue à parler de journalisme, mais il faudrait plutôt qualifier ces pratiques de militantisme politique. Temps Présent en a livré la preuve par l’exemple.


Est-ce que c'est le cas d'autres journalistes d'autres médias également, ou particulièrement du service public?


À quelques rares exceptions près, tous les journalistes qui ont écrit sur moi ont fait du militantisme davantage que du journalisme.


Est-ce bien pour ce même reportage que des journalistes sont venus perturber l'enterrement de votre épouse?


Non.


Vous avez d'autres affaires en cours contre la RTS. De quoi s'agit-il et où en sont ces affaires?


Une procédure civile est en cours.


Est-ce que vos convictions personnelles sur le mariage gay (dont on s'est servi contre vous) ont évolué au fil du temps?


Que mes convictions personnelles évoluent ou pas, cela ne regarde que moi.


Aujourd'hui, où en êtes-vous? Et comment vont les affaires?


En ce qui concerne Temps Présent, j’en suis aujourd’hui là où j’en étais en 2015 quand le reportage a été condamné une première fois par l’autorité de surveillance de la SSR. J’attends que, par simple honnêteté intellectuelle, les responsables de ce reportage reconnaissent publiquement leurs erreurs et s’excusent. Quand la BBC fait une erreur, elle le reconnaît et s’excuse. Je fais allusion au discours de Trump qui a été tronqué et manipulé dans un reportage de la BBC. Pourquoi la RTS est-elle incapable d’en faire de même?


«Cette arrogance pourrait bien être punie le 8 mars prochain»

La veille de la publication de la décision de la CEDH, mon avocat a été contacté par la RTS qui disait avoir prévu de couvrir l’événement quel que soit le résultat. Un sujet au 19:30 était prévu. Il a été annulé en dernière minute, quand la RTS a appris qu’elle avait perdu... Comment peut-on accepter que la RTS escamote la décision de la CEDH et la cache à ses auditeurs et téléspectateurs – ceux donc qui paient les salaires des journalistes? C’est cette arrogance qui pourrait bien être punie le 8 mars prochain.


Quant à mes affaires, je dois travailler très dur en raison de la crise profonde que traverse la viticulture suisse.

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