«À la RTS, certains ont été harcelés moralement parce qu’ils n'entraient pas dans le moule»
- Amèle Debey
- il y a 1 jour
- 15 min de lecture
Dans les années 90, il était impossible de passer à côté d’Ivan Frésard pour peu que l’on allume la radio ou la télé. Créateur de La Soupe est pleine sur la RTS, il a également œuvré au Fond de la corbeille, avant de claquer la porte du service public avec retentissement et un certain panache. Aujourd’hui, cet emmerdeur patenté installé à Paris se concentre sur la réalisation. Il développe son propre contenu sur internet et ne mâche pas ses mots au sujet de la radio-télévision «locale» qui, selon lui, étouffe les élans créatifs de ses employés.

Amèle Debey, pour L’Impertinent: Qui êtes-vous?
Ivan Frésard: À la base, je suis animateur, producteur et journaliste de radio et de télé. J’ai principalement travaillé pour le service public – donc la RTS – pendant 25 ans. Je suis parti en raison de points de divergence avec la direction. Il y a eu une sorte de putsch, alors que j’étais en vacances, pour reprendre le contrôle sur l’émission que j’avais créée et que je présentais, qui s’appelait La Soupe est pleine.
Que s'est-il passé?
Après avoir créé, produit et présenté l'émission pendant quatre ans, j'avais depuis longtemps prévu de passer le relais pour laisser la place à d'autres et ne pas m'autoparodier – mal qui guette beaucoup d'animateurs! La direction, tout en connaissant mon échéance, a fait comme si elle ne savait pas quand est venu le temps de la dernière pour moi. C'était un peu avant Noël 2004. J'avais réussi à convaincre Pascal Couchepin, le premier président de la Confédération en exercice à être l'invité d'une émission satirique. Je finissais en apothéose, prêt à repartir sur de nouveaux projets que je préparais pendant les vacances.
À mon retour, Nicole Tornare, alors directrice des programmes, me convoque devant toute mon équipe. S'en suit un putsch lors duquel chacun me reproche le pire. Je me rends compte à ce moment-là que la direction a tout orchestré pour reprendre la main sur la production en me forçant à rester à l'animation uniquement. Bien entendu, je refuse de porter une émission qui ne ressemblera plus à celle que j'ai menée au succès. Ils pensaient pouvoir me forcer à rester, car personne n'avait jamais démissionné de la RSR (Radio Suisse Romande, ndlr). Mais le privé et Rouge FM me tendaient les bras avec un budget quasi identique. C'était inespéré, donc impossible de ne pas y aller!
Le milieu de la télévision française a une mauvaise réputation. Ce serait pareil en Suisse?
En France, la concurrence se connaît et fait partie du show. Paris et la région Île-de-France représentent 13 millions d’habitants. Il y a plein de petites télés locales qui font dix fois plus d’audiences potentielles que la RTS, dans de petits locaux. Quand je vois cette tour énorme à Genève, pour même pas 2 millions d’habitants, je trouve cela aberrant. Ils ont un fonctionnement de grande chaîne, comme TF1. Ils sont extrêmement prétentieux et ne se rendent pas compte qu’ils sont plus petits qu’une antenne locale de France 3. Il faut avoir un peu d’humilité lorsqu’on est une chaîne locale. Alors qu’à Genève, on a créé des bureaux très hauts pour atténuer ce sentiment d’infériorité. Le bureau du directeur, au dernier étage, fait quasiment 80 mètres carrés, avec une vue panoramique. On est un peu chez les Borgia.
Après le suicide de Fathi Derder, qui mettait notamment en cause la RTS dans sa lettre d’adieu, vous avez écrit: «Nous sommes quelques-uns à pouvoir comprendre comment un système comme celui de la RTS peut briser un homme ou une femme.» Qu’entendiez-vous par là?
Je connaissais bien Fathi. À l’époque, Fathi et moi on adorait faire les cons. Ce n'est qu’après qu’il est devenu plus sérieux, mais toujours avec le recul d’un type qui aimait la vie et qui faisait son travail sérieusement, tout en étant décalé et en ne se prenant pas au sérieux. Il donnait une impression très maîtrisée, mais je connaissais sa sensibilité. Ce sont souvent ces gens-là qui deviennent des cibles pour les dirigeants de la RTS. Les gens qui apportent des choses, des créatifs, avec des idées. Des gens qui aiment quand ça bouge, quand ça innove, qui aiment le changement, la différence. C’était quelqu’un qui ne tenait pas en place.
Avant lui, Christian Jacot-Descombes – qui a animé le journal du matin – était un animateur très populaire. J’avais pensé à lui pour reprendre les rênes de La Soupe Est Pleine et il m’avait dit qu’on ne le prendrait pas, parce que justement c’était la bonne personne. Parce qu’il avait des idées et proposait des choses différentes. Il a fini par quitter la radio.
Certains de ces gens ont été brisés, harcelés moralement parce qu’ils ne rentraient pas dans le moule. Cela a fait écho aux pressions que j’ai vécues. Ils profitent du fait que personne ne démissionne de la RTS. Pour aller où? Sur Radio Chablais? Ce n'est pas un jugement de valeur, mais une question de moyen. Je tiens à le préciser pour ne pas paraitre prétentieux envers tous ceux qui y travaillent et que je respecte pour leur inventivité, malgré le manque de moyens.
«On ne veut vraisemblablement pas que ces chaînes aient plus de moyens»
Personnellement, j’ai eu la chance de pouvoir aller travailler sur Rouge FM en étant aussi bien payé qu’à la RTS, mais cela tenait du miracle. Avec les télévisions régionales, on a créé une émission baptisée C’est pas facile. Les moyens étaient extrêmement limités, mais tout le monde était très dynamique et très motivé, malgré le défaut de moyens qui nous rendait plus créatifs. Tout l’inverse de la RTS.
Les moyens sont limités parce qu’on ne veut vraisemblablement pas que ces chaînes aient plus de moyens. D’abord au niveau des subventions, ensuite au niveau du territoire qu’elles couvrent. Politiquement, on a très bien compris que c’était pour garder le service public en tête, sinon – comme on l’a vu avec le DAB – il perd de l’audimat. Dans ces radios et télévisions-là, tout le monde travaille pour finir à la RTS. C’est pourquoi les discours qui la critiquent ne sont pas bien vus.
Vous parlez d’élans brisés, mais comment cela se traduit concrètement?
Celui qui amène une bonne idée, si son chef ne l’a pas eue, il ne la laissera pas passer pour ne pas passer pour un con. Ce sont des gamins. Les bonnes idées ne sont pas mises en avant. J’ai pu amener La Soupe est pleine à la suite d’un bras de fer avec la direction, j’avais mis ma démission dans la balance. Cela a marché, mais je ne m’y attendais pas. Ce ne sont pas les bonnes idées qui sont à la source de cette émission, mais cette menace.
Dans le contexte d’aseptisation générale à laquelle on assiste ces dernières années, la RTS n’est-elle pas forcée de ranger les égos surdimensionnés au placard pour s’adapter au politiquement correct ambiant?
Quand on fait de la télé, on fait du spectacle. Si on manque de personnalité, ou d’égo, qu’on parle dans sa barbe en baissant la tête, il vaut mieux faire autre chose. Tous les grands animateurs ou journalistes ont tous un égo démesuré, cela va avec le rôle. Il faut des caractères! Les gens comme Claude Torracinta, qui ont fait les grandes heures de la RTS, étaient connus jusqu’à Paris. Aujourd’hui, plus personne n’en parle ici.
«Vidy a presque toujours été dirigé par des Français»
L’intérêt de la RTS est de faire des coproductions de fiction avec Paris, alors ils lâchent de l’argent, pour se faire bien voir dans les milieux audiovisuels parisiens et atténuer leur sentiment d’infériorité. Tous les films de Godard que personne n’a vu sont coproduits par la RTS. Cela leur donne une sorte de raison d’exister. La récente série Piège en haute mer, par exemple, est suisse, mais il a fallu aller chercher un acteur principal, Philippe Torreton, ancien de la Comédie-Française, alors que nos acteurs suisses sont tout à fait à la hauteur. C’est pareil pour le théâtre. Vidy a presque toujours été dirigé par des Français.
Dans vos Mémoires d’Outre-ondes, sorti en 2015, vous racontez la genèse de La Soupe est pleine. On constate que vous êtes un sacré emmerdeur – comme on en fait malheureusement plus! Pourquoi à votre avis? Est-ce que les journalistes se brident pour entrer à la RTS ou sont-ils formatés une fois intégrés à l’entreprise?
Ceux qui arrivent de l’extérieur se fondent dans le moule pour pouvoir être engagés. Ceux qui entrent jeunes, comme moi (j’y suis entré à 20 ans) sont remplis d’idéaux. Ils ne s’attendent pas à faire des trucs très politiquement corrects, un peu woke, à être mous et d’accord avec tout le monde. On arrive avec plein d’idées, puis on se rend compte que si on veut durer et avoir son bureau avec la moquette, on n'a pas le choix. Car, à moins de changer de pays, on ne peut aller nulle part.
La RTS n'aurait pas toujours été une espèce de parangon du conformisme? Quand est-ce que cela a vrillé à votre avis?
Il ne faut pas oublier que cette chaîne n’est pas vieille. Quand je suis entré, j’ai eu la chance de rencontrer les pionniers, les gens passionnés. Ceux qui manquent. À l’époque, personne ne voulait faire de la radio ou de la télé. Maintenant, les places sont chères.
C’est un peu comme l’écologie. À l’époque, les écolos étaient des barbus en Birkenstock qui fumaient des joints sur une montagne. Aujourd’hui, ce sont des businessmen en costard qui ont compris que cela pouvait ramener de l’argent. À la télé, les nouveaux sortent des écoles de journalisme et ont été formés par les mêmes – où que ce soit en Suisse romande. C’est dire la pluralité de l’information!
«Je compare beaucoup le système de la RTS au système moscovite»
Dans les années 80-90, les gens passionnés ont été progressivement remplacés par ceux intéressés par le pouvoir. La RTS est devenue une bonne planque, un des meilleurs employeurs de Suisse. C’est bien payé, on est vus. On a une place, on la garde. Pour rien au monde ils ne passeraient le relais. Quand on joue bien le jeu, on devient chef. Les vieux étaient vachement plus jeunes que les jeunes d’aujourd’hui.
Je compare beaucoup le système de la RTS au système moscovite. À Moscou, il y a un soviet suprême. Et, à la RTS, il n'y a pas un mais des Poutine. Tous les chefs agissent de la même façon. Ils se rendent compte que, pour durer, il n’y a pas d’autre choix.
Récemment, la RTS a abandonné la FM. Vous qui êtes un ancien de la radio, qu’est-ce que cela vous inspire?
Déjà quand j’y étais, on parlait du DAB (Digital Audio Broadcasting, ndlr). Le problème est que les gens ne vont pas changer de voiture pour écouter la RTS! Les véhicules modernes, grâce au wifi intégré, permettent d’écouter toutes les radios que l’on veut, y compris les podcasts. Qui va choisir la RTS? Les auditeurs perdus ne reviendront pas.
«Je ne vois pas en quoi la redevance est justifiée»
La baisse de la redevance (initiative No Billag en 2018, ndlr) les aurait forcés à envisager les choses différemment, à devenir plus innovants. Pour moi, les situations où on a moins de moyens sont les plus créatrices. La preuve, c’est qu’avec tous ses moyens, la RTS n’est pas regardée. Quand mes amis français viennent en Suisse et tombent sur un programme, ils ont l’impression que c’est un sketch des Inconnus. C’est la télévision des années 60. Sans parler des pubs traduites du suisse allemand. Il n’y a pas grand-chose de moderne, pourtant, c’est l’une des redevances les plus élevées du monde. Je ne vois pas en quoi c’est justifié. À part pour le salaire des chefs.
À la RTS, il y a le chef des ampoules 60 watts, le chef des ampoules 40 watts, le chef des crayons de couleur, etc… il y a un responsable pour tout. Le nombre de gens qui ne servent à rien est incroyablement élevé et tous ces gens-là se protègent comme ils peuvent et cela donne un état d’esprit sectaire. C’est un système très communiste.
Dans votre livre, vous écrivez également qu’un tel monopole de service public ne se retrouve que dans les dictatures. C'est-à-dire?
Je ne connais pas de pays démocratique avec un monopole de service public, avec une telle pensée unique. Ce qu’ils «donnent à manger» au public, c'est la même culture, les mêmes artistes, la même façon de voir l’info. La pluralité n’existe pas.
En France, même si on peut décrier Cnews, au moins on peut le faire parce qu’elle existe. En Suisse romande, il n’y a que la RTS. Rien d’autre. Il faudrait avoir un équilibre, une autre façon de penser: plus libre, plus provocatrice, moins lisse, moins woke, moins corporate, moins politiquement correct. Mais, si la chaîne amorçait ce virage, cela impliquerait que des gens perdent leur place. Ils n’ont pas d’autre mode d’emploi. Les chaînes d’information en France sont beaucoup plus modernes, en tout cas en apparence, que la RTS.
«Tous les élans novateurs sont perçus comme des mises en danger par les chefs bien installés»
Dans cette maison, j’ai rencontré des gens avec des idées incroyables. Des petits génies. C’est le plus triste: tous les élans novateurs sont perçus comme des mises en danger par les chefs bien installés. Je pense à certains qui avaient d’autres envies en arrivant. Mais qui ont vite compris que, pour garder leur poste, ils allaient devoir fermer leur gueule. Tout le monde n’a pas envie de risquer de perdre sa Porsche, son jardin et sa maison.
En France, face à une telle menace, un animateur a tout le loisir d’appeler le concurrent et de changer de chaîne. Ce n’est pas le cas en Suisse. Alors que la concurrence fait progresser. Il n’y a qu’à voir ce qu’elle a permis de faire avec le prix des abonnements téléphoniques, dont les tarifs ont considérablement chuté.
Dans votre livre, vous écrivez aussi que la Chaîne du bonheur ne reverse pas l’intégralité de l’argent lors de campagnes de demande de dons?
Officiellement, La Chaîne du bonheur est une fondation indépendante, elle n'appartient pas à la SSR au sens juridique du terme. Mais, par ce qui ressemble à un habile montage qu'il faudrait creuser un jour, c'est la SSR qui la gère officieusement. La Chaîne du Bonheur ne collabore qu'avec la SSR et la SSR a l'interdiction de récolter des dons sans passer par la Chaîne du Bonheur, c'est assez clair: il n’y a pas de Téléthon, de Restos du cœur ou de Sidaction sur le service public. Tout ce qui récupère de l’argent doit passer par la Chaîne du bonheur.
À chaque récolte d’argent, qui passe par les comptes de la Chaîne du bonheur, les intérêts peuvent se compter en millions, en fonction du succès des campagnes et de l'importance des catastrophes. Et ceux-ci ne sont pas redistribués, à ma connaissance. J’ai posé la question à Jean-Marc Richard un jour, il ne m’a jamais répondu.
Aujourd'hui, il y a vingt-trois salariés plein-temps à la Chaîne du bonheur, auxquels s'ajoutent des auxiliaires et des stagiaires en fonction des besoins. Ceux-ci, comme les locaux, sont payés par qui sinon par les intérêts? Être les seuls habilités à récolter des dons sur la SSR a pour conséquence logique de multiplier les intérêts du compte bancaire de la Chaîne du bonheur. C’est une attitude que l’on peut comprendre de la part d’entreprises privées, mais lorsqu’il s’agit du service public, déjà financé par le contribuable, c’est un autre problème.
Dans votre livre, vous parlez aussi des gens qui ont une impertinence et un courage de façade et vous égratignez notamment Thierry Barrigue, dessinateur et fondateur du journal satirique Vigousse.
Je trouve Barrigue trop politiquement correct. Son père, Piem, était plus impertinent à l’époque. J'aime ses dessins, mais ce n’est pas du Burki. Les dessinateurs sont des gens très discrets, Barrigue, lui, aime la lumière. Il faudrait que son personnage ne soit pas plus important que ses dessins. J’ai fait Le fond de la corbeille avec lui, c’était un copain. Mais quand il a fallu commencer à être contre un système, en amenant des idées nouvelles, il n’y avait plus personne.
Concernant Laurent Flutsch, qui travaille aux côtés de Barrigue à Vigousse, nos chemins se sont séparés après l'épisode de La Soupe est pleine. Là où j'imaginais pouvoir compter sur quelqu'un qui témoignait en apparence d'une envie de bousculer le système, il n'y avait plus personne. Je ne peux pas en vouloir à ces gens de ne pas oser prendre le risque de tout perdre. Car c'est bien de cela dont il s'agit.
Selon votre expérience, est-ce que le public français est plus ouvert à l’impertinence et à la satire que le public suisse?
Pas du tout, sinon La Soupe est pleine n’aurait pas eu un tel succès. On parle tout de même d’un public de 200 personnes sur place, dans le studio, pour assister à une émission de radio. Les Suisses ont toujours suivi les émissions de télé françaises un peu provoc’. Ils vont les chercher où elles existent.
Les bons humoristes romands partent à Paris. Ils ne partent pas parce qu’il n’y a pas de public pour eux en Suisse, mais parce que le seul endroit où ils pourraient avoir de la visibilité, c’est la RTS. C’est le cas pour les artistes aussi.
«C’est la RTS qui décide qui va devenir une vedette ou pas en Suisse romande»
Par exemple, Stephan Eicher a fait des titres en Suisse, un concert à la Dolce Vita de Lausanne, avant d’être connu. Il a envoyé ses disques à la RTS, mais comme il était suisse allemand, personne n’en voulait. Il est allé à Paris, chez Drucker, et c’est devenu la star qu’on connaît. Si la RTS te refuse, tu dois partir, car ce n’est pas Radio Chablais qui va faire de toi une vedette. Si tu ne passes que sur Léman Bleu – même s’ils sont très bons – cela ne suffit pas. C’est la RTS qui décide qui va devenir une vedette ou pas en Suisse romande, puisqu'ils se sont arrangés pour avoir le monopole de diffusion.
Avec La Soupe est pleine, j’essayais de mettre en avant les artistes suisses. En donnant, par exemple, la possibilité à un groupe de jouer en live. Je considérais que c’était notre mission. Sur les 60% de chansons françaises que l’on passe à l’antenne, il n'y a que 5% de suisses. Quand ils veulent inviter des stars, il n’y a que des Français. On me rétorquait que les Suisses, notamment les politiques, personne ne les connaît. Mais c’est à nous de les faire connaître! C’est notre boulot de service public de faire connaître le pays!
La télévision suisse romande ne joue pas son rôle de service public.
Pour revenir à Vigousse, ils faisaient du bon boulot avant la crise Covid, non?
Sans doute, mais je trouve malgré tout Vigousse trop gentil et un poil prétentieux. N’est pas Charlie Hebdo ou le Canard Enchaîné qui veut. C'est une sorte de copie doucement satirique qui pique souvent les mêmes. Comme si Charlie ne ciblait que le RN. Trop facile!
C’est la fameuse gauche parisienne des années 60 qui défend Che Guevarra, qui est médecin et Castro, qui est avocat, tous de familles bourgeoises, rive-gauche et friquées. Tous ces gens-là sont de gauche comme je suis catholique. C’est tellement politiquement correct d’être un peu socialo… ça leur plaît.
Pascal Couchepin m’avait expliqué, à l’époque où il était au gouvernement avec Ruth Dreiffus, socialiste, qu’il arrivait le lundi et lui demandait: «Alors Ruth, qu’est-ce que t’as fait ce week-end pour sauver le monde?»
On veut montrer qu’on est cool, mais on a notre petite maison au bord du lac, avec notre carnotzet. Je trouve ce truc-là un peu malhonnête. À Charlie, ce sont de vrais passionnés. Chez Riss, il y a cette intelligence de vouloir taper un peu sur tout le monde en ayant la lucidité de ne pouvoir changer grand-chose. Ils ne se prennent pas au sérieux.
N’avez-vous pas peur que votre passif à la RTS décrédibilise votre critique, puisque ça s’est mal terminé?
Non, je dis ce que je pense et aujourd’hui, je me fiche complètement de cette histoire. Je n’ai rien à cacher, je n’ai rien à perdre et là où je suis (à Paris, ndlr), la RTS n’existe pas. Même Darius (Rochebin, ndlr) ne revendique pas du tout le côté suisse. C’est derrière lui et je pense qu’il était soulagé de partir sur LCI.
Ce n’est d’ailleurs qu’après son départ que la parole s’est libérée à son propos, alors que tout cela était connu depuis des années. C’est dire à quel point l’omerta règne dans cette boîte!
Dans un autre registre, la RTS a été ciblée par des attaques assez graves de protection de pédocriminels, notamment par Idriss Aberkane dans un article de France Soir. D’où ça vient? Que s’est-il passé et que savez-vous de ces accusations?
Il y a trois affaires dont j’ai connaissance. La première concernait un type qui s’appelait Bertschi. Il était animateur. Il a été viré de l’antenne et ils ont tout fait pour ne pas que cela se sache. Le type s’est retrouvé cuistot dans une cantine scolaire.
Le second cas a concerné Thierry Catherine. C’était un producteur de la RTS plutôt bien vu et influent. C’est un des employés du service de maintenance des ordinateurs qui a retrouvé des fichiers pédocriminels dans l'ordinateur de travail de Catherine. Cet employé, du nom de Resende, a été viré parce qu’il a voulu dénoncer ses découvertes. On n’a d’ailleurs pas vu beaucoup de syndicats défendre Resende à l’époque. Resende a parlé aux journalistes, mais comme ceux-ci sont toujours dans l’espoir d’avoir un poste à la RTS, ils ne savaient pas bien comment traiter l’affaire.
Puis, il y a eu Patrick Allenbach, mon producteur, qui animait des émissions de rock. Pendant 5-6 ans, on a partagé le même bureau. On disait que c’était un peu bizarre qu’il se promène toujours avec des gosses. Mais ceux-ci n’avaient pas l’air d’aller mal. Je ne me suis douté de rien. L’affaire a été dévoilée quand deux enfants, devenus adultes, ont pris la parole.
Des pédophiles, il y en a partout. Pensez-vous que la RTS détonne dans sa façon d’empoigner ce problème et si oui, comment ça se fait?
Non, pas particulièrement, pas plus que dans la plupart des institutions ou entreprises qui ont une certaine visibilité. Les directions préfèrent tenter d'étouffer les affaires qui pourraient mettre en cause la crédibilité de leur entreprise, leur responsabilité et leur incapacité à gérer ce type de problématiques. Ils savent que les critiques seront rudes, à juste titre.
Pour une direction, dénoncer un employé influent avant que la justice ne s'en mêle, c'est attirer l'attention sur le cas. Le mieux pour préserver une bonne image est donc de le mettre discrètement sur la touche en espérant que personne ne déterre le dossier. Mais encore une fois, la RTS étant une minuscule télévision locale, tout se sait très vite. Pour Allenbach, je ne pensais pas que les rumeurs étaient fondées. En tous les cas, je ne voyais rien d'alarmant. Mais rumeurs il y avait.
Aujourd'hui, vous pouvez suivre Ivan Frésard par le biais de sa chaîne YouTube
Bonjour,
Article extrêmement intéressant, comme souvent sur votre média. Bravo encore!
Je peux juste confirmer le passage concernant la Chaîne du Bonheur, la gestion des dons, etc... Ma conjointe travaille dans une association dont je tairai le nom pour ne pas leur attirer des ennuis. Mais effectivement, la façon de gérer les dons est opaque, pour le moins. En gros, le nom Chaîne du Bonheur est utilisé comme une marque de fabrique pour collecter des dons, rassembler de l'argent qui peut ne pas du tout être versé aux associations qui font pourtant partie de l'opération.
Je pense que si les braves citoyens suisses romands qui croient faire une bonne action avec la Chaîne du Bonheur savaient comment ça se passe…
Très intéressant ! Il semble que cela soit un modus operandi connu de réunir les employés d'un département et sous le couvert d'une liste de reproches ou d'une pseudo médiation de critiquer celui ou celle que l'on désire éjecter.
Pour moi, qui ai collaboré près d'une quarantaine d'années à la RTS (qui s'appelait RTSR quand j'ai commencé), la TSR a commencé à mal aller à partir du moment où Claude Torracinta est parti : ce fut le dernier vrai patron de presse, innovant, curieux, intelligent et intègre. La suite...
Merci infiniment pour cette interview é-di-fian-te !
Aparement j'ai eu raison de ne pas payer la redevance... Je ne l'ai JAMAIS payee