Pourquoi l’UE veut-elle faire supprimer des données sur les effets secondaires?
- Amèle Debey
- il y a 1 jour
- 4 min de lecture
Deux chercheurs français ont eu la surprise de recevoir une injonction de l’Agence européenne du médicament (EMA) à supprimer des données sensibles sur les effets secondaires des vaccins Covid. Tandis que le téléphone arabe se met en place sur les réseaux, nous sommes parvenus à faire la lumière sur cette affaire.

Cette semaine, les médias alternatifs se sont fait l’écho de ce qui est présenté comme un véritable scandale: une instance officielle a demandé à des chercheurs français de supprimer leurs données sur les effets secondaires du vaccin Covid relatives aux pays d’origine. Un courrier, daté du 9 octobre, et signé de la main du responsable de la division Médicaments à usage humain, Alexis Nolte, leur aurait ordonné de «supprimer toutes les données extraites du système EudraVigilance, notamment le pays d’occurrence des effets indésirables liés aux vaccins Covid, déclare Emmanuelle Darles, docteure en informatique et enseignante-chercheuse dans cette discipline. Nous avons reçu l’ordre officiel de supprimer ces informations, sous peine de violation du règlement européen sur la protection des données».
Rapidement, l’affaire fait boule de neige. Emmanuelle Darles et Vincent Pavan (maître de conférences et chercheur en mathématiques) sont reconnus pour leur travail durant la pandémie, puisqu’ils ont notamment participé au Conseil scientifique indépendant. Un peu partout sur les réseaux sociaux, la volonté de couvrir la débâcle vaccinale est évoquée. Même Pascal Praud va jusqu’à déclarer, lors de son heure éponyme sur CNews, que l’EMA «a ordonné l’effacement de toutes les données sur les effets indésirables du vaccin lié au Covid». La machine est lancée et elle part dans tous les sens.
Qu’en est-il vraiment?
Chez L’Impertinent, on aime bien vérifier les informations. Nous avons demandé à voir la lettre en question, mais cela nous a été refusé. Comme à tous les autres journalistes, semble-t-il. L’affaire étant juridique, les avocats sont entrés dans la danse et les précautions sont de mise. Alors, nous avons interrogé l’EMA afin d’obtenir des explications. Puisque les deux chercheurs concernés n’ont pas compris que l’on vienne les attaquer sur des données vieilles de trois ans.
Par le biais de son service presse, l'EMA confirme avoir «pris des mesures pour contenir l'accès non autorisé aux informations non publiques du système EudraVigilance (EV).» Elle explique: «L'EMA publie les rapports d'effets indésirables (EIM) issus du système EV sur www.adrreports.eu. Les données mises à disposition sur ce site web fournissent des informations détaillées sur les effets indésirables suspectés spontanément signalés à EudraVigilance, tout en protégeant la vie privée des personnes à l'origine de ces rapports. La publication des données EIM est régie par la politique d'accès d'EudraVigilance, qui prend en compte les intérêts des parties prenantes et est pleinement conforme à la législation européenne sur la protection des données.»
(Re)lire notre article sur les financements de l'EMA: Voici ce que vaut vraiment une autorisation de l'Agence européenne du médicament
Pourquoi réagir trois ans après? «L'Agence a rapidement (sic) lancé une enquête et constaté que les numéros d'identification uniques mondiaux de cas (WWUID) et le pays d'apparition de plus de 10 millions de rapports individuels de sécurité (ICSR) avaient fait l'objet d'un accès non autorisé. Ces informations (WWUID et pays d'apparition) ne sont pas accessibles au public et pourraient potentiellement permettre l'identification de patients. Dans les États membres de l'UE à très faible population, les informations sur le pays d'apparition pourraient potentiellement être utilisées pour identifier une personne. C'est pourquoi ces informations ne devraient pas être accessibles au public, car les données de tous les citoyens de l'UE méritent une protection égale.»
Et de conclure: «Dans le cadre de l'enquête, l'Agence a déjà bloqué l'accès non autorisé à ces données. L'EMA a également demandé que les données non publiques obtenues par cet accès non autorisé soient supprimées en toute sécurité.»
Liberté académique et censure institutionnelle
Seulement voilà, comme l'explique Emmanuelle Darles, l'EMA a également ordonné la suppression de tous les calculs statistiques, ainsi que toute action (communication, article de recherche, etc.) issus de ces données, précise-t-elle. «Autrement dit, il devient impossible d’analyser les signalements par pays, pourtant essentiels pour comprendre les différences de profil et de fréquence des effets selon les contextes nationaux».
Dans une interview avec Nexus, vendredi soir, Emmanuelle Darles admettait ne pas vraiment savoir s’ils avaient le droit ou non de récupérer les données en question. Celles-ci n'étant pas accessibles au public et requérant des compétences particulières en informatique pour pouvoir être trouvées. Contactée par L’Impertinent, elle explique: «Les informations ont été obtenues par des méthodes de requêtes informatiques publiques, utilisant des protocoles standards d’interrogation de serveurs. Le fait qu'une agence demande à deux chercheurs français de supprimer données, calculs, communications scientifiques et vulgarisations contrevient au principe des libertés académiques qui sont inscrites au sein même de notre Constitution.»
De son côté, Vincent Pavan s'inquiète: «La lettre de l'EMA et l'injonction qu'elle contient posent problème. En effet, ce qui est valable pour nous (supprimer des données contenant les pays et ne pas pouvoir utiliser ces résultats dans le débat public) devra l'être pour tous les chercheurs et les citoyens téléchargeant régulièrement les données de manière programmatique. Il s'agit donc d'une censure qui empêche la manifestation de la vérité.» Au micro de Tocsin, Vincent Pavan a affirmé que les données recueillies démontrent un effet secondaire toutes les 100 injections.
Y aurait-il donc une volonté de la part de l’Union européenne de brouiller les pistes? On a connu manœuvre plus discrète que d’attaquer frontalement deux figures de la résistance Covid! Chez Nexus, l’hypothèse d’une différence entre les données publiées par les pays et par l’EMA a été évoquée. «Je crois qu’il y a dans ces données des choses qui les gênent profondément, expliquait le chercheur, notamment dans le cadre des procès en cours».
Affaire à suivre, donc.
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