top of page

Article rédigé par :

Georges Martin

La descente aux enfers se poursuit pour la Suisse

Dernière mise à jour : il y a 2 heures

kks et trump
© DR

Le coup de grisou qui a agité, pour ne pas dire fait exploser le landerneau suisse ce fameux jeudi – qualifié désormais et sans doute pour l’histoire de «noir», lorsque Trump a fait tomber le feu du ciel sur nos exportations vers les États-Unis – aura incontestablement des répliques dans les domaines économique, bien entendu, mais aussi politique et sociétal.


Face à l’improbable, à l’inimaginable, la première réaction humaine est l’incrédulité! Ce «jeudi noir» nous a sidérés. Lorsque la poussière sera retombée, la raison se remettra à fonctionner. Des explications seront recherchées, des responsables aussi. Contrairement à la physique ou à la chimie, en politique rien n’est inéluctable. Rien ne devrait être improbable et encore moins inimaginable pour les politiques, comme on en a l’impression aujourd’hui en contemplant leurs visages défaits.


Une décision prise ou pas prise, au bon ou au mauvais moment, peut induire une chaîne de réactions ou une autre. Qu’en aurait-il été si nos diplomates et la présidente de la Confédération avaient eu une appréciation moins positive – certains diraient moins naïve et plus réaliste – de la situation? À n’en pas douter, ils n’auraient pas attendu la dernière minute de la dernière heure pour réagir. Ils auraient compris plus vite que le deal ébauché par les deux administrations présentait des failles et était loin de susciter l’enthousiasme du locataire de la Maison-Blanche. Notre présidente n’aurait pas conclu, après son premier contact téléphonique avec Trump, qu’elle était devenue son «amie». C’est probablement à cette erreur de jugement fondatrice qu’il faut faire remonter l’hubris dans laquelle elle s’est cantonnée jusqu’à la chute finale, cruelle et brutale. S’en étant rendu compte bien trop tard, elle improvisa un dernier et pathétique voyage à Washington qui aurait été entièrement humiliant pour elle et la Suisse si le secrétaire d'État Rubio, qui ne s’est jamais occupé des tarifs douaniers, n’avait pas été désigné volontaire pour la recevoir quelques minutes.


«Des erreurs humaines, volontaires ou non, sont souvent derrière les échecs»

Dans l’ignorance de ce qui s’est réellement passé, ou pas, durant les longs mois qui ont séparé la «finalisation du deal» et son rejet par Trump, on ne peut que se perdre en conjectures sur les causes, supposées, d’un désastre final bien réel lui. Pour l’avenir et éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets, il faudra bien que l’administration fasse son introspection et identifie les grains de sable qui ont grippé un mécanisme que l’on nous avait présenté dès le début comme bien huilé.


Loin de moi l’intention de prétendre que l’opération était aisée et qu’il aurait été facile de réussir. Je me demande au contraire comment une administration aussi expérimentée, ayant fait ses preuves au cours de décennies, a pu se montrer suffisamment naïve et amateure pour prendre des vessies pour des lanternes. Dans des situations incomparablement moins dramatiques et graves pour des pans entiers de notre économie, j’ai pu constater que c'étaient souvent des erreurs humaines qui provoquaient, involontairement ou volontairement, les échecs. Un processus de négociation obéit par définition à des aléas qui le font avancer. Lorsqu’il est figé et n’aboutit pas, comme dans le cas des tarifs infligés à la Suisse, c’est rarement un bon présage. Quel fusible n’a pas fonctionné, quel service n’a pas tiré au bon moment la nécessaire sonnette d’alarme ou, si cela a été le cas, quelle personnalité n’a pas réagi en conséquence?


Il est encore trop tôt pour poser toutes ces questions, encore moins y répondre, au moment où l’on espère toujours un improbable changement d’avis de Trump. Ce qui m’inquiète en revanche, c’est notre propension à passer à autre chose dès la crise derrière nous. Celle qui nous intéresse aujourd’hui, pour être la plus sérieuse pour notre économie, n’est pas pour autant la première en lien avec les États-Unis qui nous tombe sur la tête. Les avoirs juifs en déshérence, le secret bancaire, le Crédit suisse ont été autant de failles dans des relations de plus en plus inamicales entre celles qu’on aimait désigner, mais qui n’en ont jamais été en réalité, les «républiques sœurs». Il faut aujourd’hui qu’en Suisse l’on comprenne qu’avec les États-Unis comme amis, notre pays n’a pas besoin d’ennemis!


«Avec les États-Unis comme amis, notre pays n’a pas besoin d’ennemis!»

L’année 2025 est une année noire à bien des égards pour la Suisse. Le récent coup de massue américain est le dernier en date dans ce qui s’apparente à une descente accélérée aux enfers. Dans le domaine géopolitique, nous frisons l’insignifiance. De manière symbolique, au moment où KKS faisait en vain le pied de grue sous les balcons de la Maison Blanche, la tête de son locataire était déjà tournée vers les préparatifs de sa prochaine rencontre avec Vladimir Poutine, qui, comme pour faire exprès, se déroulera en Alaska et pas à Genève.


Lorsque j’étais un jeune diplomate, il était de bon ton de dire que la Suisse n’avait pas de politique étrangère, mais une politique économique étrangère. Lors des préparatifs des rencontres ministérielles, les représentants des grands secteurs de notre économie d’exportation ne se donnaient même pas la peine d’attendre la fin des séances et laissaient derrière eux des «instructions écrites» pour nos ministres. Le monumental crash de nos diplomates économiques, auquel nous avons assisté en direct, comme dans une mauvaise série Netflix, atteste de notre perte d’importance internationale. Les jalousies attisées par notre économie encore florissante s’en trouveront avivées.


La Suisse ne peut plus faire l’impasse sur un sérieux aggiornamento. Elle aurait dû «vendre» à Trump l’intérêt pour Washington d’une Suisse non-membre de l’UE. Pour avoir échoué à le convaincre, ou, peut-être plus vraisemblablement, pour avoir renoncé à jouer cet atout, par esprit de vassalisation à Bruxelles, elle paye le prix fort. Il n’est pas étonnant que nos «Euro-turbos», dont certains voient dans cette crise un cadeau du ciel, soient déjà en campagne pour réclamer un rapprochement accéléré avec l’UE, voire une adhésion. Il n’est pas certain que ce soit dans l’intérêt de la Suisse, prise entre l’un et l’autre, de coller au marteau américain ou à l’enclume européen. Dans les deux cas, l’impact négatif risque d’être le même. Mais, il s’agit là d’une autre histoire.

Comments


Pop Up Trigger
00:00 / 01:04
L'Impertinent LOGO 24.jpg

Inscrivez-vous aux alertes de publication :

Merci pour votre envoi !

Faire un don

IBAN : CH52 0900 0000 1555 3871 0

Lausanne, VD

© 2020 L'Impertinent - L'information au service du public - Politique de confidentialité

bottom of page