Voilà près de trois mois depuis notre escapade à Stockholm. A part la chute drastique des températures, les Suédois ont connu quelques petits changements durant ces quelques semaines. Sur le front du Covid aussi. Mais malgré le durcissement des mesures, qui reste très léger en comparaison européenne, le pays semble toujours faire figure d’exemple pour sa gestion équilibrée et surtout payante de la crise sanitaire.

© Pixabay
Le lendemain de mon passage au micro de Sud Radio pour expliquer que le Covid était de l’histoire ancienne en Suède, le pays a décidé d’instaurer le pass vaccinal pour les événements publics rassemblant plus de 100 personnes en intérieur. C’est ce qu’on appelle les aléas du direct. (Et ce n’était d’ailleurs pas le seul).
Immédiatement, de nombreux médias du monde entier ont rapporté l’information en gros titre, afin de démontrer que les Suédois aussi suivaient les mesures considérées comme liberticides par leurs opposants. Rebelote en ce début d’année. «Covid-19: face à un rebond des cas, la Suède renforce ses mesures sanitaires», titrait LCI le 10 janvier. «Renforcement des restrictions en Italie et en Suède», affirmait Euronews. Si cette dernière phrase n’est pas techniquement mensongère, elle prête à confusion. Car la vie en Suède est loin d’être aussi restrictive qu’en Italie.
En effet, le pays de Mario Draghi – qui vient d’instaurer l’obligation vaccinale pour les plus de 50 ans – a déclaré la guerre aux non-vaccinés. Ceux-ci ne peuvent plus se rendre au restaurant, au cinéma, à la piscine ou dans les clubs de sport. Même les transports publics leur sont désormais interdits. Seuls les personnes guéries récemment sont exemptes de piqûre.
Méthode douce
En revanche, lorsque l’on parle de renforcement des mesures en Suède, il s’agit de fermer les bars et les restaurants à 23h00. De limiter les rassemblements publics en intérieur à 500 personnes, avec pass vaccinal obligatoire pour tout rassemblement de plus de 50 personnes. Le télétravail est conseillé et la prudence est demandée aux citoyens. Cependant, les masques restent facultatifs partout et les non-vaccinés continuent à jouir librement des infrastructures de leurs choix.
Comme dans le reste du monde, les dirigeants suédois mettent un point d’honneur à montrer qu’ils prennent la situation au sérieux, en particulier face à Omicron, qui fait exploser le nombre de «cas» un peu partout. Mais en Suède, les lois de protection des individus continuent à être appliquées, les études scientifiques continuent à primer sur les gesticulations politiques et les modifications des mesures – instaurées de manière sporadique – respectent un certain cap qui veille à ne pas donner un sentiment d’allers-retours constants aux individus.
La réalité des chiffres
En fait, et même si la Suède a plus de morts que ses voisins directs, car elle a choisi de laisser le virus circuler, elle peut faire face aux nouvelles vagues avec davantage de sérénité.
«La Suède connaît actuellement la plus petite vague d'infections à l'Omicron Covid de tous ses voisins scandinaves, écrivait récemment The Post au Danemark. Avec une moyenne mobile de moins de 500 cas par million, elle est inférieure à la Norvège (700), à la Finlande (1100) et au Danemark (3000). Le nombre de décès quotidiens dus au Covid est inférieur à 0,5 par million, soit la moitié de celui de la Norvège et un tiers de celui de la Finlande ou du Danemark.»

© DR
Interrogé sur la situation, le Folkhälsomyndigheten (agence nationale de santé publique) réfute le terme «pass sanitaire» et parle de «preuve de vaccination». Elle affirme qu’il y a effectivement «une augmentation rapide des cas d'Omicron, comme dans le reste de l'Europe, mais cela en ferait plutôt la quatrième vague de la pandémie pour la Suède.»
Quant à des mesures supplémentaires, la porte-parole n’exclut pas une nouvelle adaptation à la situation, mais il est impossible pour l’heure de dire ce qui se produira dans le futur.
La parole aux citoyens
Dans les faits, selon mes interlocuteurs sur place, rien n’a vraiment changé: «Perso je n’ai pas vu la différence, explique Charlotte, ingénieure française installée à Stockholm, lorsqu’elle est interrogée sur le fameux sésame. La situation n’a pas énormément changé malgré la montée des cas. Quelques restrictions mais quand je compare à la France... Le seul truc qui me choque c’est à quel point la communication est stable en Suède. Ça change vraiment tous les jours en France et les annonces sont rarement claires… »
«Le pass n'a pas changé grand chose à la vie quotidienne, mais il a créé de longues files d'attente devant les cinémas et les théâtres par exemple, du moins au début, lorsqu'ils n'étaient pas habitués à s'organiser, selon Johan Norberg, écrivain. D'après les sondages que j'ai vus, environ 68% sont en faveur de ce laissez-passer, et seulement 14% y sont opposés en général.
Et d'ajouter: «Je pense que beaucoup de gens l'acceptent comme une alternative à l'interdiction des rassemblements. Je n'aime pas cela. Si les organisateurs d'événements veulent des cartes de vaccination, ils devraient être autorisés à les exiger, mais elles ne devraient pas être obligatoires. Cependant, je préfère vraiment cette solution aux fermetures.»
«En général, je pense que les seules personnes que l'on entend commenter les nouvelles règles sont celles qui dépendent des grands rassemblements, explique Lars, architecte informatique. Comme les artistes et certaines fédérations sportives. Mais pas tant que ça. Mes parents sont allés au théâtre l'autre jour et c'était bien organisé avec le contrôle des laissez-passer. Les nouvelles règles ont un faible impact sur la vie quotidienne.»
«Dans les boîtes de nuit et les cinémas, il faut un pass vaccinal, explique Karin, barmaid. Au travail, nous n'en avons pas. Les gens ont des opinions différentes sur cette question. Je pense que dans deux semaines nous aurons une manifestation à Stockholm. Dans le secteur de la santé, ils essaient de n'engager que des personnes vaccinées. Je n'ai cependant pas entendu dire que quelqu'un avait été licencié pour ne pas avoir été vacciné. Il semble que nous ayons encore des lois qui nous protègent. Personnellement, je suis inquiète. Je commence à essayer de ne pas être aussi dépendante du travail et des prêts. Je pense à acheter un terrain pour faire pousser des légumes. Aller vivre dans la campagne. Les gens ici ne sont pas encore trop en colère.»
Si la Suède fait donc figure de modèle sur bien des points dans sa gestion de la crise, il est important de rappeler qu’elle est aussi le pays dans lequel on développe des puces sous-cutanées qui pourraient, notamment, héberger le pass vaccinal pour les volontaires. Le pays du Nord n’est donc pas à un paradoxe près.
(Re)lire les trois épisodes de notre reportage en Suède:
Au fait, quel est le nombre de vaccinés?
100 personnes en intérieur, ce sont en gros toutes les manifestations culturelles. La différence par rapport à la Suisse semble être pour les restaurants, les fitness, les cours divers. Si Genève suivait la Suède, on aurait eu droit en plus aux lumières boréales des Bastions puisque c'était dehors... C'est une différence, mais ça prive toujours des gens de leurs droits élémentaires. Chez nous, parmi les privilèges, il y a assister à des funérailles, rendre visite à sa tante en EMS...
Ce qui m’intéresserait vraiment de savoir, c'est quelle pression a été exercée l'automne dernier sur la Suède et aussi la Russie, qui ont changé leur fusil d’épaule en même temps en ce qui concerne les injections et l' "Ausweis".
La Suéde a imposé ce certificat pour les "grandes manifestations" (de plus de 50 personne, pour moi grand, c'est 10'000, pas 100) alors que la situation était stable chez eux.
L’embarras de la première ministre en l'annonçant était visible, venir dire au gens que les mesures durcissent alors que la situation est bonne, pas évident... J'ai admiré cette administration suédoise durant 18 mois pour sa gestion "scientifique" de la crise, contrairement à nos pays d'Europe de l'ouest, qui ont perdu pied avec…
Le plus étonnant : à quel point, en Suisse comme dans les pays limitrophes, on ne veut pas voir que, pour l'essentiel, la Suède a choisi une autre voie, beaucoup moins conflictuelle (pour des résultats semblables voire meilleurs sur le plan sanitaire), une voie que nous aurions pu suivre et qui nous aurait beaucoup mieux convenu. Voilà qui prouve que nous sommes "sous propagande".