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Article rédigé par :

Martin Delavenne, Normandie

Éoliennes: le vent tourne-t-il contre la santé humaine?

Dernière mise à jour : 13 mai

Alors que la Suisse mise sur le développement de l’éolien pour assurer sa transition énergétique, un jugement historique rendu dans l’Hexagone ravive un vieux débat: les éoliennes peuvent-elles nuire à la santé? Le «syndrome de l’éolien», reconnu par la justice française, constitue une première. Et peut-être un tournant.

éoliennes
© PxHere

Un ancien corps de ferme, des collines paisibles et six éoliennes en ligne de crête. Ce pourrait être la carte postale de la transition énergétique. C’est pourtant devenu le théâtre d’un contentieux de santé publique inédit. En juillet 2021, la Cour d’appel de Toulouse a accordé plus de 100'000 euros de dommages et intérêts à un couple d’exploitants de gîte rural, reconnaissant que leur santé avait été altérée par le fonctionnement de deux parcs éoliens situés à 700 et 1300 mètres de leur propriété.


Le verdict, tombé après cinq ans de procédures, pourrait bien faire jurisprudence. Pour la première fois, une juridiction reconnaît l’existence d’un «syndrome des éoliennes», un trouble mêlant symptômes physiques, détresse psychologique et perception sonore anormale. Un verdict qui interroge: et si les éoliennes, si souvent perçues comme des géantes bienveillantes, n’étaient pas si inoffensives que cela?

 

Bruit, infrasons: quand le corps ne ment pas


Ce que reprochent les riverains n’est pas une surdité ou des acouphènes, mais un cortège de troubles diffus: fatigue chronique, troubles du sommeil, nausées, tachycardies, vertiges… Des symptômes aussi imprécis que persistants. Le médecin du couple les oriente vers un déménagement. Ils obtempèrent. Puis assignent les exploitants des parcs devant la justice.


Dans un premier temps, le Tribunal judiciaire rejette leur demande. Le bruit est mesuré, les distances de sécurité respectées. Bref, tout est conforme. Mais les plaignants font appel. Et là, les juges demandent une expertise acoustique poussée.


Le verdict scientifique est clair: le bruit est réel, localisé dans les infrasons et les très basses fréquences, et sa gêne est objectivement ressentie. «Il ne fait aucun doute qu'une gêne sonore peut être perçue par les plaignants, notamment dans certaines configurations de vent», conclut l’expert. Le bruit, bien que faible, est régulier, grave, sourd. Il échappe souvent aux capteurs, mais pas aux corps sensibles.

 

Ce que dit (et ce que tait) la science


Depuis une décennie, l’ANSES, en France, et l’Organisation mondiale de la santé s’accordent sur un point: les bruits des éoliennes sont en général inférieurs à 45 dB près des habitations — soit l’équivalent d’un lave-vaisselle. Pas de quoi provoquer un dommage auditif.


Mais le consensus s’arrête là. Car, si le niveau sonore est faible, sa nature l’est beaucoup moins. «C’est un bruit irrégulier, modulé, qui entre en conflit avec la quiétude d’un environnement rural», explique le professeur Claude-Henri Chouard, membre de l’Académie nationale de médecine, dans un rapport de 2017. Et d’ajouter: «Ce n’est pas une question de décibels, mais de ressenti prolongé».


Là où le bât blesse, c’est dans la perception. L’oreille humaine est peu sensible aux infrasons (<20 Hz), mais le corps — lui — pourrait y réagir. Les palpitations, le stress, l’angoisse, ne proviennent pas uniquement du tympan. En acoustique environnementale, on appelle cela le «bruit ressenti». C’est cette dimension subjective que la Cour de justice de Toulouse a prise en compte. Une petite révolution juridique.


Une jurisprudence inédite, des implications internationales


En rendant sa décision, la Cour d’appel a validé un principe encore peu utilisé en droit environnemental: l’appréciation in concreto du trouble. Autrement dit, ce qui compte, ce n’est pas la conformité aux normes générales, mais les effets concrets et répétés sur les individus, dans un lieu donné, à un moment donné.


Le jugement souligne que les plaignants vivaient dans un environnement particulièrement calme, sans bruit de fond pour masquer les sons lointains. Il valide l’idée qu’un trouble peut être anormal même s’il respecte toutes les règles. Une faille dans la cuirasse réglementaire.


«Le syndrome des éoliennes traduit une souffrance existentielle», écrit la Cour. Une souffrance «multifactorielle», intégrant non seulement la composante sonore, mais aussi le contexte social, émotionnel et économique des victimes. Un angle d’analyse jusqu’ici très peu exploré.

 

Et en Suisse?


En Suisse, le développement de l’éolien reste modeste, mais stratégique. En 2020, moins de 140 GWh ont été produits par une quarantaine d’installations. Mais ces dernières couvrent deux tiers de leur production pendant la saison hivernale, répondant à un enjeu structurel de sobriété énergétique.


La Confédération, via l’Office fédéral de l’énergie, veut accélérer le déploiement de parcs dans les années à venir. Mais la législation helvétique reste floue sur les infrasons et ne prévoit pas de réglementation spécifique sur le «bruit perçu». Les normes sont fondées sur des seuils sonores mesurables, pas sur des effets ressentis.


À ce jour, aucun contentieux comparable à l’affaire française n’a émergé en Suisse. Mais certains signes — résistances locales, recours, controverses paysagères — montrent que le sujet pourrait suivre le même chemin. Par ailleurs, deux initiatives populaires sont en cours de récolte de signatures. L'une pour protéger les forêts et l'autre pour que les habitants impactés par la construction d'éolienne puissent se prononcer démocratiquement.

 

Recyclage: un autre angle mort


Ajoutons à cela un second angle de fragilité du modèle éolien: le recyclage. Les pales, fabriquées en matériaux composites, sont aujourd’hui quasi impossibles à valoriser. En fin de vie (20-25 ans), elles finissent incinérées ou en décharge. WindEurope alerte: 25'000 tonnes de déchets de pales seront générées chaque année d’ici 2025, quatre fois plus d’ici 2040.


Or, ces matériaux, s’ils sont broyés, peuvent libérer des microparticules potentiellement toxiques. Rien ne prouve leur dangerosité directe pour les riverains, mais les ouvriers chargés de leur démantèlement pourraient être exposés sans garanties suffisantes.


Des prototypes de pales «recyclables» voient le jour (notamment chez Siemens Gamesa), mais restent marginaux. La loi française impose déjà un taux de recyclage de 90% des éoliennes démantelées. En Suisse, la réglementation tarde à évoluer.

 

Le vent de la transition doit-il changer de cap?


L’éolien terrestre reste une solution précieuse face à l’urgence climatique. Mais sa légitimité repose désormais autant sur ses bénéfices carbone que sur sa capacité à anticiper et gérer ses effets secondaires. À force d’être présentée comme une technologie propre et silencieuse, l’éolienne a pu masquer ses angles morts.


L’affaire de Toulouse en est la démonstration: l’acceptabilité sociale de l’éolien ne se décrète pas, elle se construit. Et parfois, elle se reconquiert devant les tribunaux.

5 Comments


rigolay
May 11

"L’éolien terrestre reste une solution précieuse face à l’urgence climatique." Ne pas oublier l'intérêt de l'éolien également pour l'indépendance énergétique de notre pays.

L'éolien couvre en particulier notre dépendance électrique envers l'étranger en hiver ; moment de l'année où nous importons de l'électricité.

Il est important que le débat scientifiquement argumenté sur les conséquences pour la santé de l'éolien continue.

Edited
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Aujourd'hui, on tire sur cette nouvelle source d'énergie qu'est l'éolien. Je ne me prononce pas sur les arguments des uns ou des autres, hostiles ou fascinés par l'éolien, ou le photovoltaïque, tant il y a des abus de langage et de la manipulation de tous les côtés. Je me renseigne comme je le peux et je tente toujours de faire que mon opinion soit la bonne, mais ce n'est pas facile car on n'y est pas aidé.

Cela dit, lorsqu'on parle d'énergie, force est de constater que JAMAIS rien n'a été entrepris pour savoir quels étaient les impacts potentiellement négatifs lorsqu'il s'agissait de produire de l'énergie, et cela dès la naissance de la révolution industrielle; en effet, la seule chose…

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Le Tribunal fédéral vient de rejeter les oppositions du parcs éoliens entre Vallorbe et Romainmôtier. C'est une catastrophe ! Ils vont donc mettre 6 éoliennes ... Alors que les nuisances se font déjà sentir à Sainte-Croix : des personnes font des crises d'épilepsie, des animaux tombent malade. Les ondes et les courants vagabonds sont en partie responsable. Il y a aussi l'effet strobonscopique et les lumières clignotantes toute la nuit. Je vous conseille de lire LE PRIX DU VENT de Sioux Berger. Je vous invite aussi à signer en urgence l'initiative : www.protection-forets-oui.ch contre les parcs éoliens en Suisse. La Suisse devrait s'inspirer de la France ! Des agriculteurs ont perdu tout leur bétail et ils sont devenus électrosensibles !…

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Il serait peut-être temps de remettre l'église au milieu du village des écolos de tout crin qui ne voient la chose que d'un bout de la lorgnette. En effet, il est peut-être bon de rappeler quelques fondamentaux :

Selon le modèle de la bête, le trou nécessaire à creuser dans la nature pour chaque éolienne sera, selon le modèle, de 250 à 400 m3.

Ne pas oublier la création des chemins d'accès pour la livraison au raccordement, de l'aire d'assemblage, des fouilles pour le passage des câbles électriques de 20 kV, etc... en détruisant les sols.

La création d'un fond de fouille toujours selon le modèle et par éolienne de 1000 à 1500 m3 de terre à évacuer pour un…


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Merci pour votre commentaire. C'est une catastrophe écologique sans nom en effet. Sans parler du transports des pâles qui ne sont évidemment pas construite chez nous. Le pire dans tout ça, c'est ce qui est invisible : les ondes, les courants vagabonds, les clignotements (effet stobonscopique), les éclairages nocturnes, etc. La France devrait être un modèle mais la Suisse s'en fiche !

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