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Article rédigé par :

Amèle Debey

Bienvenue dans le nouveau monde, sans genre et sans couleur

La police fédérale a retiré «couleur de peau» des critères de son système de recherche de suspects. Tollé de plusieurs cantons et charge au PLR contre le Conseiller fédéral concerné. À force d’aseptiser les mots, on finit par brouiller le réel… et par s’interdire de le décrire.

couleur
© Canva

Après le débat sur la mention de la nationalité ou de l’origine des délinquants, voici que l’on complique encore un peu les choses dans l'identification des suspects. Une «plainte officielle émanant d’une autorité étrangère». Voilà ce qui aurait précipité la décision de la police fédérale suisse (Fedpol) de supprimer la référence à la couleur de peau dans le cadre des recherches d'individus. Le fichier de recherche RIPOL ne contient plus cette mention. Les polices cantonales n’ont plus le droit de faire référence aux individus en mentionnant «noir», «blanc», «jaune» ou «brun».


Face au tollé provoqué par cette décision, Fedpol a annoncé le lancement d’une consultation formelle, pour apaiser les tensions. Alors même que la nouvelle norme est déjà entrée en application. Ah, le sens des priorités!


Question de perception


La note interne annonçant ce changement, que Blick a pu se procurer, explique la décision en ces termes: la mention de la couleur de peau doit être «critiquement remise en question dans la société complexe d’aujourd’hui». Considérée variable selon les perceptions, cette catégorie ne constitue pas un élément fiable d’identification. 


La couleur de peau est donc une question de perception. Comme le genre est une question d’identification…. L’histoire ne nous dit d’ailleurs pas si les policiers ont toujours le droit de se référer à leur suspect en tant qu’«homme» ou «femme», puisque ces définitions pourraient désormais être jugées trop connotées. Le flou demeure.


Une fiche signalétique n’est pas une tribune politique. Elle n’«essentialise» personne; elle aide à identifier. La lutte contre le profilage racial n’a jamais consisté à censurer les mots utiles à une recherche, mais à encadrer les pratiques et à former les agents. Supprimer l’outil parce que certains en abusent, c’est confondre le thermomètre et la fièvre.


D’un extrême à l’autre


La tentation de l’effacement généralisé raconte autre chose: notre peur du conflit. On gomme, on neutralise, on «reformule». L’administration devient un open space de marque où tout doit paraître lisse, inclusif, inoffensif. Sauf que l’action publique n’est pas un branding: elle impose de nommer pour agir, de mesurer pour corriger. Effacer des variables, c’est se priver de données pour documenter les biais, les contester et, s’il le faut, sanctionner.


Cette méthode implique qu’une société s’apaise en effaçant ses contrastes. Or, on n’apaise rien en blanchissant les formulaires; on apaise en rendant des comptes, en corrigeant les abus, en assumant les mots qui décrivent, précisément parce qu’ils n’excusent personne.


À force de tout lisser, on ne voit plus rien. Et c’est précisément là que les vrais problèmes prospèrent. À l’abri des euphémismes.

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