Le monde moderne et sa dépendance à l'approvisionnement électrique
- Invité de la rédaction
- il y a 3 jours
- 2 min de lecture

Ce billet, signé par l'ingénieur français pronucléaire Jean-Marc Jancovici, est reposté ici avec l'autorisation de son auteur.
Si vous avez écouté la radio, ouvert un journal, allumé un poste de télé, ou navigué sur Internet, il vous aura été difficile de ne pas savoir que l'Espagne a été privée d'électricité pendant plusieurs heures à partir de lundi soir.
La cause reste encore inconnue à l'heure où est rédigé ce post, mais ce qui est déjà connu, c'est que cet épisode rappelle que l'électricité est devenue un élément vital pour le fonctionnement de notre société moderne.
Sans ce précieux fluide, nos voisins ibériques ont du se passer, heureusement pour eux pas très longtemps, de banques, de moyens de transport (trains, pompes à essence, feux de signalisation, aéroports...), de commerces, de conservation des aliments (frigos et congélateurs), de moyens de communication parfois, d'ascenseurs, d'hôpitaux, d'ordinateurs dans tous les postes de travail (c'est-à-dire à peu près partout), bref la société s'est mise à l'arrêt.
Cet épisode rappelle que le monde moderne est devenu totalement dépendant, à très court terme, de l'approvisionnement électrique. Mettre ce dernier en danger, ce n'est pas juste mettre en danger la compétitivité des entreprises industrielles: c'est bien plus que cela.
On pourrait certes revenir au charbon pour faire avancer les trains (hors problème de CO2 bien sûr), transvaser l'essence dans des jerrycans, et revenir aux lettres pour s'écrire.
Mais, pour l'essentiel des processus du monde moderne, il n'y a désormais plus de solution de repli sans électricité. Imagine-t-on revenir au papier et crayon pour faire fonctionner une banque, tenir une comptabilité d'entreprise, approvisionner un supermarché?
Comment faire fonctionner une usine, le plateau technique d'un hôpital, un réseau d'eau potable, un immeuble de grande hauteur, le stockage de nourriture, ou un emploi de bureau sans électricité?
L'existence d'un système électrique fonctionnel (et donc fiable) va donc être, pour pas loin de la nuit des temps, une condition indispensable du fonctionnement d'un monde pas trop éloigné de l'actuel.
À court terme, la situation est évidemment maîtrisée. Comme le montre l'Espagne, un black-out ne dure pas très longtemps. Mais à plus long terme, sommes-nous sûrs d'avoir fait le tour de tous les obstacles qui pourraient venir en travers de cet objectif?
Par exemple, tant les moyens de production que le réseau ne peuvent désormais plus fonctionner sans composants électroniques, qui ne sont pas fabriqués en Europe.
Cela ne pose pas de problème à l'horizon de l'année, mais à l'horizon de quelques décennies, dans un monde beaucoup plus «démondialisé», quid?
Plus généralement, réfléchir à la manière de maintenir le système électrique en conditions (économiques, climatiques, géopolitiques) dégradées va être de plus en plus d'actualité.
Puisse cet incident espagnol nous y inciter!
Pas de doute, les défis liés à l'électricité ne disparaîtront de si tôt ! Bon, dans le cas du black-out espagnol, il semblerait que Bruxelles et la bourse de l'électricité européenne aient provoqué indirectement et involontairement ce black-out, en exigeant des producteurs de courant vert qu'à la moindre alerte de surproduction, ils stoppent impérativement leur production d'électricité, sans quoi ils sont immédiatement pénalisés et doivent payer pour chaque kWh livré indésirable. Du coup, tous ces producteurs verts espagnols ont stoppé leurs livraisons en quelques minutes, ce qui a entraîné les effets indésirables que l'on sait, un black-out. Puissent ces Messieurs de Bruxelles revoir rapidement leur copie et élaborer une réglementation plus vertueuse !