Amèle Debey

24 janv. 20219 Min

L'invraisemblable désaveu des traitements précoces

Mis à jour : mars 29

Depuis l’avènement de l’Evidence Based, la médecine est devenue une science qui requiert «l'utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données disponibles pour la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient». Si l’urgence de la situation sanitaire a poussé bien des spécialistes à s’absoudre de cette rigueur, tant dans les mesures imposées à la population que dans la mise sur le marché du vaccin, un domaine n’a pas bénéficié de la même indulgence: celui des traitements précoces. Lorsqu’ils sont efficaces, ceux-ci permettent non seulement de sauver des vies, mais également d’éviter la surcharge des hôpitaux tant redoutée, qui justifie la mise sous cloche d’une bonne partie de la planète. On peut donc se demander pourquoi ce qui apparaît comme une résolution des causes et pas seulement des conséquences de la pandémie ne bénéficie pas des largesses pourtant accordées tout au long de cette crise, qui n’est fatalement pas près d’en finir.

© Pixabay

«La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent»
 
Albert Einstein


 
«Je n’ai jamais vu ça. La médecine marche sur la tête!» Le docteur Philippe Saegesser, après 35 ans de métier, s'interroge vivement au sortir d’une séance de conciliation dans laquelle il a joué les modérateurs à l’Hôpital Riviera-Chablais (HRC), début janvier. Le but était de déterminer, avec le collège médical et la direction de l’hôpital, la légitimité de prescrire la molécule controversée hydroxychloroquine au sein de l’institution. Invité à participer en tant que cosignataire de la convention collective des médecins cadres de l’HRC accordant la liberté thérapeutique aux médecins chefs, la question posée mettait en balance le principe de liberté dans l’exercice de la médecine d’une part, avec celui du respect de directives institutionnelles d’autre part.

Au terme d’un débat animé, le jeune retraité n’a pas pu obtenir la levée de l’interdiction de l’hydroxychloroquine (voir notre article à ce sujet). La raison? Le protocole du Dr. Zelenco, qui associe la désormais célèbre molécule à l’azythromicine et au zinc n’aurait pas fait ses preuves. Et pour cause, au moment où le professeur Raoult tente de fournir la preuve de l’utilité de l'HCQ aux moyens de deux études en cours, un article frauduleux paru dans The Lancet met indirectement un terme au processus de validation. Après son retrait des deux études, la molécule ne sera plus en mesure d’être réintégrée dans le protocole. Sabotage organisé par les laboratoires Gilead? Cette hypothèse, largement soutenue par les partisans du directeur de l’IHU de Marseille, mériterait d'être clarifiée.


 
Si le Dr. Saegesser, comme nombre de ses confrères à travers le monde, est en colère, c’est parce qu’il ne comprend plus les règles du jeu de sa profession. Il souhaiterait, comme le prévoient les principes fondateurs de l’exercice de la médecine, qu'on permette aux professionnels aguerris et responsables de déterminer les solutions qu’ils jugeraient les plus adéquats. Dans une situation d’urgence pourquoi ne pas administrer des traitements sans risques, déjà utilisés depuis des dizaines d’années dans le monde et en tirer ensuite les conclusions qui s’imposent? Face à lui, d’autres s’obstinent à se référer aux études contrôlées randomisées (RCT ou ECR, en français), qui permettent la vérification la plus sûre et la moins chargée en biais cognitifs de l’efficacité d’un traitement ou d’une mesure. Sauf que ces études, qui prennent du temps, font cruellement défaut.


 
Pour bien comprendre le problème:


 
Au sein même du corps médical, on entend bien des discours contradictoires. Les médecins ne sont pas d’accord entre eux. Et pour cause: deux écoles proposent une méthodologie différente. Il y a ceux qui estiment que la médecine doit être une science exacte basée sur des «preuves», l’Evidence Based Medecine. D’autres défendent la médecine observationnelle, basée sur la compétence clinique, sur l'expérience et le partage des résultats empiriques entre médecins.

«Tout lien entre cause et effet dans les études d'observation est au mieux spéculatif»


 
«Parce que les études d'observation ne sont pas randomisées, elles ne peuvent pas contrôler toutes les autres expositions inévitables, souvent non mesurables, ni les facteurs qui peuvent réellement être à l'origine des résultats», selon HealthNewsReview.org. Ainsi, tout «lien entre cause et effet dans les études d'observation est au mieux spéculatif.»


 
Dans leur guide destiné aux journalistes d’investigation en santé et en médecine, publié par le Global Investigative Journalism Network, Catherine Riva et Serena Tinari (Re-check.ch), préviennent: «Les études observationnelles ne peuvent en aucun cas conduire à une conclusion sur l'efficacité d'une mesure, même lorsqu'une association statistiquement significative semble être établie. Seule une étude expérimentale impliquant un ECR peut établir s'il existe une relation de cause à effet entre l'intervention testée et l'effet observé.»


 
Loin du consensus


 
Si elle est très rigoureuse et offre des avantages pédagogiques certains, l’EBM comporte également plusieurs problèmes: non seulement elle n’est pas infaillible, puisque la plupart de ce qui est publié est faux, comme le faisait remarquer le Pr. Ioannidis dans une de ses retentissantes publication. C’est également une méthodologie aisément corruptible, puisque ce sont généralement les grands groupes pharmaceutiques qui ont le plus de moyens de mener de grandes études.


 
«La médecine a fait des progrès inouïs grâce au fait qu’elle est devenue scientifique. Notre espérance de vie s’est prolongée au cours des 50 dernières années grâce à la science et en partie grâce aux essais cliniques, concède le professeur d’Endocrinologie Maladies Métaboliques à l’Université Paris 13, Gérard Reach, lauréat de plusieurs prix scientifiques. L’EBM, c’est le recensement des essais cliniques pour arriver à une certaine appréhension relative des faits qui soit consistante. Grâce à tous ces essais cliniques, on a une vision cohérente dans un certains nombres de domaines. C’est le triomphe du positivisme d’Auguste Comte.»

«L’EBM est un moyen d’enseigner la médecine et non pas de la pratiquer»


 
«A partir de ces connaissances, nuance cet auteur d’un livre sur l’inertie clinique paru chez Springer, l’étape suivante a été de faire des recommandations de bonnes pratiques. Et c’est moins simple, car il y a une différence énorme entre les essais cliniques qui portent sur des cohortes de patients et qui offrent des données statistiques, et la vrai vie de la médecine, où on soigne non pas une cohorte de patients, mais quelqu’un. Avec l’EBM, on essaie de répondre à une question, quand, dans le soin, on essaie de soigner quelqu’un. L’Evidence Based Medecine constitue un triangle qui rassemble la science, les préférences du patient et l’expertise du médecin. Or, parce que la science a explosé, cet angle a fini par masquer les deux autres (...) L’EBM est un moyen d’enseigner la médecine et non pas de la pratiquer.»

Les études contrôlées randomisées comptent également leurs lots de disfonctionnements, selon Alexander Krauss, de la London School of Economics, qui, dans son étude sur le sujet, estime qu'il faut combiner les méthodes de recherche et que les biais constitutifs des ECR sont largement sous-estimés.


 
Finalement, que l’on soutienne une méthodologie ou l’autre, il faudrait pouvoir le faire jusqu’au bout. Soit tabler sur davantage d’EBM, soit permettre aux médecins de faire leurs prescriptions en fonction de leurs données observationnelles. Dans le cas de la pandémie de Covid-19, on a renoncé à démontrer l’efficacité de façon indiscutable des mesures prises, du confinement au vaccin, sous prétexte qu’il fallait réagir vite. Aucune étude contrôlée randomisée n’a été effectuée sur les mesures sanitaires. La seule étude, danoise, qui portait sur l’efficacité de la protection des masques n’a pas abouti à un résultat concret. Une autre étude, allemande, rapportant les effets indésirables du port du masque chez les enfants et les adolescents, est passée inaperçue. Finalement, le seul domaine qui a été contraint de répondre à cette rigueur toute scientifique, c’est celui des traitements précoces.


 
Le vaccin apparaissant comme la seule véritable solution au problème qui nous occupe, les autres traitements prophylactiques moins agressifs pour l’intégrité physique, tels que la vitamine D, la colchicine, ou encore la dexaméthasone, recommandée par l’OMS pour les patients gravement atteints, ne semblent pas faire partie intégrante de la stratégie sanitaire des autorités.


 
Le vent tourne pour l’ivermectine


 
Parmi les substances déjà sur le marché qui semblent démontrer une solide efficacité contre le Covid-19, l’ivermectine tire son épingle du jeu. Certaines études, dont une méta-analyse conduite par le Dr. Andrew Hill, témoigne d’une baisse de la mortalité de 75% grâce à ce médicament, initialement prévu contre la gale.


 
Un site créé pour défendre l’utilisation de l’ivermectine regroupe les récentes informations la concernant. En effet, ces diverses solutions considérées comme secondaires aux vaccins sont tellement sous-estimées que des particuliers ont entrepris de faire le travail de recoupage nécessaire à une meilleure compréhension de la situation. L’auteur du billet, doté d’une formation médicale, écrit notamment: «Sur le plan méthodologique, il existe donc pour l’ivermectine ce qui manquait à l’hydroxychloroquine, ces fameux ECR qui fournissent un meilleur niveau de preuve scientifique. Ensuite, contrairement à ce qui s’était produit pour l’hydroxychloroquine, les conclusions des ECR ne sont pas contredites par celles des essais observationnels: l’ivermectine est efficace, selon la quasi totalité des articles publiés ou ‘prépubliés’, qu’il s’agisse d’ECR, d’essais observationnels ou de séries de cas.»


 
Si bien que le très sérieux National Institute of Health américain (NIH) a modifié ses recommandations concernant l’ivermectine, passant de «contre» à «ni pour, ni contre». Pour certains, il s’agit du signe que le vent est en train de tourner et que l’OMS s’apprêterait lui-aussi à faire marche-arrière sur le traitement.

«L'ensemble des données des essais soutenant l'ivermectine est sans précédent»


 
«L'ivermectine est l'un des médicaments les plus sûrs, les moins chers et les plus largement disponibles au monde, a fait remarquer le Dr. Pierre Kory, président de la Front Line covid-19 Critical Care Alliance (FLCCC). Les études que nous avons présentées au NIH ont révélé des niveaux élevés de signification statistique montrant un avantage de grande ampleur dans les taux de transmission, le besoin d'hospitalisation et la mortalité. De plus, l'ensemble des données des essais soutenant l'ivermectine est sans précédent (...) De nouvelles études continuent d'arriver, et au fur et à mesure qu'elles sont reçues et examinées, nous espérons que la recommandation du NIH pour l'utilisation de l'ivermectine sera la plus forte possible».


 
Des chercheurs de l’Université d’Oxford s’attèlent désormais à réaliser une étude à grande échelle sur l’ivermectine. Les bons résultats de la molécule, en particulier dans les pays en voie de développement, ont contribué à motiver cette démarche, selon le Times.


 
Une première en Suisse


 
A l’hôpital Riviera-Chablais, il semble qu'une solution de traitement précoce semble se dessiner: «Pour l’ivermectine, après revue de la littérature et concertation avec les responsables médicaux de l’institution, la situation n’est pas aussi claire au niveau scientifique qu’elle ne l’était pour l’hydroxychloroquine, admet le porte-parole de l’établissement. Il n’existe pas à ce stade d’évidences scientifiques indiscutables que ce médicament ait un effet ou non dans le traitement des patients atteints de Covid-19. En conséquence, l’HRC en tant qu’institution n’interdit pas formellement à ses Permanences médicales l’utilisation de ce médicament pour le moment, jusqu’à preuve de son inefficacité, prouvée par des études suffisamment robustes.»


 
Mais si l’hôpital autorise le traitement, elle tient à ce que ses employés soient les plus discrets possibles à ce propos. Bien mal en a pris au médecin à la source de cette demande, qui s’était réjouit publiquement de ce qu’il considère comme une décision avant-gardiste de la part de sa direction: «En aucun cas l’HRC ne promeut l’utilisation de ce médicament pour les patients ambulatoires pauci symptomatiques, avec un test COVID-19 positifs, assure le porte-parole. Et ceci, contrairement à ce que l’auteur du message paru sur les réseaux sociaux a laissé faussement entendre. La Direction de l’hôpital a ordonné que ce message inexact soit retiré, ce qui a été fait immédiatement. De manière générale, l’HRC ne recommande pas tel ou tel médicament spécifique.»

Décisions à l'aveugle

En gros, certains médecins pensent que, dans la situation de pandémie mondiale qui nous occupe, il faut agir d’abord et conduire les études ensuite. D’autres affirment le contraire: il faut d’abord faire les études contrôlées randomisées et s’assurer de l’utilité d’un traitement ou d’une mesure, avant de les mettre sur le marché. Cette seconde position ne fait sens que si elle est appliquée. Or, on a imposé des mesures sanitaires lourdes à des populations sans jauger de leurs conséquences, ni de leur efficacité. On a validé des vaccins en quatrième vitesse, sans faire les tests suffisants au préalable. En parallèle, on a bloqué l’utilisation de médicaments déjà utilisés par des millions de gens à travers la planète, mais qui ne représentent aucun bénéfice pour les labos pharmaceutiques. Le deux poids deux mesures est flagrant.

«La démarche, face à l’urgence de santé publique auquel la collectivité est soumise devient révélatrice d’un changement d’orientation radical, estime le Dr. Saegesser. Plutôt que de donner la priorité des efforts et des moyens à traiter les patients malades, le choix a été fait de promouvoir une campagne de vaccination de masse sur des personnes saines dans l’espoir de protéger les personnes vaccinées de l'agent pathogène.»


 
Des questions en suspens


 
Que fait-on lorsqu’il n’y a aucune données, puisqu’on est face à une maladie émergente? L’EBM est-elle encore la meilleure voie à emprunter en situation d’urgence? Si la réponse est oui, alors nos dirigeants doivent exiger de leurs conseils scientifiques et autres task forces la même rigueur et les mêmes études sur le port du masque et le confinement. Si la réponse est non, alors nous devons aux malades de leur permettre d’essayer les traitements conseillés par leur médecin. A condition, bien sûr, que cette crise soit davantage sanitaire que politique.


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