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Sea Shepherd: «La Suisse est l’un des moteurs de la surpêche»

Dernière mise à jour : 20 févr.

L’ONG Sea Shepherd jouit d’une popularité croissante depuis les années 80, grâce à ses méthodes musclées qui ont valu à son équipage d’être assimilé à des pirates protecteurs des mers. Aujourd’hui, des désaccords idéologiques internes secouent l’organisation qui s’est scindée en deux. Le fondateur, Paul Watson et l’antenne américaine sont en guerre. L’Impertinent est allé à la rencontre de Peter Hammarstedt, l’un des capitaines de Sea Shepherd Global et responsable des campagnes, afin de tenter de comprendre comment ces «héros écolos» ont bien pu en arriver là.

Peter Hammerstedt
© Simon Ager/Sea Shepherd Global


Amèle Debey, pour L’Impertinent: Comment décririez-vous Sea Shepherd?


Capitaine Peter Hammarstedt: Sea Shepherd est une organisation internationale de conservation marine basée aux Pays-Bas, qui dirige une flotte de bateaux destinés à protéger la vie marine et ses habitats autour du globe. Des lois de protection des océans existent, mais selon nous c’est leur application qui laisse à désirer. Quand des gouvernements manquent de volonté politique ou de moyens économiques pour contrer la pêche illégale ou d’autres crimes environnementaux, Sea Shepherd comble ce vide.


Comment l’organisation est-elle financée?


Nous fonctionnons exclusivement grâce à des dons. Nous avons une base de soutien, petite mais très dévouée et nous dépendons de donateurs mensuels, ainsi que de dons plus importants, notamment de la part de fondations. Nous n’acceptons pas d’argent de la part des gouvernements.


Notez-vous un accroissement de l’intérêt du public pour ce genre de causes dernièrement?


Oui, Sea Shepherd ne cesse de grandir, notre présence s’accroit partout autour du monde. Je suis actuellement en Allemagne, pour une campagne sur la Mer Baltique, où nous confisquons les filets de pêche illégale. Nous sommes actifs ici, en Italie, en Suisse, dans huit pays d’Afrique, en Australie et aux Etats-Unis. Un peu plus tous les ans.


Que faites-vous en Suisse? Nous n’avons pas d’accès à la mer...


Sea Shepherd reçoit beaucoup de soutien depuis la Suisse, malgré le fait que le pays soit enclavé, parce qu’énormément de Suisses ont une connexion avec l’océan. La Suisse est le foyer de beaucoup de marins et de plongeurs.


Il y a une autre raison: la Suisse est le plus gros consommateur de poissons d’Europe par habitant. C’est pourquoi notre présence ici est très importante. Non seulement le soutien est là, les Suisses se soucient passionnément des océans, mais aussi parce que la consommation de poisson en Suisse est l’un des moteurs de la surpêche.

Campagne sur la Mer Baltique. © Katie Mähler et Sean Romanowski/Sea Shepherd


Pourquoi est-il si important de protéger les océans?


Nous avons un problème massif de surpêche au niveau mondial. L’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture estime que les pêcheries sont exploitées à leur maximum, voire surexploitées. A la tête de ce problème de surpêche se trouve la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (IUU), qui est responsable de 20% de la pêche globale. Si nous parvenions à éradiquer l’IUU, nous abaisserions la pression sur les océans de 20%.


Plus de la moitié de la population mondiale vit au bord d’une côte, en particulier dans les pays en voie de développement, et dépend directement de la pêche pour survivre. Il y a donc un lien direct entre la qualité de vie de ces gens et ce qu’il se passe au large.


Et puis, nous dépendons des océans pour l’air que l’on respire. Les gens comprennent très bien l’importance de la Forêt amazonienne, ou du Bassin du Congo, mais l’océan produit la moitié de l’oxygène sur Terre. Il est donc capital de le protéger.


Tout en sachant qu’une grande partie est en zone de non-droit?


Tout à fait. Environ 60% des océans du monde tombent sous une certaine forme de juridiction, donc d’un pays avec des bases légales et des autorités pour faire respecter la loi. Ce qui laisse 40% de ce que nous appelons la «haute mer», qui est un peu le Far West, où rien n’est régulé parce que plusieurs juridictions se chevauchent. C’est là que l’on trouve beaucoup de crimes maritimes.


Nous y allons aussi. Il y a quelques années, Sea Shepherd surveillait une flotte chinoise de 600 bateaux qui traquaient le calamar au large de la réserve maritime des Galapagos. Cette flotte n’était pas en conformité avec les législations existantes, certains bateaux avaient des antécédents d’exploitation des travailleurs, de fraude d’identité et un manque flagrant de transparence sur ses activités.


Récemment, 67 pays ont ratifié le traité international sur la protection de la biodiversité en haute mer des Nations unies, y compris la Chine. Pensez-vous que cela va changer quelque chose?


C’est un bon début. Cela place les bases de l’agenda politique international. Mais à nouveau, le défi de toutes ces lois internationales est de les faire appliquer. Ces institutions intergouvernementales ne peuvent agir que lorsque la mobilisation est unanime. Le problème s’est posé avec la flotte qui traquait les calamars que j’ai mentionnée tout à l’heure: il y a un organisme de gestion régional responsable de la surveillance de cette pêche, mais il suffit qu’un seul des pays concernés s’oppose aux mesures de conservation pour qu’elles tombent à l’eau.


Nous observons que dans beaucoup des forums internationaux, soit la République populaire de Chine n’est pas présente, soit elle s’oppose aux mesures de conservation. Ce qui bloque le processus. Le vrai challenge est là.


Il semblerait que les pays membres de l’Union européenne soient très loin d’être exemplaires dans le domaine de la préservation des mers et des océans, non?


Concernant la pêche illégale, la République populaire de Chine possède la plus grande flotte au monde et bat tous les records en termes de conséquences pour la biodiversité marine. Mais si l’Union européenne était un pays, elle serait à la seconde place.


Nous voyons des pouvoirs européens s’opposer aux mesures de conservation également. L’Espagne en particulier s’oppose à toutes les mesures destinées à protéger les requins. Ce qui fait qu’un tiers des espèces de requin est désormais en danger d’extinction. Certaines ont dégringolé de 90% dans les 50 dernières années.


«L’Espagne est une plaque tournante internationale gigantesque dans le trafic d’ailerons de requins»

Tout cela à cause du fait qu’ils sont pris dans les filets de pêche par erreur, mais aussi à cause de leur massacre volontaire pour leurs ailerons. Et c’est la flotte de pêche espagnole qui en est responsable.


L’Espagne est une plaque tournante internationale gigantesque dans le trafic d’ailerons de requins. Bien que les gens soient conscients du fait que l’on consomme de la soupe aux ailerons de requins comme un mets raffiné, le fait que ces animaux soient capturés par des bateaux espagnols et transitent par l’Espagne pour terminer en Chine peut en étonner plus d’un.


Il existe une initiative citoyenne destinée à faire cesser la vente d’ailerons de requins dans l’Union européenne, soutenue par certains membres du Parlement européen.


Avez-vous confiance dans les politiciens pour faire changer les choses?


J’ai confiance dans les mouvements sociaux. Quand vous rassemblez une masse suffisamment importante de gens qui rendent les changements inévitables, les gouvernements s’impliquent. Mais c’est toujours à la fin et toujours pour s’attribuer tout le mérite du travail effectué par un groupe de personnes passionnées par une cause. Une majorité de gens en Europe veulent mettre fin au commerce d’ailerons de requins, je pense donc que c’est inévitable que cela arrive, mais je ne sais pas dans quels délais.


Comme pour le commerce de fourrure, je crois que l’on va finir par interdire le commerce d’ailerons.


Pourtant, il y a également des raisons humanitaires de lutter contre la pêche illégale, semble-t-il?


Oui, il est impossible de séparer les problèmes de justice sociale de celles de conservation. Les bateaux de pêche doivent aller plus loin et rester plus longtemps pour attraper du poisson, et cela a un coût. Puisqu’ils ne peuvent pas toucher aux frais fixes comme l’essence ou le matériel, ils diminuent la seule dépense possible, à savoir les salaires.


Ces dernières décennies, nous nous sommes aperçus que les flottes – qu’elles soient de Chine, de l’UE, de Taïwan, de Corée du Sud ou de Thaïlande – engagent des pêcheurs des pays en voie de développement. Il s’agit principalement de travailleurs venant d’Indonésie ou d’Afrique de l’ouest. On leur promet une paie entre 150 et 250 francs suisses par mois, mais les frais de voyage et de repas à bord finissent par leur être déduits. Ils signent des contrats abusifs, qui stipulent notamment qu’un organisme de recrutement des équipages retient l’acte de propriété de leur maison. Donc s’ils n’effectuent pas les années de travail nécessaires, ils perdent leur toit.


On voit toute sorte d’abus en mer. En 2018, on a aidé la police tanzanienne à arrêter un bateau à bord duquel les travailleurs indonésiens étaient régulièrement menacés par le capitaine qui détenait illégalement un pistolet à bord. S’ils n’attrapaient pas suffisamment d’ailerons de requins, on les privait d’eau, de nourriture et on les menaçait de mort avec le revolver.


Les droits humains et ceux des animaux sont donc liés?


Absolument. Ces bateaux de pêche touchent de l'aide financière des gouvernements de Pékin ou de l’UE. S’ils devaient payer leurs employés au salaire minimum, ce ne serait pas rentable pour bon nombre de ces compagnies.


Si on interdisait les subventions et qu’on luttait plus efficacement contre l’exploitation des travailleurs, ces entités ne seraient plus capables de fonctionner et nous verrions une désescalade de la pêche illégale.


Les gens qui sont prêts à violer la loi, à pêcher illégalement des espèces en danger ou dans des parcs maritimes sont les mêmes qui n’auront pas beaucoup de respect pour la vie humaine. Lorsque l’on transgresse une loi, on ne s’arrête généralement pas à une seule.


Les lois qui régissent la pêche illégale sont-elles inhérentes à chaque pays?


Il y a des engagements internationaux venant de certaines volontés européennes d’appliquer certaines lois, mais c’est communément de la responsabilité des pays où l’action a lieu et où sont enregistrés les bateaux. Ce qui pose deux problèmes distincts:


Premièrement, si le bateau arbore le drapeau de la République populaire de Chine et que cette dernière n’a rien fait pour lutter contre la pêche illégale, il n’y a que très peu de possibilité d’action.


Si le vaisseau est surpris en train de pêcher sur le territoire d’un pays en voie de développement, où les ressources économiques sont limitées et que le pays en question ne peut pas patrouiller dans ses propres eaux par lui-même, l’application des lois est un problème. C’est là que les campagnes de Sea Shepherd peuvent faire la différence. Nous avons des partenariats avec huit pays de la côte ouest-africaine qui impliquent que nous mettons nos bateaux et nos équipages à disposition, tandis que le gouvernement fournit les gardes côtes, les militaires, les inspecteurs et toute personne habilitée à arrêter ces bateaux. Et nous patrouillons ensemble.


Vous travaillez davantage avec les gouvernements que par le passé. N’y voyez-vous pas un risque d’entrave aux actions directes qui vous ont conféré une telle aura?


Je ne crois pas qu’il y ait d’actions plus directes que d’arrêter des bateaux de pêche illégale et de retirer de la mer le matériel qui l’est tout autant. Chaque jour qu’un de ces bateaux passe amarré au port, ce sont des dizaines de milliers de créatures marines qui sont sauvées. Certains n’ont même jamais pu aller en mer puisque nous avons agi en amont. Ce sont autant d’abattoirs des mers illégaux mis hors d’état de nuire.


Et quand 90% des poissons sont pêchés dans des eaux territoriales, nous nous devons de travailler avec les gouvernements en question afin de faire appliquer la loi. Lorsqu’il s’agit de pêche illégale en haute mer, en dehors des juridictions nationales, il peut s’agir d’un autre genre d’actions directes.


«Les Africains en ont assez de voir leurs eaux pillées par des Européens»

Il peut s’agir de poursuivre des bateaux, comme on l’a fait avec le Thunder qui a fini par être coulé par son propre capitaine, après une traque de 110 jours. Et on peut se débarrasser du matériel de pêche sans avoir besoin de l’autorisation d’une autorité gouvernementale.


Nous avons l’obligation de constamment choisir la tactique la plus efficace propre à chaque situation.


Pour revenir à l’Afrique, pouvez-vous vraiment vous attendre à une collaboration efficace et durable de la part de gouvernements souvent corrompus?


A chaque fois qu’un bateau de pêche européen est arrêté par les autorités ouest-africaines, quelqu’un est dépêché de Madrid dans les 24 heures pour essayer de négocier la libération du bateau. Selon mon expérience, ces officiels européens n’ont pas le moindre intérêt pour les preuves à l’encontre de ces vaisseaux, tout ce qu’ils veulent c’est les faire relâcher au plus vite.


L’industrie de la pêche a énormément d’influence sur les politiciens européens. Avec nos partenaires ouest-africains, on constate une solide volonté de se pencher sur cette problématique. Nous avons pu mettre 86 navires hors d’état de nuire depuis le début de notre collaboration avec le Gabon, en 2016. Chaque pays a son propre lot de problèmes, mais ceux avec lesquels nous travaillons en ont assez de voir leurs eaux pillées par des pêcheurs étrangers et nous avons été témoins d’actions fortes de leur part.


Sea Shepherd a été accusée de travailler avec Austral Fisheries, des industriels de la pêche en Australie. Est-ce que c’est vrai?


Non. Nous ne travaillons avec aucune industrie de la pêche, uniquement avec des gouvernements et leurs autorités chargées de l'application des lois sur la pêche, ou les autorités des parcs nationaux, les garde-côtes et la Navy.


Au moment de la traque de Thunder, cette entreprise australienne de pêche légale est venue sur place afin de témoigner son soutien moral envers notre opération. Mais nous n’avons pas de partenariat avec Austral Fisheries. Nous leur avons acheté un navire afin de transformer un bateau de pêche en une embarcation qui œuvre pour la conservation et je trouve ça génial.


Concernant Austral Fisheries, il y a également le cas de la mort d’un pêcheur sur un chalutier dans les territoires du nord de l’Australie. Sa famille a attaqué l’entreprise (donc Austral Fisheries) en justice et celle-ci a été condamnée à donner 50'000 dollars à une association caritative. La famille a choisi Sea Shepherd comme bénéficiaire. Austral Fisheries a donc été contrainte de donner cet argent à notre antenne australienne, mais c’était un ordre de la justice. C’est de là que vient cette rumeur.


Paul Watson a été renvoyé du conseil d’administration de Sea Shepherd. Soutenu par les antennes française, ukrainienne, brésilienne, hongroise et calédonienne, il a lancé Sea Shepherd Origins, puis sa propre fondation. Selon Lamya Essemlali, présidente de la branche française, le fondateur emblématique aurait été évincé parce qu’il serait désormais considéré comme trop extrême et qu’il s’opposerait aux partenariats avec les gouvernements. Qu’en est-il?


Paul Watson a soutenu la collaboration avec les gouvernements pendant toute sa carrière. Il y a 20 ans, il a mis en place un partenariat avec le parc naturel des Galapagos durant lequel Sea Shepherd travaillait avec les rangers locaux. En 2016, il a soutenu le travail avec les autorités ouest-africaines. Les archives le démontrant sont toujours disponibles sur les réseaux sociaux. Ce n’est qu’au cours de l’année dernière qu’il a commencé à se montrer critique envers cette démarche, mais cela n’avait pas été le cas par le passé.


«Les propos actuels de Paul Watson sont très différents de ceux qu’il tenait il y a une année»

Je ne lui souhaite rien de moins que bonne chance pour le travail qu’il entreprend contre les baleiniers en Islande et dans les îles Féroé. Cependant, ma position est que la menace la plus importante à l’encontre des baleines à l’heure actuelle n’est pas leur pêche directe, mais la pêche industrielle qui tue 100 fois plus de ces spécimens par an, car elles sont prises dans les filets de pêche, tout comme les dauphins. Selon moi, nous devons nous concentrer sur les causes majeures.


Je pense que les mouvements de conservation ont tout à gagner au fait qu’il y en ait de plus en plus.


Pourtant vous avez attaqué l’antenne française en justice pour les empêcher de continuer à utiliser le nom Sea Shepherd ainsi que le célèbre drapeau de pirate, le Jolly Roger, représentatif de votre cause?


En raison des événements légaux en cours, je ne peux pas commenter cette situation davantage. Tout ce que je peux dire est que le travail de Sea Shepherd Global n’a pas changé. Il s’agit toujours d’actions directes. Je suis actuellement à bord d’un bateau en Allemagne et nous nous apprêtons à retirer un filet de pêche illégale des fonds marins, puis de libérer les animaux qui y sont emprisonnés. Notre travail continue et nos donateurs n’en attendent pas moins de notre part.


C’est toujours le même travail à propos duquel Paul s’est montré très enthousiaste dans le passé, en public comme en privé.


Jolly Roger

Vous auriez publiquement déclaré vouloir changer l’image de Sea Shepherd. Vous démentez également?


L’image de Sea Shepherd est celle de l’organisation de conservation marine la plus efficace du monde. Je ne vois pas en quoi les actions de la Paul Watson Foundation sont différentes: ils photographient et documentent ce qui se passe aux îles Féroé, en Antarctique, afin d’attirer l’attention du public sur ces causes, tout comme nous. Nous partageons les mêmes valeurs.

Nous continuons notre travail et nous avons toujours le même drapeau qui flotte sur le mât de notre navire allemand.


Dans le documentaire Watson diffusé en 2019, Paul Watson se montre très enthousiaste à l’idée de travailler avec les gouvernements. Ses propos actuels sont donc très différents de ceux qu’il tenait il y a une année.


Savez-vous pourquoi?


Ce n’est pas à moi de le dire, je préfère me concentrer sur le travail que nous faisons plutôt que sur les problèmes personnels de Paul. Je préfère parler de ce qui compte vraiment. Tout cela détourne l’attention qui devrait aller vers notre cause.


Vous comprenez quand même qu’il est important pour les donateurs et les futurs éventuels matelots de l’ONG de comprendre ce qui se passe avec cette scission?


Bien sûr. Mais la communication de Sea Shepherd ne souhaite pas commenter ces problématiques, elle veut s’en tenir à parler du travail que nous faisons. Nous le devons à nos donateurs ainsi qu’aux animaux. Nous ne nous mêlons pas aux polémiques sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas à ça que nous servons. Les océans n’ont rien à y gagner.


Revenons donc au travail. Sur les 86 bateaux arrêtés en Afrique de l’ouest, combien ont regagné la mer depuis votre intervention? Sont-ils arrêtés indéfiniment, comment ça marche?


Cela dépend du pays. Certains peuvent s’emparer du bateau, comme celui que j’ai mentionné en Tanzanie, qui avait des ailerons de requins à bord, des problèmes d’abus des travailleurs. Il a été confisqué par l’Etat après un procès et n’a jamais pu retrouver la mer. Cela a également été le cas avec un autre bateau, le Labiko 2, arrêté au Libéria. Celui-ci tuait un demi-million de requins chaque année. Voilà quatre ans qu’il n’a plus pêché. Ce qui correspond à deux millions de requins sauvés grâce à une seule action.


Dans d’autres cas, les bateaux reçoivent une amende et sont relâchés après un procès et un arrangement. Cela peut varier, mais chaque jour que les navires passent au port, ce sont des dizaines de milliers de créatures sauvées. De plus, la présence des patrouilles permet une impulsion de changement sur le plan législatif.


Quand nous avons commencé à travailler au Bénin il y a cinq ans, l’amende maximale prévue par la loi était de 50'000 euros, car la loi n’avait pas été changée depuis des dizaines d’années. Grâce aux trois arrestations que nous avons participé à mener à bien, cette loi a été mise à jour. Lorsque nous avons aidé à arrêter deux autres bateaux il y a deux ans, l’amende a été de 270'000 euros chacun. Les bateaux ont été confisqué par l’Etat, ils étaient encore détenus quand je les ai vus il y a trois mois. Les capitaines ont été jugé par une Cour spéciale et condamnés à onze mois de prison.


Quelles sont vos actions et quelle menace plane sur l’Antarctique en ce moment?


Nous sommes historiquement très efficaces en Antarctique, où nous avons mis un terme à la chasse à la baleine, à la pêche illégale. Mais la plus importante menace pour les baleines à l’heure actuelle est la pêche industrielle. Et particulièrement la pêche au krill.


Il y a là-bas une flotte de douze à quatorze super-chalutiers, chacun de la taille de deux piscines olympiques, qui menacent les baleines indirectement en pêchant leur source de nourriture.


Aucune espèce en Antarctique ne dépend pas du krill pour survivre, directement ou indirectement. Il est très alarmant que ces bateaux s’attaquent à la source de vie d’un écosystème entier. C’est pourquoi il y a un rebond de maturité dans le développement de Sea Shepherd, car nous avons réalisé que nous devions devenir un mouvement qui sauve les océans et pas uniquement les baleines. Ne pas nous limiter à sauver ces mammifères des bateaux à harpon, mais à protéger tout l’écosystème.


Pourquoi pêchons-nous le krill en masse?


Il y a trois industries qui en profitent, chacune d’elle est totalement superflue. Il s’agit de la création de supplément alimentaire riche en Omega 3, alors qu’il y a des alternatives à base de plantes. La raison pour laquelle le krill est riche en Omega 3, c’est qu’ils se nourrit de plancton. Nous pourrions aller directement à la source plutôt que de détruire le krill au passage.


Il est également utilisé comme additif par les fermes piscicoles pour nourrir et faire roser la peau des saumons. Puis il est utilisé dans la conception de nourriture pour chiens et chats.


C’est totalement fou pour moi de voir tous ces énormes bateaux se rendre aux confins du globe pour détruire une espèce aussi critique dans l’écosystème, tout ça pour des suppléments alimentaires, de la coloration et de la nourriture pour animaux de compagnie. C’est absolument insensé.

 

La bande-annonce du documentaire Watson:

Pour regarder le film, c'est par ici (inscription obligatoire, mais gratuite).

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