Amèle Debey

11 déc. 20203 Min

Pourquoi Swissmedic reçoit-elle de l’argent de Bill Gates?

Mis à jour : mars 29

Depuis 2015, l'autorité d'autorisation et de surveillance des produits thérapeutiques en Suisse touche de l’argent du créateur de Microsoft, au travers de sa fondation. En 2020, c’est près d’un million de dollars qui ont été reçus par Swissmedic, dans le cadre d’une collaboration reconduite pour trois ans. Dans le contexte actuel, il convient de s’interroger sur ce lien financier entre une entité publique et une fondation privée.

© Instagram de Bill Gates

L’affaire est passée inaperçue, mais elle est officielle: en décembre 2015, Swissmedic et la Bill & Melinda Gates Fondation (BMGF) ont discrètement signé leur première convention de financement. La première mais non la dernière, puisqu’en février 2020, l’institut suisse des produits thérapeutiques a annoncé que la collaboration serait poursuivie sur les trois ans à venir. En tout, la BMGF a donné plus de 2 millions de dollars à Swissmedic depuis 2015.

Pourquoi donc l’autorité suisse chargée de distribuer les autorisations de mise sur le marché des médicaments reçoit-elle un financement d’une fondation privée? Selon le porte-parole de Swissmedic, Lukas Jaggi, «cela n'a rien à voir avec les autorisations de mise sur le marché (AMM) pour la Suisse. C'est notamment la formation des autorités dans les pays d’Afrique subsaharienne (en collaboration avec l’OMS) qui est financée depuis 2015 par la fondation, explique-t-il. La Suisse et la Fondation Bill et Melinda Gates ont décidé de travailler ensemble pour renforcer les systèmes réglementaires et ainsi améliorer l'accès aux soins de santé.»

C’est peu connu, mais Swissmedic, organisme rattaché au Département fédéral de l’Intérieur, est également active à l’international. En 2013, le Conseil fédéral l’a autorisée à mener à bien des projets dans le domaine de la coopération au développement, en collaboration avec la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC) et/ou avec des organisations d’utilité publique. Cependant, les Sept sages ont posé des conditions: le financement des activités doit être garanti par les ressources financières de la Stratégie de coopération internationale 2013-2016 (de la DDC) et/ou celles des organisations d’utilité publique. Et surtout, «l’indépendance et le fonctionnement de Swissmedic ne doivent pas être mis en péril par ces activités.»

Désormais, Swissmedic est donc présente en Afrique, notamment via un programme d’harmonisation de la réglementation des médicaments (AMRH), dont le but est «l’amélioration et l’accélération de l’accès aux soins de santé et aux produits thérapeutiques pour les populations des pays à revenu faible et intermédiaire». De plus, l’un des trois projets consiste à «permettre à des représentants des autorités réglementaires de ces pays ainsi qu’à l’OMS d’accéder à la procédure d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de Swissmedic et à sa procédure de délivrance d’avis scientifiques», peut-on lire sur le site. L’institut helvète propose également des formations destinées aux autorités en charge des permissions réglementaires.

«Une fois par an, Swissmedic organise un atelier de formation portant sur les bonnes pratiques de fabrication (BPF). Il s’adresse aux inspecteurs des BPF des autorités étrangères, peut-on découvrir sur son site officiel. Dans le cadre de sa collaboration avec l’OMS et avec la DDC, Swissmedic épaule les inspecteurs des communautés économiques régionales d’Afrique en participant à cet atelier. L’OMS prend en charge les frais et l’organisation du voyage des participants sélectionnés.»

C’est donc dans ce cadre que la BMGF entre en jeu. Cette année, ce sont 900'000 dollars qui ont été versés à Swissmedic, comme on peut le lire sur son site. Cette somme «servira exclusivement à financer les activités prévues, entre février 2020 et mars 2023», précise Swissmedic. En 2015, l’aide financière de la fondation s’élevait à 1'332'000 dollars.

Reste à savoir si l’indépendance de Swissmedic, condition sine qua non imposée par le Conseil fédéral en 2013, est assurée. «Je comprends les questions qui nous parviennent depuis l'émergence des théories de conspiration sur la pandémie, anticipe Lukas Jaggi. Les soupçons sur une éventuelle influence extérieure ne sont pas fondés. Depuis le début de l'aide au développement, en 2014, toutes les activités ont été accompagnées d'une grande transparence.»


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