Amèle Debey

23 nov. 202013 Min

Covid-19: une débâcle évitable?

Mis à jour : mars 29

Parmi les nombreux discours contradictoires, quels sont les faits indiscutables? Les chiffres qui servent à définir une pandémie, autant que les «cas» annoncés jour après jour pour justifier la continuité des mesures de précaution sont sujets à caution. Les décisions semblent être prises sur des prévisions alarmistes qui ne se sont pas réalisées. La «deuxième vague» serait-elle davantage une figure de style rhétorique qu’une réalité épistémologique? Face au quotidien des soignants, plusieurs questions subsistent: pourquoi n’a-t-on pas traité les infectés dès l’apparition des premiers symptômes, afin d’éviter l’engorgement des hôpitaux qui justifie actuellement le retour de la panique ambiante? Les pays occidentaux ne réagissent-ils pas comme des enfants gâtés face à ce virus, dont on semble incapable de juger froidement de la gravité?

© Pixabay

Dès l’apparition du Sars-Cov2, fin 2019, on traque le virus partout et à grande échelle. Alors forcément, on le trouve. Si nos gouvernements occidentaux ont tardé à prendre conscience de l’ampleur du problème, ils ont depuis rattrapé leur retard et sont mêmes allés très (trop?) loin en imputant à ce virus une responsabilité qui semble aujourd’hui démesurée lorsqu’on le met en perspective avec les autres causes de mortalité sur la planète. Pour bien comprendre le problème auquel notre société est confrontée, sur tous les plans, quelques interrogations méritent d’être soulevées:

Qu’est-ce qu’une pandémie?

Depuis 2010, l’OMS estime qu’une pandémie est la «propagation mondiale d’une nouvelle maladie». C’est plutôt large et abstrait. Que se passe-t-il si tous les pays du monde ne sont pas touchés? (fin octobre, Taïwan passait son 200e jour sans relever de cas infectieux, sans parler des pays d’Afrique subsaharienne, qui semblent avoir été à peine frôlés par l’épidémie). Auparavant, l’Organisation mondiale de la santé semblait plutôt tendre vers une autre définition, plus précise, qui se mesurait au taux d’attaque (% de personnes infectées), taux de létalité (% de personnes décédées sur la population infectée) et taux de surmortalité (% de décès supérieur dû à la pandémie). Nous verrons plus loin pourquoi ces chiffres sont difficiles à établir et en quoi la précision du vocabulaire employé est capitale.

Quid de la deuxième vague?

En juillet, le Professeur Beda Stadler, biologiste moléculaire suisse, ancien directeur de l’Institut d’immunologie de l’Université de Berne, écrivait: «Le virus est parti pour l'instant. Il reviendra probablement en hiver, mais ce ne sera pas une deuxième vague, juste un rhume.» Le spécialiste semblait opter pour l’hypothèse de la saisonnalité du virus, plutôt que pour sa résurgence. A l’image de la grippe. Là aussi, le sens des mots est important.

Selon plusieurs spécialistes, dont le désormais célèbre Professeur Raoult, il ne s’agirait pas d’une deuxième vague, mais d’un virus différent, qui aurait muté et des variants. Opinion partagée en partie par le Professeur Gilbert Greub, Chef de Service et Directeur de l'Institut de Microbiologie du CHUV: «Une augmentation de cas significative sur une période donnée, correspond à une vague épidémique. Que ce soit la première ou la deuxième vague, elle est due au SARS-CoV-2, et même s’il y a des mutations, cela reste le même virus, explique ce spécialiste. En effet ce virus ne change pas si rapidement pour qu’on dise que c’est un nouveau virus qui cause la seconde vague, même s’il est différent puisqu’il accumule quelques mutations par mois. Bien entendu, les mutations peuvent modifier le comportement de ce virus, mais, même différent, ça reste un virus de l’espèce SARS-CoV-2. Les différences entre les espèces de coronavirus sont beaucoup plus importantes que les mutations qui séparent les virus circulant lors de la 1ère et la 2ème vague; il y a des dizaines d’années d’évolution entre des espèces différentes de coronavirus.»

Selon Christophe de Brouwer, ancien président de l'École de Santé publique à l’Université libre de Bruxelles, qui suit la situation de très près et propose des analyses sur son compte Facebook: «On peut simplement dire que cette deuxième poussée épidémique est précoce dans la saison, d'importance très différente selon les pays. Elle ne se différencie en rien de celles des grippes hivernales, tant en durée, qu'en infectiosité, en létalité ou en mortalité.»

En somme, la situation n’est pas claire. Ce qui est sûr, c’est que le concept d’une «deuxième vague» est justifié par l’augmentation des cas identifiés par les tests PCR, désormais accessibles, contrairement à la première poussée du virus en début d’année. Seulement, ces tests font l’objet d’une solide controverse quant à leur efficacité et leur sensibilité qui rendraient impossible de déterminer le taux d’attaque réel.

Ces «cas positifs», que veulent-ils dire?

«Les ‘cas’ qui apparaissent dans la statistiques sont les personnes pour lesquelles un test COVID-19 a été confirmé en laboratoire, explique l’OFSP. Selon nos recommandations, doivent être testées les personnes qui présentent des symptômes compatibles avec le COVID-19 (…) Donc si les critères de test sont respectés, les personnes testées positives qui nous sont déclarées sont avec une haute probabilité infectées et contagieuses.»

Le nombre de «cas» nous est annoncé pratiquement tous les jours, comme une sentence à notre insouciance. Nos gouvernants se basent sur ce nombre pour décider des sanctions à adopter. Il fait même figurer la Suisse romande parmi les plus «mauvais élève» (pour rester sur le champ lexical paternaliste) d’Europe. Mais cet élément est répété à l’envi sans aucun recul, ni analyse, et sans expliquer que les différences d’une région à l’autre peuvent venir des différences de dépistage pratiquées en laboratoire.

«Ce ne sont pas des 'cas', ce sont des 'tests', tonne la docteure Astrid Stuckelberger, scientifique, chercheuse et enseignante en Santé publique depuis 20 ans à la Faculté de médecine de l'Université de Genève. Ajoutons que la même personne peut être testée plusieurs fois sans être malade. Ce ne sont pas de facto des 'cas' infectés et/ou morbides. C'est donc à partir de tests non fiables, que l’on prétend détecter des cas, majoritairement pas malades, mais qui sont relayés comme des 'cas infectieux' dans la presse. L’utilisation transférée de 'test' à 'cas' induit des erreurs en chaîne, tant décisionnelles que médiatiques avec des interprétations fallacieuses. Si l’OFSP est en incapacité de donner le nombre de 'test par personnes', il n’a pas non plus donné clairement le nombre de 'cas guéris'. C’est parce que ceux-ci sont comptabilisés dans les ‘cas‘ interprétés comme toujours infectieux, sur lesquels on communique régulièrement. Les statistiques sont imprécises et incomplètes. Les conséquences de cette confusion sont désastreuses puisqu’elles conduisent ainsi à des décisions de santé publique injustifiées.»

«L’OFSP communique les annonces de nouveaux cas reçus dans les 24 heures. Dans la statistique consultable en ligne, les ‘cas’ sont attribués aux dates respectives du test de ces cas. Nous ne disposons pas de chiffres sur les ‘patients guéris’», indique l’Office fédéral de la santé publique.

Validité des tests PCR remise en question

Ces tests PCR donnent des résultats en fonction du cycle d’amplification qu’ils utilisent. En d’autres termes: on effectue, à mesure des cycles d’amplification, une sorte de zoom sur le génome ARN du virus isolé afin d’en déceler des parties. Plus on fait de cycles et plus on décèle des traces infimes du virus, qui ne seraient plus, selon Astrid Stuckelberger, ni pathogènes, ni infectieuses. Puisqu’on peut également les détecter chez des patients infectés qui sont déjà parvenus à vaincre le virus et qui ne sont donc plus contagieux. L’OFSP recommande entre 40 et 45 cycles d’amplification, mais ces cycles sont fixés par les laboratoires en fonction de l’appareil.

«Ce qui est important, est de déterminer s’il y a présence d’ARN viral dans le frottis et d’évaluer de manière semi-quantitative la charge virale en regard de la clinique et/ou du jour probable de l’infection, explique le Dr Pierre-Alain Menoud, d’Unilabs. C’est faire fausse route que de se focaliser sur la méthode d’analyse et de se référer à des articles ‘médico–scientifiques’ qui occultent complètement l’aspect clinique et la méthode de prélèvement, la méthode d’analyse PCR, le nombre de gènes viraux ciblés, la limite de détection, le seuil de positivité etc.»

Nous avons soumis cette explication à un expert international des PCR*, notamment témoin dans plusieurs affaires pénales à ce sujet en Suisse, et qui a donc souhaité rester anonyme: «Tout d'abord, il n'est pas possible que les % de tests positifs évoluent réellement de haut en bas comme cela. (…) Cela suggère fortement que le taux de faux positifs opérationnels est d'au moins 5%. Nous pouvons dire avec certitude que les données ne sont pas fiables. Le gouvernement britannique a admis qu'il ne pouvait pas indiquer quelle fraction des tests positifs est authentique ou pas. (…) Le fait de prétendre qu'il s'agit d'une urgence sanitaire ne justifie en aucun cas une science bâclée.»

Cet expert britannique reconnu veut pour preuve de ce qu’il avance le cas du Royaume-Uni, qui a récemment détecté 35'000 nouvelles infections en une journée, suite à des tests PCR. Dans un second temps, la même semaine, l’armée a effectué 60'000 tests Innova à flux latéral pour l’antigène du virus, «dont la sensibilité a été prouvée, afin de trouver toute personne produisant une culture de virus positive à partir d'un échantillon». Ce dépistage de masse a été organisé à Liverpool, cluster le plus important de tout le pays, et a eu pour résultat de prouver que personne n’était porteur du virus. «Puisqu’il existe désormais de meilleures alternatives, nous devons cesser d'utiliser ce test», conclut le spécialiste.

Au total, l’armée a testé 100'000 personnes à Liverpool et a détecté 700 cas positifs asymptomatiques, selon la BBC. Donc 0,007%.

Dans les hôpitaux, puisque le rythme des tests rend impossible des examens plus poussés, on se base uniquement sur les PCR et on part du principe qu’un résultat positif nécessite notamment la mise en quarantaine du patient. «Une hospitalisation est décidée sur la base de l’état de santé du patient, explique Julien Ombelli, directeur médical au eHnv. Les résultats des tests n’influencent donc pas la fréquentation des hôpitaux. Si une personne est positive au COVID-19 mais n’a pas de symptôme nécessitant une hospitalisation, elle devra simplement s’isoler à son domicile pour ne pas prendre le risque de le transmettre à d’autres personnes. Pour nous, ce qui est important c’est de pouvoir déceler le plus possible de patients positifs pour pouvoir les isoler et ainsi casser les chaines de transmission.»

D’où vient la pression sur le système de santé?

Dès fin septembre, la panique a envahi les hôpitaux face à la multiplication des arrivées en soins intensifs. Les établissements romands, qui s’étaient préparés tant bien que mal à un regain de l’épidémie, ont doublé leurs capacités d’accueil. Ils ont finalement tourné autour de 85% d’occupation au plus fort du pic. «Normalement, en Suisse romande, on a 186 lits de soins intensifs certifiés, selon Julien Ombelli. On s’en sort 95% du temps. Actuellement, on a tous doublé nos lits de soins intensifs (320), avec le même personnel.» Cette réalité logistique est indéniable, mais le problème de surcharge des hôpitaux est-il uniquement dû au Covid, ou ne faudrait-il pas, comme le disait récemment Pierre-Yves Maillard dans L’Illustré, «moins culpabiliser la population et investir dans la santé publique»?

Fabien Balli-Frantz résume la situation dans un article pour Bon pour la tête: «Les optimisations de coûts réalisées ces 20 dernières années au niveau du système de santé helvétique se sont traduites par une réduction du nombre d’infrastructures hospitalières. Cette réduction, associée à une démographie croissante, à une population vieillissante et à une demande de soins croissante devrait être considérée comme une raison principale du risque de surcharge du système hospitalier que connaît actuellement notre pays.»

Sur Re-check.ch, Catherine Riva et Serena Tirani rappellent que la question du triage n’est pas une nouveauté et que l’emballement général est quelque peu sorti de son contexte. Des arguments étayés par Christophe de Brouwer: «L'hôpital a connu une évolution paradoxale, explique-t-il. Elle va vers un flux tendu, mais dans un cadre d'hyperspécialisation selon les spécialités médicales, il y a très peu de souplesse. Et donc les travailleurs spécialisés ne sont pas polyvalents, ni interchangeables.»

La surcharge des hôpitaux, et surtout des départements de soins intensifs, est forcément liée aux résultats des tests PCR. Les patients qui étaient autrefois dispatchés dans d’autres secteurs ne le sont plus, puisqu’ils doivent être isolés pour éviter de faire circuler le virus. «Normalement, on ne reste pas aux urgences, explique Astrid Stuckelberger. C’est une gare de triage. Mais si tous les autres trains sont arrêtés et qu’il n’y a plus qu’un train disponible, celui-ci finit par déborder. Lorsque vous venez à l’hôpital pour autre chose que le Covid, et que vous êtes testé positif, on vous garde et vous êtes isolé. Par exemple, une étude que nous avons menée aux urgences avait montré qu’en temps normal, 60% des personnes âgées se présentant aux urgences rentraient à la maison. Maintenant,, avec le test positif, elles y restent. Tout le système de santé s’est embrouillé sur les prémisses de ce test.»

L’imbroglio de l’hydroxychloroquine

Les patients Covid qui s’accumulent dans les hôpitaux auraient-ils pu être soignés en amont? A l’heure actuelle, les médecins traitants renvoient les patients atteints chez eux avec du paracétamol, en quarantaine, jusqu’à ce que ça passe, ou que leur état se dégrade suffisamment pour nécessiter une prise en charge hospitalière. Une solution existait aux permanences des Hôpitaux Riviera-Chablais, mais elle vient d’être interdite: il s’agissait de la trithérapie hydroxychloroquine, azytromicine et zinc.

Dans une lettre ouverte destinée aux médias francophones, Jacques Pollini, chercheur en sciences sociales à l’université McGill de Montréal, résume la situation ainsi: «Toutes les études cliniques testant la combinaison hydroxychloroquine/azithromycine (HCQ/AZI) sur des patients COVID1-9 en ambulatoire (non hospitalisés) et quelques jours après déclaration des premiers symptômes montrent un effet positif. Malgré ces premiers résultats encourageants quant à l’efficacité du traitement et l’absence de preuve de son inefficacité, les personnes qui ont mis au point ce traitement et qui l’utilisent sont harcelées tant par les médias que par les autorités, notamment aux USA et en France.»

Carte du monde de l'utilisation d'Hydroxychloroquine. © DR

L’interdiction de cette molécule utilisée depuis des années, sous prétexte qu’elle n’aurait pas fait ses preuves, pose questions. Comment prouver son utilité si on s’interdit de l’utiliser? Comment expliquer également que les médecins qui en font la promotion soient censurés par les algorithmes de Google, YouTube, Twitter ou Facebook, comme le relève le professeur Pollini?

Ce qui est sûr, c’est qu’à contrario de la campagne de dénigrement massive infligée à l’hydroxychloroquine, le Remdésivir de Gilead a été largement surestimé et mis en avant par les autorités. En contradiction avec des médecins, qui étaient nombreux à dénoncer son inefficacité, son prix et ses effets secondaires. L’OMS a finalement cessé de recommander le produit officiellement le 20 novembre.

Une mortalité en dessous des prévisions

Relativiser la gravité du Covid est devenu un crime de lèse-majesté. Les esprits s’échauffent car dominés par l’émotion d’avoir un proche – ou plutôt le grand-père d’un proche – qui en a souffert. Personne ne néglige la gravité du virus, mais il est important de prendre du recul, de sortir des cas particuliers et de regarder the big picture. C’est du moins la rigueur qu’exige la science, en temps normal.

Car la santé passe aussi par une certaine sérénité d’esprit. C’est «un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité», rappelle l’OMS. Une définition qui est passée à la trappe tout au long de cette crise. Nous avons donc collectivement basculés dans une culture de la maladie, puisque désormais il convient, pour certains médias publics, de se concentrer sur le taux de mortalité des personnes à risques, qui ont dépassé la moyenne d’âge, en s’exonérant du travail de mise en perspective de ces chiffres.

© RTS

Le très sérieux Center for Disease Control américain (CDC) a essayé de tempérer les choses dans sa dernière publication, démontrant que le taux de mortalité se situerait, dans son scénario le plus probable, à 0,26%. Quant à savoir s’il s’agit de décès DU Covid ou AVEC le Covid, la question reste en suspens en Suisse, puisque l’OFS, qui se base sur les indications de l’OFSP, indique qu’«il s’agit de cas de décès ‘en lien avec une infection au COVID-19 confirmée en laboratoire’. Le lien de causalité n’est donc pas explicite.»

Mortalité en Europe en 2017 et 2020. © Euromomo

Contagion de la peur et mesures discutables

Désormais, la situation semble aller en s’améliorant, mais c’est sans compter le risque que la grippe vienne s’ajouter au Covid dans les prochaines semaines. «Les hôpitaux risquent d’être encore surchargés fin novembre, selon Julien Ombelli. S’il y a une addition des patients Covid et grippe et que les deux courbes de Gauss se chevauchent, on continuera à être pleins.»

Une hypothèse fort peu probable pour Christophe de Brouwer, qui fait sans aucun doute partie des «rassuristes»: «Nous vivons dans un bouillon de culture et c'est assez heureux. Lorsque l'organisme est touché par un de ces multiples virus, il augmente globalement sa défense immunitaire et rend une autre infection virale difficile. Vous avez remarqué la faiblesse des épidémies grippales depuis deux ans: est-ce que cela a favorisé l’implantation du Sars-Cov-2? Ceci est à l'état de question.»

Selon ce spécialiste des hépatites virales, les mesures de précaution prises jusqu’ici n’auraient pas eu les bienfaits que l’on se plaît à leur prêter. Notamment le confinement: «Il n'a pas empêché la transmission, mais l'a modifiée. Cette transmission se serait réalisée par cluster, sautant d'une cellule confinée à une autre. La propagation du virus ne fut pas homogène comme à l'habitude, laissant des zones ‘vierges’, des sortes de clusters à l'envers encore susceptibles. Ceci permet d'expliquer les disparités de poussées épidémiques dans un même pays et surtout les différences avec la Suède. Cette dernière fut touchée de façon aussi forte que des pays comme la France, l'Espagne ou l'Italie, mais de façon homogène (…) Lorsqu'on regarde le niveau de l'immunité (humorale) connue en Suède, elle n'est pas franchement différente de chez nous. Mais les ‘nœuds’ de transmission (travail, études, et autres réunions sociales) ont probablement été fortement infectés contrairement à chez nous et ces nœuds font un barrage efficaces. En d'autres termes, je pense que les mesures de confinement de mars-avril ont préparé la poussée épidémique d'aujourd'hui chez nous.»

Courbes de mortalité en 2020. © Euromomo

Bien sûr, puisqu’on voit les courbes s’infléchir à mesure que l’on décide de limiter les déplacements et les réunions, on a tendance à faire un lien de cause à effet. Difficile de savoir s’il est bien réel ou si nous sommes trompés par nos associations.

Réaction humaine

Face à la situation des hôpitaux, qui bénéficient actuellement d’une surmédiatisation, on est en droit de se poser la question: les soignants ne seraient-ils pas enclins – consciemment ou inconsciemment – à un certain phénomène d’exagération face à des problèmes logistiques et financiers qu’ils dénoncent année après année, dans l’indifférence quasi-générale?

S’il reconnaît que la situation «amène une porte d'opportunité pour mettre en plein jour le mal être hospitalier», Christophe de Brouwer nuance: «Le personnel des différents secteurs se décime. Certains travailleurs ont tellement peur qu'ils sont malades. D'autres sont écartés parce que suspectés d'être positif. Dans certains services, la panique aidant, on fait passer un PCR quasi chaque jour, ou au moins plusieurs fois par semaine à tout le personnel. Il y a des équipes qui ne travaillent plus qu'à moitié d'effectif et encore. Et puis la charge de travail est fortement augmentée. Le temps de s'habiller en mode ‘covid’, la lourdeur de l'équipement porté continuellement, la gêne des mouvements ou la petite augmentation de la chaleur corporelle que cela occasionne, font que le travail est encore plus pénible et il est plus lent. Tout cela aggrave, parfois vertigineusement, la charge de travail.»

Pour Julien Ombelli, la réalité n’a pas besoin d’exagération: «Cela fait 20 ans que je suis dans le système médical suisse et je n’ai jamais vécu ça. En temps normal, nous avons 5-6 patients par année qui présentent le même type de pathologie avec un syndrome de détresse respiratoire aigüe nécessitant une intubation, une prise en charge ventrale et l’utilisation de curares, là on en a 6-7 par jours, en même temps.»

Ce virus nous offre donc l’opportunité de réfléchir aux nombreuses problématiques qui font défaut à nos sociétés occidentales. Sans sous-estimer son importance, il convient de ne pas imputer aveuglement tous nos malheurs au Covid, sans prendre conscience des dysfonctionnements systémiques que nous subissons. Ceux-ci ne disparaîtront pas avec le virus.

Lorsque l’on jette un regard froid sur la situation et qu’on l’analyse dans sa globalité, on a de quoi – et on a le droit – de se poser des questions. Au vu des réactions paniquées et totalement dénuées de sang-froid de ceux qui nous gouvernent, on peut se demander ce qu’il adviendra lorsqu’une autre pandémie – autrement plus grave – nous tombera dessus. Si crainte il devait y avoir, elle serait plutôt là!

*identité connue et vérifiée par la rédaction


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