Amèle Debey

7 oct. 20208 Min

Le confinement, cette arme de dissuasion massive

Mis à jour : mars 29

Si l’efficacité de la quarantaine fait débat sur le plan sanitaire, il s’agit en revanche d’une arme redoutable pour convaincre les gens de se plier aux mesures de précaution, tout aussi contestées. La peur d’être contaminé semble s’être soustraite à la peur d’être reconfiné. Il suffit d’écouter la population et ses raisons de suivre scrupuleusement les ordres, sous peine d’être punie. Par sa faute, qui plus est! Puisque, si les cas augmentent, c’est parce que les gens n’ont pas été assez obéissants. La culpabilisation est, semble-t-il, plus utilisée encore. Personne n’a envie de se sentir responsable de la mauvaise santé des autres, et c’est pourtant ce qu’on nous répète à longueur de journée. Il convient donc de s’interroger sur les conséquences psychologiques d’une telle menace qui, elle, a bien été créée de toutes pièces, volontairement et consciemment.

© PxHere

«Les gens ne comprennent pas que le masque est une privation de liberté moindre que celle qui nous attend si nous ne le portons pas.» C’est, en substance, le discours dominant ces jours-ci. Ce serait la logique implacable qui justifie l’absence de débat autant que la délation, exercice particulièrement prisé dans nos contrées. Sans parler du zèle de certains qui va jusqu’à forcer les femmes à accoucher masquées.

Dans un entretien diffusé sur France Tv Info, Louis Fouché, médecin anesthésiste-réanimateur à l’Hôpital de la Conception, à Marseille, et signataire d’une tribune dénonçant l’incohérence des mesures sanitaires aux côtés de 299 confrères, estime que le reconfinement est un moyen de reprendre le contrôle sur la population: «Ça jugule toute contestation, c’est tyrannique, antidémocratique et ça n’est pas proportionné aux risques de cette épidémie de Covid», tempête-t-il.

Un peu d’histoire

Le confinement est une technique utilisée depuis la Renaissance, comme l’explique Christophe Vuilleumier, historien et auteur de l’ouvrage Les Pandémies à travers les âges, le cas suisse: «La quarantaine est la première et sans doute la plus ancienne stratégie de défense contre les épidémies dont l’efficacité n’a jamais été contestée. Au XVIe siècle déjà, les personnes atteintes d’une maladie contagieuse étaient reléguées à l’extérieur de la cité dans un abri de fortune. Ravitaillées par leurs familles, à distance, on attendait alors qu’elles se rétablissent ou qu’elles meurent, narre-t-il. Les réactions humaines sont largement similaires, hier comme aujourd’hui: angoisse presque eschatologique, démonstrations de comportements incohérents (papier toilette, par exemple, de nos jours), réactions d’égoïsme chez certains et de solidarité chez d’autres, recherche de responsables (au XIVe siècle, on accusait les Juifs et les sorcières, en 1918, on pointait du doigt les Allemands et maintenant les Chinois).»

A l’époque, des mesures empiriques et expérimentales autres que la quarantaine avaient été testées, sans succès. Bien plus tard, c’est finalement le vaccin qui apparaît comme LA solution, avec les polémiques que l’on connaît.

Conséquences psychologiques

En plein pic de l’épidémie, des équipes de chercheurs de l’EPFL et de l’UNIL se sont lancées dans une double enquête, quantitative et qualitative, sur les conséquences du confinement. L’Ecole polytechnique s’est chargée de la première, à l’aide d’un questionnaire soumis à 7000 personnes. L’Université de Lausanne s’est occupée de la seconde. Sous la houlette de la doyenne et psychologue de la santé, Marie Santiago, l’équipe a réalisé l’entretien semi-directif de 70 personnes, dont les résultats n’ont pas encore été publiés, mais partagés avec L’Impertinent:

«La peur du reconfinement dépend beaucoup du profil des personnes, du logement, de l’entourage, du type de travail et des risques financiers, explique Marie Santiago. Celles qui présentent des risques sanitaires craignent davantage la contamination que le reconfinement. Les profils qui ont moins bien vécu la quarantaine sont les femmes isolées avec enfants, les couples avec enfants moins bien logés, les étudiants sans matériel ou connexion adaptés, les personnes âgées à qui on a imposé un isolement social, ainsi que les personnes particulièrement anxieuses, hypocondriaques – dont on parle peu – avec un certain nombre de problématiques psychologiques.»

«La culpabilisation provoque la rébellion ou le rejet»

Dans ses recherches, Marie Santiago a notamment analysé que la vague de rébellion dangereuse annoncée, en grande pompe par certains médias, reste hypothétique: «Plus la communication est brouillée, peu claire et peu convaincante, plus les gens vont se poser des questions. Il y a notamment beaucoup d’interrogations vis-à-vis du vaccin, relate-t-elle. Si on en avait un, les autorités sanitaires devraient faire preuve de persuasion, parce que les gens s’interrogent et se demandent comment on peut proposer un vaccin aussi rapidement, alors qu’il faut minimum dix ans pour le tester. Il y a des possibilités de rébellion par rapport à ces questions. Mais, en l’état, ces groupuscules restent minoritaires.»

Le martèlement médiatique des décisions politiques, entre menaces et culpabilisation, a contribué à alimenter un climat plus anxiogène encore, comme peut en témoigner Marie Santiago: «En psychologie, on sait que la culpabilisation n’est jamais une bonne chose. Jamais efficace, souligne la doyenne de l’UNIL. Culpabiliser les fumeurs ne les a jamais empêchés de fumer. Ce n’est pas ce type de discours qui fonctionne. Il provoque soit la rébellion, soit le rejet, du type ‘c’est pas moi, c’est l'autre’. Cette culpabilisation rend les patients avec un certain nombre de problématiques psychologiques – que ce soit anxiété, hypocondrie, des problèmes de somatisation divers – très anxieux. Je pense notamment à une personne qui ne sort plus de chez elle depuis le mois de mars.»

Et d’ajouter: «Dans les médias français, la rhétorique est beaucoup axée sur la punition. C’est le bâton et non la carotte. Et ce type de discours n’est pas bon. Il est très anxiogène pour les personnes vulnérables, il provoque le côté ‘enfant rebelle’. Je trouve que le discours est plus mesuré dans les médias suisses. Davantage basé sur l’information, la liberté de jugement.

Immunité collective naturelle VS vaccin

La stratégie du confinement, adoptée par la plupart des gouvernements, a rendu impossible celle de la création d’une immunité collective. Pourtant, c’est sur cette même immunité collective que les vaccins vantés par ces mêmes gouvernements fonctionnent. Le paradoxe est ironique!

«Le vaccin conférerait une immunité collective artificielle au travers d’une immunisation collective conférée par le vaccin lui-même, explique le Dr Thomas Pfister, médecin généraliste à Genève. Ça, c’est la théorie. Beaucoup de médecins sont en faveur de laisser circuler le virus un minimum et davantage sélectionner les personnes à risque et protéger ces personnes-là précisément. De telle manière que seules les personnes non à risque puissent développer une immunité collective naturelle, qui du coup protégera les autres, les plus faibles, celles qui sont véritablement vulnérables au virus et risquent de développer une forme sévère voire létale.

«Il est probable qu'un vaccin ne protège pas la population efficacement»

D'autres médecins préfèrent argumenter que seule une vaccination généralisée permettra d'éradiquer le virus, car seule cette vaccination permettra de développer une immunité collective dans la population.»
 

Le docteur tempère cependant: «Beaucoup de chercheurs et de médecins 'conventionnels' argumentent que le virus reste potentiellement 'mutant', un peu comme le virus influenza (grippe saisonnière) et qu'il est probable qu'un vaccin ne protège pas la population efficacement et n'empêche pas complètement le virus de circuler chaque année, aux saisons froides, un peu comme la grippe actuelle.»

La stratégie vaccinale semble donc plutôt risquée, comme l’explique le professeur Eric Bonvin, à la tête des Hôpitaux valaisans: «Quel que soit le vaccin que l’on mettra au point, l’action de celui-ci ne pourra se déployer que par l’intermédiaire d’un système immunitaire efficace. Nous ne savons pas non plus combien de temps cela prendra pour produire des milliards de doses et vacciner des milliards d’humains, probablement des années.

Parler de vaccin à ce stade, sans réellement connaître la capacité de réaction de notre immunité face à ce virus, revient à vanter notre capacité industrielle à le fabriquer avant même de savoir s’il sera efficace et utile. À ce stade, cela résonne plutôt comme un slogan commercial qui, dans son utilité, risquerait bien d’être aussi absurde que ces usines soviétiques qui ne produisaient des chaussures destinées qu’à un seul pied.

Dès lors, parler d’obligation de se vacciner sans savoir si le vaccin est efficace me paraît inapproprié. Mais cela l'est tout autant de rejeter, au nom d’autres croyances, le peu de moyens efficaces dont nous disposons et qui font leurs preuves depuis des siècles, à savoir l’hygiène, la distance interpersonnelle et, dans certaines situations, l’isolement.»

Où en sont les hôpitaux suisses?

En France, on assiste aux prémices d’un nouveau confinement. Les bars et les restaurants doivent fermer sur la base du principe de précaution selon lequel il ne faudrait pas engorger les hôpitaux. En Suisse, ceux-ci n’ont jamais été saturés, puisque certains ont même pu accueillir des patients étrangers. Interrogés, la plupart des services hospitaliers romands semblent avoir la situation sous contrôle, ce qui nous permettrait, selon toute vraisemblance, d'éviter un nouveau semi-reconfinement.

Petit tour d’horizon: aux HUG, il y a aujourd’hui 26 patients COVID hospitalisés. «Notre dispositif prévoit la création de 10 lits de soins intensifs pour faire face à une éventuelle 2e vague, portant le total à 40», nous apprend le porte-parole.

L’Hôpital du Jura disposait de 13 lits en soins intensifs au plus fort de la crise et a mis en place toute une série de précautions afin d’anticiper une 2e vague, telles que la formation d’équipes de renforcement et la coordination nationale entre les centres universitaires et les hôpitaux.


 
A l’Hôpital Riviera-Chablais, il y a actuellement 3 patients hospitalisés COVID. «Au plus fort de la phase aiguë, nous avons ouvert 14 lits supplémentaires de type ‘soins critiques’, avec une possibilité d’augmenter encore la capacité d’un niveau dans le cas où la situation l’aurait exigé», selon le service de communication.

En plein cœur de la crise, le Centre hospitalier du Valais romand comptait 474 lits occupés sur ses 850 lits, dont 147 patients COVID. Au Centre hospitalier du Haut-Valais, 208 lits sur 300 étaient alors occupés, dont 27 patients COVID. «Il n'y a pas eu de lits ajoutés, mais des lits réaffectés aux soins intensifs. De 15 en temps normal pour le CHVR à 23, puis 35, avec la possibilité qui est restée théorique d'aller jusqu'à 47 selon la planification, explique le porte-parole. Pareil au SZO, avec ses 7 lits, puis 16, et qui aurait pu passer à 24 si nécessaire.»

A Neuchâtel, où l’occupation de l’hôpital était globalement plus faible que la moyenne au pic de la crise, ils sont passés de 6 à 17 lits. «Le 30 octobre, nous avions 210 lits aigus occupés (143 à Pourtalès, 67 à La Chaux-de-Fonds) dont deux cas COVID. Nous avons également 9 patients aux soins intensifs/soins continus, dont aucun COVID.»


 
Aux eHnv, 21 lits ont été ajoutés au pic de la crise: 16 lits en médecine et 5 lits en soins intensifs. Les patients atteints du COVID-19 représentent ces dernières semaines entre 1% et 3% des patients hospitalisés aux eHnv.

Le défi de trop?

«En quelques jours, notre société a dévoilé toute la fragilité et le peu de fiabilité de son dispositif fondé sur l’illusion de la maîtrise du monde par la rationalité technique et l’idée que nous disposerions de pouvoirs illimités sur un monde limité», reprend Eric Bonvin, qui déplore que la nouvelle génération soit chargée d’un fardeau supplémentaire: «C’est pourtant bien elle, cette jeunesse, qui devra faire avec cette pandémie dont elle hérite puisque les illusions de grandeur de leurs aînés ne parviennent pas à l’éradiquer! Cette jeunesse n’est-elle finalement pas déjà en route pour les meilleures solutions à donner à cette pandémie: agir avec humilité et tâtonnement dans un monde incertain dans lequel nous vivons et qu’il s’agit de mieux respecter. Ce n’est pas l’intelligence des dispositifs techniques qui nous sauvera de cette pandémie et de celles à venir, mais bien plus la solidarité entre les êtres vivants à laquelle nous appelle notre jeunesse pour les générations à venir.»

«Le peu que nous savons de ce virus, et ce n’est pas le premier, nous indique qu’il provient de la faune sauvage que nous maltraitons, ajoute le médecin spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie. Qu’il se propage incroyablement vite grâce à notre propension aux voyages de masse et que ses principales victimes sont celles qui sont déjà atteintes par des maladies directement produites par le credo de la croissance et de la consommation si cher à notre société: surabondance de sucre et de sel dans l’alimentation industrielle qui conduit à l’obésité morbide, au diabète, aux troubles cardiovasculaires et respiratoires consécutifs à la pollution de l’air de nos cités.»

Lorsque l'on jette un regard sur notre société, dans laquelle il arrive que des émeutes soient déclenchées pour des pots de Nutella en promotion dans les grandes surfaces, entre autres joyeusetés du même genre, une question subsiste: «On est toujours plus intelligents après.» Soit, mais, «après», c’est quand?


Les précédentes enquêtes d'Amèle Debey:

Masques à l'école: quelles conséquences pour les enfants?
 

«Comment a-t-on pu donner autant de pouvoir à cet homme?»

Les EMS survivront-ils au coronavirus?

Le racisme noir sur blanc
 

Le business ancestral de la peur

Covid 19: à qui profite l'obéissance de l'Afrique?

Indépendants, entre résilience et persévérance

    19624
    20