Amèle Debey

3 oct. 20217 Min

Que reste-t-il des droits et devoirs des médecins?

Mis à jour : mars 29

Les professionnels de la santé qui ne sont pas en accord avec la stratégie officielle ont-ils toujours intérêt à laisser exprimer leur esprit critique? L’art de la médecine est-il amputé de sa substance lorsque ses acteurs sont forcés de laisser leurs interrogations – voire même leur expérience clinique – au placard? Par ricochet, n’est-on pas en train d’attenter au droit des patients? La gestion de la pandémie de Covid sonne-t-elle le glas de la pratique médicale telle que nous la connaissions jusqu’ici? Autant de questions auxquelles il est désormais urgent de répondre.

© Pixabay

«Le médecin exerce sa profession avec diligence et au plus près de sa conscience. Il se montre digne de la confiance de la personne qui le consulte et de la société (...) Le médecin se refuse à tout acte médical ou toute prise de position incompatible avec sa conscience.»


 
Ces règles sont tirées de l’article 3 du code de déontologie de la FMH, l’association professionnelle du corps médical suisse, qui est également la faîtière de 26 organisations, comme les sociétés cantonales de médecine. Ce code de déontologie a été adopté par la Chambre médicale suisse en 1997. Or, il semblerait que la pandémie de Covid – ou plutôt sa gestion – vienne mettre à mal les valeurs qui encadrent le monde médical depuis des dizaines d’années. «Ce qu’il se passe en ce moment est en contradiction avec le code de déontologie», confirme Maître Jacques Schroeter, avocat valaisan qui s’est récemment illustré par un courrier au conseil fédéral afin d’obtenir des réponses à certaines incohérences étatiques.

«Le serment du médecin est actuellement confronté à un diktat étatique dangereux pour le patient»


 
Interrogé sur ce qu’il reste des droits et devoir des médecins, un membre de l’étude d’avocats Freddy Rumo explique: «Le serment du médecin est intangible et est actuellement confronté à un diktat étatique dangereux pour le patient. Le médecin qui soigne est responsable envers le patient, alors que l’Etat qui le restreint voire le commande dans sa pratique n’assume aucune responsabilité envers le patient. Cette situation doit être publiquement dénoncée.»


 
Contactée, la Fédération suisse de médecine (FMH) confirme que son code de déontologie est toujours en vigueur. Cependant, elle précise que la conformité de l’annexe 3, traitant de la communication avec les médias, est actuellement remise en question: «Une réflexion est en cours afin d’identifier les éventuels besoins d’actualisation des règles relatives à la communication et l’information publique des médecins et, le cas échéant, d’adapter les règles en vigueur.» Malgré notre insistance, la FMH a refusé de nous en dire plus sur ce qui a motivé cette réflexion, ni sur les conséquences qu’elle pourrait avoir.


 
Mais si l’annexe 3 pourrait ne pas demeurer indemne face à la gestion de la pandémie de Covid, qu’en est-il des autres droits et devoirs des médecins?


 
Liberté thérapeutique


 
La liberté thérapeutique, «c’est la capacité pour le médecin pris individuellement, mais également pour les médecins collectivement, parce que ce sont deux plans différents, de décider ce que sont les bons moyens pour la prise en charge des patients. La liberté thérapeutique du médecin est naturellement nécessaire au bon fonctionnement du système». C’est ainsi que la définissait Dominique Coudreau, Directeur de l'Agence régionale d'hospitalisation de l'Ile-de-France jusqu’en 2003, dans son ouvrage Le gestionnaire de santé et la liberté thérapeutique du médecin. Par exemple, il arrive parfois que les médicaments soient prescris pour lutter contre un mal différent de celui pour lequel ils ont été brevetés à la base. On appelle cela des prescriptions hors AMM (autorisation de mise sur le marché).


 
Or, depuis le début de la pandémie, cette liberté thérapeutique n’est plus appliquée et les prescriptions hors AMM semblent être devenu une raison pour les interdire. C’est notamment le cas de l’Ivermectine.


(Re)lire notre article: L’HRC fait marche arrière et interdit l’ivermectine malgré des centaines de bons résultats


Comme le prouve l’affaire de Rennaz, la liberté thérapeutique n’est plus appliquée en Suisse. Non seulement pour les médecins affiliés à des établissements publics, mais également pour les indépendants.


 
A Genève, médecin et pharmacien cantonal sont montés au créneau pour demander aux praticiens de cesser de prescrire la molécule dans la lutte contre le Covid. Contactée, Aglaé Tardin, médecin cantonale du canton du bout du lac explique: «Le fait que nous avons adressé cette circulaire n'entrave en rien la liberté thérapeutique des médecins. Au contraire. Cette circulaire vise à rappeler la nécessité de se référer à l’Evidence Based Medecine et les connaissances actuelles que nous avons pour lutter contre le Covid, qui évoluent très rapidement. Lorsqu'un traitement est inefficace et que nous avons des évidences scientifiques qui le montrent, nous devons en tenir compte dans nos prescriptions et il peut incomber à l'autorité sanitaire de le rappeler.»


 
Et d’ajouter: «Il est en revanche important que l'Ivermectine reste disponible pour le traitement de la gale et des autres parasitoses pour lesquelles l'efficacité de ce traitement est reconnue.»


 
Confronté à son tour à cette situation, un médecin qui préfère rester anonyme par peur des représailles estime que jamais la médecine n’aurait fait les avancées qu’elle a connues ces 20 dernières années si on avait entravé la liberté thérapeutique des professionnels de la santé. En effet, les exemples de médicaments dont l’utilité a été modifiée au fil de son utilisation et des découvertes scientifiques sont nombreux. Le Viagra était originellement prévu pour lutter contre l’hypertension. Le Motilium, prévu pour stimuler la motricité gastrique, est utilisé pour activer la lactation. Le Rivotril, censé traité l’épilepsie, est utilisé pour soigner des toxicomanes. Initialement conçu pour soigner l’hypertension artérielle, le Minoxidil est utilisé pour augmenter la pilosité.

«L’Etat n’est pas là pour se mêler des relations entre médecin et patient»


 
«Les progrès sont venus des tentatives, parfois malheureuses, de traitement, explique ce médecin vaudois. C’est une question de rapport de confiance entre vous et votre docteur. L’Etat n’est pas là pour se mêler des relations entre médecin et patient.»


 
En France aussi, l'entrave à la liberté thérapeutique des médecins a atteint des extrêmes tels qu’un collectif Laissons les médecins prescrire a lancé un manifeste en ce sens, qui a déjà récolté plus de 117’000 signatures. «Nous demandons que le médecin traitant soit remis au centre du processus de prise en charge des patients, expliquent les organisateurs, et soit la pierre angulaire des démarches sanitaires.»


 
La situation sanitaire a dégénéré en Europe au moment où nous avons interdit aux médecins de soigner leurs patients, renvoyés chez eux avec du paracétamol. Contrairement à la période pré-confinement, lors de laquelle le virus circulait déjà, mais les malades étaient pris en charge.

«Difficile de parler de déontologie dans un tel contexte»


 
L’étude d’avocats Freddy Rumo analyse la situation ainsi: «La justification juridique de tels interdits est hautement douteuse, donc critiquable (...) La campagne de vaccination bat son plein et, la plupart du temps, sans précaution ou information préalables suffisantes s’agissant des effets secondaires possibles, de l’efficacité, de la durabilité, comme de la persistance de la contagiosité des personnes vaccinées. Pour le moment peu de décideurs se soucient des actions en responsabilités qui couvent sous l’étouffement des injonctions, des coercitions, des menaces incessantes. En même temps, on interdit à un médecin qui connaît son patient de lui prescrire un remède en assumant tout normalement sa responsabilité personnelle et professionnelle. On le décourage également, concernant la vaccination à donner son avis. Difficile de parler de déontologie dans un tel contexte.»


 
Liberté d’opinion


 
Ces derniers temps, plusieurs médecins ont été sanctionnés pour avoir exprimé une opinion contradictoire avec la ligne officielle. Même lorsqu’ils sont à la retraite, leur positionnement en dehors du cadre n'est pas sans conséquences. Ainsi, le Dr. Philippe Saegesser a fait l’objet de pas moins de trois articles dans la presse pour avoir exprimé des réticences à l’égard du vaccin Covid dans une vidéo. Il est désormais dans le collimateur de la commission de déontologie qui compte bien l’auditionner pour avoir, notamment, tenu les propos suivants rapportés par 24heures: «Il ne faut surtout pas faire le vaccin chez les enfants. Ils prennent plus de risques à être vaccinés que d’attraper la maladie elle-même. Donc on est dans une folie totale en ce qui concerne la vaccination des jeunes… »


 
Interrogé sur la question, le Dr. Philippe Eggimann, président de la Société vaudoise de médecine, affirme que ce ne sont pas les déclarations de Saegesser qui lui valent d’avoir des problèmes, c’est le fait qu’il le fasse sous la casquette de la Société vaudoise de médecine (SVM), dont il fait partie. «Les positions du Dr. Saegesser sont basées sur des convictions personnelles qui ne reposent pas sur des éléments factuels vérifiés, comme le corps médical en a l’habitude, explique Philippe Eggimann. Nous l’avons enjoint de s’exprimer publiquement à titre purement personnel. Ces positions ont généré des questionnements jusqu’au canton. Nous avons été interpellés sur les réseaux sociaux, ainsi que par nos membres qui nous demandent si la SVM s’oppose à la vaccination.»


 
Fin août, une praticienne du canton de Fribourg a été rappelée à l’ordre dans un courrier officiel pour avoir partagé des contenus en faveur de l’Ivermectine sur son compte Facebook privé. On peut notamment y lire: «Vous renvoyez à des liens qui proposent des traitements non-reconnus en Suisse et, ainsi, vous entrez potentiellement en conflit avec l’article 8 du code de déontologie (sur les pratiques médicales discutables, ndlr). Nous vous remercions de rester attentive au contenu des pages internet en lien avec votre cabinet et de ne pas prescrire des médicaments non-reconnus.»


 
Liberté de conseil


 
Si un médecin estime, en son âme et conscience, que la vaccination Covid n’est pas suffisamment sûre, n’est-il pas de son devoir de l’exprimer? Non seulement à ses collègues, mais aux patients dont il a la charge? En tout cas plus maintenant. A Berne et dans le canton de Vaud, des médecins qui ont déconseillé la vaccination à leurs patients ont été sanctionnés. Selon 24heures, ces punitions peuvent aller de l’avertissement à la suspension du droit d’exercer, en passant par des amendes jusqu’à 20’000 francs.

«L’Ordre des médecins doit protéger les médecins qui revendiquent leur liberté et leur indépendance dans leur pratique»


 
«Les médecins ont la possibilité de recourir contre les décisions administratives, lesquelles doivent respecter la liberté d’opinion, la liberté d’expression et le principe de proportionnalité notamment, explique Maître Rumo Les obliger à procéder, c’est prendre le temps précieux qu’ils doivent aux malades. L’Ordre des médecins doit protéger les médecins qui revendiquent leur liberté et leur indépendance dans leur pratique. Au risque de déplaire aux décideurs politiques.»


 
Mais la pression et les attaques dont sont la cible ceux qui essaient d’exprimer leurs doutes face à leurs collègues semblent être un remède efficace contre l’audace et les interrogations malvenues.


(Re)lire notre article: Le milieu médical et la loi du silence


Secret médical


 
Comme le reste, la notion de secret médical n’est plus qu’un lointain souvenir, puisque notre choix de nous faire ou non vacciner est désormais connu de tous, vérifié et discuté. Dans un arrêté instituant des mesures de protection à l’égard des personnes prises en charge en institution, le Conseil d’Etat du canton de Vaud écrit: «Les institutions peuvent tenir, de manière confidentielle, une liste actualisée de leur personnel vacciné ou guéri, afin de faciliter le contrôle et l’application du dispositif.»


 
Si nous ne sommes plus, en tant que patients, en droit d’attendre de la part de notre médecin qu’il prenne en compte notre individualité dans son diagnostic ou les soins qu’il nous promulgue, s’il ne doit se contenter que d’appliquer les ordres sans nuances, alors qu’est-ce qui empêchera, demain, qu’il soit remplacé par une machine?

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