Amèle Debey

mars 2417 Min

«L’OMS a retenu la mauvaise leçon du Covid en continuant les recherches qui pourraient avoir causé la pandémie»

Mis à jour : avr. 14

Jay Bhattacharya est professeur de médecine, d'économie et de politique de recherche en santé à l'Université de Stanford, en Californie. Il fait partie des scientifiques qui défient le gouvernement américain à propos de la censure de la liberté d’expression lors de la pandémie de Covid. Parmi ses combats, exiger un bilan de la gestion de la pandémie afin d’éviter les mêmes erreurs. Mais Jay Bhattacharya n’est plus aussi confiant. Le traité de l’OMS, les expérimentations scientifiques et le recul des libertés ont de quoi l’inquiéter. Entretien.

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Amèle Debey, pour L’Impertinent: Un an s’est écoulé depuis notre première interview, lors de laquelle vous regrettiez notamment que Stanford ait failli à sa mission académique durant la crise Covid. Des positions similaires ont valu à votre confrère, Martin Kulldorff, de perdre son poste à Harvard. Je voudrais donc savoir ce qui s’est passé pour vous durant cette dernière année?

 

Pr. Jay Bhattacharya: Ce fut une année riche en événements! Je me souviens que, lors de cette première interview, je nourrissais l’espoir qu’il y ait désormais un intérêt public considérable à évaluer la réponse apportée durant la pandémie de Covid et à procéder à une évaluation honnête de ce qui n'a pas fonctionné. On est loin du compte.

 

Un an plus tard, ce que j'ai constaté c'est que les types d’études qui ont été effectuées, par exemple au Royaume-Uni, ont abordé la question sous l'angle d'un confinement qui n'aurait pas été assez rigoureux ni précoce, ce qui ne correspond pas du tout à ce que les données indiquent.


(Re)lire notre première interview de Jay Bhattacharya: «Cette censure fondée sur la peur n’est pas un outil de gestion d’une pandémie»


J’avais espéré que les leaders politiques américains, comme Ron de Santis ou Robert Kennedy Jr. aideraient à amorcer le débat sur ce qui s’est mal passé durant le confinement. Mais cela ne semble pas être le cas. Si Kennedy est toujours dans la course à la présidentielle, le gouverneur de Santis a jeté l’éponge. Mes espoirs fondent donc comme neige au soleil.

 

Mais je continue à penser que les gens ont désespérément besoin d’une évaluation rétrospective honnête, car la réponse que nous avons adressée à cette crise, à savoir confiner, fermer les écoles, faire paniquer la population et rejeter l’Evidence Based Medecine (la médecine basée sur des faits, ndlr)… tout cela donne un aperçu de la façon dont nous continuerons à gérer les pandémies futures.

 

Enseignez-vous toujours à Stanford?

 

Oui, j’y suis toujours. Et contrairement à l’année dernière, je commence à y voir des signes encourageants. Des signes d’ouverture de la part de gens enfin capables de dire ce qu’ils pensent de cette pandémie. Durant le Covid, c’était un environnement de travail très hostile. Il était très difficile pour quiconque ayant une opinion contraire à celle de Tony Fauci de s’exprimer librement. Y compris dans un endroit comme Stanford.

 

Cela s’est donc amélioré?

 

Je crois, oui. Et plus généralement, il me semble que le public est soit passé à autre chose et n’aborde plus le sujet Covid – ce qui est très sain au passage – soit comprend que ce qu’on a fait était complètement fou. Que la réponse de santé publique apportée n’était pas justifiée par des preuves scientifiques. Certains sont donc toujours en colère, mais la majorité est passée à autre chose.

 

Pensez-vous que ce soit parce qu’ils ont du mal à accepter l’idée de s’être fait avoir?

 

Pendant la pandémie, les Américains se sont tournés vers le gouvernement. Tony Fauci était vu par beaucoup comme le pape de la science. Lorsqu’il a plaidé contre le port du masque en février 2020, tout le monde a suivi. Lorsqu’il a changé d’avis en ne se basant sur absolument aucune preuve en mars, tout le monde s’est mis à porter le masque.

 

Il est difficile pour les gens, en particulier ceux qui vivent dans des pays démocratiques censés assurer une certaine autonomie de penser, d’accepter le fait d’avoir eu aussi peur jusqu’à suivre une direction qui paraissait aussi suspecte, y compris à l’époque.

 

«Notre réponse à la pandémie va se reproduire»

 

Vous avez absolument raison: il est difficile d’accepter d’avoir eu tort. Mais je ne crois pas que ce soit le point déterminant. Notre système de gouvernance de santé publique doit s’astreindre à une autoévaluation éthique et honnête. Ils ont échoué! Tant de gens sont morts du Covid, tant de fausses promesses ont été faites, comme celles à propos de l’efficacité des vaccins contre l’infection et la transmission. Tant de décisions ont été prises sans être basées sur des éléments scientifiques, comme les confinements, les fermetures d’écoles et le port du masque.

 

Notre système de santé publique a une obligation éthique de donner des conseils exclusivement appuyés par des évidences scientifiques. Leur échec est un fait capital à empoigner en tant que société. Notre réponse à la pandémie va se reproduire. La confiance du public dans la santé publique est historiquement basse et il y a de quoi!

 

Qu’est-ce que le procès Missouri vs Biden, dont l’audience s’est tenue lundi dernier à la Cour suprême? Pourriez-vous nous expliquer de quoi il retourne?

 

Bien sûr. Permettez-moi de placer le contexte: le cas Missouri vs Biden est une plainte déposée par le procureur général de Louisiane et du Missouri contre l’administration Biden, et dont je suis l'un des plaignants. Nous accusons le gouvernement Biden, donc une grande partie du gouvernement fédéral, de l’Administrateur de la santé publique, du Centers for Disease Control (CDC), mais également du FBI et de la Maison-Blanche elle-même d’avoir utilisé leur pouvoir pour forcer les entreprises de réseaux sociaux, comme Twitter, Facebook, Reddit et d’autres à censurer et à faire taire les critiques de la politique menée par l’administration Biden durant la pandémie.

 

Dans le cadre de cette affaire, la preuve a été apportée que le gouvernement disait à ces entreprises qui et quoi censurer, sous peine de représailles. Et elles ont obéi. Ce qui a donné l’impression d’une certaine forme de consensus en ligne à l’époque.

 

Nous avons déposé la plainte en août 2022 devant une Cour fédérale subalterne. L’un de ses juges a estimé que les actions de l’administration Biden avaient violé le premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression. Il a qualifié la censure mise en place par l'administration de «Ministère de la vérité», en référence à George Orwell. Car alors, la vérité importait peu. La preuve: même des éléments factuels et désormais prouvés ont été censurés en ligne simplement parce qu’ils contredisaient le narratif officiel.

 

«Le gouvernement a bien utilisé son pouvoir pour amoindrir la liberté d’expression des Américains»

 

Ce juge a alors ordonné au gouvernement de cesser ces agissements. Il a également prévenu que d’utiliser des tiers, comme les universités, pour alimenter cette censure n’était pas permis. Car l’administration Biden a établi des contrats avec certains groupes d’opinion à Stanford, qui contactaient les entreprises de média en affirmant avoir soi-disant identifié des propagateurs de désinformation. Encore une fois, pas en fonction de la réalité, mais en fonction du narratif officiel.

 

L’administration Biden a fait appel de cette décision. Début 2023, trois juges d’une Cour d’appel ont donc analysé la situation et ont avalisé la première décision: le gouvernement a bien utilisé son pouvoir pour amoindrir la liberté d’expression des Américains. Puisque le gouvernement a fait appel auprès de la Cour suprême, c’est désormais à elle de trancher. Habituellement, elle n’accepte pas d’entendre ce genre d’audition, mais cette fois-ci elle a accepté la plainte.

 

Quand est-ce que tombera la décision?

D’ici au mois de juin. Je vous tiendrai au courant.

 

Ce qui est frappant c’est que nous, les Occidentaux, pensons que la liberté d'expression est un droit, qu’elle est importante pour le débat public, en particulier en temps de crise, afin que nous puissions avoir une solide discussion sur ce qu'il convient de faire. Pendant la pandémie de Covid, la philosophie des gouvernements occidentaux a démontré que les situations d'urgence étaient pile le bon moment pour réduire cette liberté d'expression. Ce qui va totalement à l'encontre de l'engagement fondamental en faveur des droits civiques que tous les gouvernements occidentaux me semblaient avoir pris.

 

«La censure a tué beaucoup de monde»

 

C'est pourquoi cette affaire est si importante: elle déterminera si les promesses que nos gouvernements nous ont faites dans nos Constitutions et nos chartes, lesquelles garantissent les droits fondamentaux à la liberté d'expression, sont toujours valables en cas d'urgence. Je peux vous dire que si nous avions été véritablement libres de nous exprimer pendant l'état d'urgence, beaucoup des politiques complètement irrationnelles que le gouvernement a mises en place – les vaccins obligatoires, les masques obligatoires, les fermetures d'entreprises et d'écoles, alors qu'il n'y a aucune preuve qu'elles protégeaient réellement une vie humaine – n’auraient jamais vu le jour. Je pense qu'il y aurait eu beaucoup plus de réactions, et des réactions efficaces.

 

Une grande partie des politiques mises en place ont incité les gens à avoir peur de manière irrationnelle. Je pense que beaucoup de choses auraient pu être évitées si la liberté d'expression avait été respectée pendant la pandémie. La censure a tué beaucoup de monde.

 

Récemment, Mark Zuckerberg et d’autres responsables de médias sociaux ont témoigné devant le Sénat des dangers que représente leur plateforme pour les jeunes. Que pensez-vous de cela? Le gouvernement ne doit-il pas tout de même avoir un certain contrôle sur ces réseaux?

 

J'ai regardé l'audition. Ce qui était frappant, c'est qu'il y avait dans le public un certain nombre de parents dont les enfants s'étaient suicidés parce qu'ils avaient été victimes d'intimidation sur la plateforme de Zuckerberg. Facebook a très notoirement évité de mettre en place des contrôles rigoureux, notamment pour protéger la santé mentale et le bien-être des enfants sur sa plateforme.

 

Ce qui est vraiment intéressant, je pense, c'est que l'affaire Missouri vs Biden défend l’idée que le gouvernement fédéral ne peut pas dicter aux médias sociaux qui et quoi censurer, mais doit agir dans le cadre légal. Ici, il s’agit de propos illégaux, de menaces et de violence. Je pense que le gouvernement a intérêt à s'assurer que les réseaux sociaux n'encouragent pas la persécution, la calomnie et la diffamation, ni les menaces physiques directes. Les plateformes qui permettent ce type de discours devraient être soumises à examen par le gouvernement.

 

Cela signifie également qu'il était plus important pour les plateformes de censurer les discours dits «antivax» que, par exemple, les discours violents illégaux?

 

Il ne s'agit même pas de personnes antivax, mais simplement de gens qui ont subi des effets secondaires dus aux vaccins et qui souhaitent partager leur histoire et obtenir des conseils sur la façon dont d'autres victimes ont géré cette situation. Les effets secondaires des vaccins existent, ce n'est pas un mythe!

 

J'ai été censuré par YouTube pour avoir maintenu le fait scientifique qu'il n'y a aucune preuve suggérant que masquer des enfants de deux ans empêche quiconque d'attraper le Covid.

 

C'est donc le monde à l'envers: là où la liberté d'expression et les discours légaux devraient être librement autorisés et acceptés par les plateformes de médias sociaux, le gouvernement s’interpose. Dans le même temps, les autorités ont intérêt à s'assurer que les enfants ne sont pas victimes d'intimidation, qu'ils ne sont pas manipulés psychologiquement par des personnes mal intentionnées sur ces plateformes. Celles-ci ne font pas ce genre de tri car cela augmente le nombre d'annonceurs attirés par le site.

 

Avez-vous le sentiment d’une évolution dans le traitement du Covid par les médias mainstream?

 

J'ai remarqué un certain changement, en effet. Même dans les pires médias grand public des États-Unis, à savoir le New York Times, le Washington Post et CNN. Ce que j'ai remarqué, du moins avec le premier, c'est que l'on parle de plus en plus et que l'on reconnaît de plus en plus les préjudices causés aux enfants par les fermetures d'écoles.

 

C'est vraiment encourageant parce que le New York Times lui-même a été responsable d'une grande partie de l'alarmisme qui a conduit à la demande de fermetures d'écoles dans une grande partie des États-Unis. Il y a donc une évolution.

 

Cela dit, le fait que la Suède soit le pays d'Europe où la surmortalité toutes causes confondues est la plus faible depuis le début de la pandémie n'a pas vraiment été évoqué dans la presse grand public. C'est pourtant une info très importante: le fait qu'un grand pays puisse obtenir les meilleurs résultats d'Europe sans avoir eu recours au confinement bat en brèche l'idée que ces derniers étaient nécessaires pour protéger la vie humaine. Ce fait n'est pas encore assez largement connu.

 

Sur Twitter, vous avez désigné la fuite Covid de laboratoire et sa dissimulation par des bureaucrates britanniques et américains comme «le plus gros scandale scientifique de tous les temps». Pourriez-vous nous en dire plus et nous parler des preuves sur lesquelles s’appuient vos allégations?

 

En février 2020, des emails appartenant à Tony Fauci ont été révélés par certains journalistes. Parmi tous les échanges, il y avait un courriel d'un éminent scientifique impliqué dans la virologie qui avait effectué des recherches sur les coronavirus. Le virus à l'origine du Covid semblait avoir été modifié. On a décelé des preuves de ce que l'on appelle la recherche de gain de fonction dans la structure moléculaire du virus lui-même.

 

Tony Fauci a réagi en convoquant un groupe d'experts composé de personnes comme Jeremy Farrar du Royaume-Uni ou de l'Organisation mondiale de la santé, et de personnes comme Francis Collins du NIH (National Institute of Health). Malgré le fait qu'au départ beaucoup de scientifiques relevaient ce qui semblait être des modifications humaines du virus, des articles ont été publiés par ce groupe sans citer le nom de Tony Fauci parmi les auteurs qualifiant l'idée de la fuite du laboratoire de théorie du complot à laquelle personne ne devrait croire.

 

Ainsi, pendant toute l'année 2020, une grande partie de la presse grand public a traité cette hypothèse comme s'il s'agissait d'une idée tellement farfelue que seuls les platistes pouvaient y croire. Mais en fait, un très grand nombre de scientifiques sont toujours préoccupés par le fait que le virus présente des signes moléculaires d'ingénierie.

La conférence organisée par Tony Fauci en 2020 a donc rétrospectivement donné l'impression d'être destinée à dissimuler cette version.

«Il y a davantage de preuves biomoléculaires qui suggèrent qu'il s'agit bien d'une fuite de laboratoire»

 

Puis, il y a un motif: dans les années précédant 2020, Tony Fauci, le NIH, le Welcome Trust au Royaume-Uni, dirigé par Jeremy Farrar, et d'autres organisations scientifiques ont parrainé des recherches sur les virus de chauve-souris, entre autres, dans les régions sauvages du monde, comme les grottes du sud de la Chine. Le but étant de les rapporter en laboratoire et d'effectuer des recherches sur eux, dans l'idée de produire des vaccins ou des traitements à un stade précoce.

 

À l'époque, c'est-à-dire avant 2019, de nombreuses personnes faisant partie de la communauté scientifique ont alerté sur le danger d'un tel exercice, affirmant qu'il était très difficile de mener ce type de recherches sans qu'il y ait une possibilité de fuite dans la population. Pas dans le sens d'un acte malfaisant, mais simplement de mains qui glissent, d'une personne qui attrape le virus, puis qui rentre chez elle et le transmet à sa femme ou à ses enfants. Répandant ainsi le virus dans la population.

Beaucoup de gens issus de la communauté scientifique se sont prononcés contre ce genre de recherches. Mais Tony Fauci les a encouragées. Elles étaient devenues sa spécialité dans les années précédentes. Rétrospectivement, l'appel de février 2020 ressemble donc à une opération de camouflage visant à protéger sa réputation et celle des autres.

 

Depuis, il y a eu davantage de preuves biomoléculaires qui suggèrent qu'il s'agit bien d'une fuite de laboratoire. Un ami, l'excellent biologiste moléculaire et épidémiologiste, Alex Washburn, et deux de ses collègues ont écrit un article en 2022 dans lequel ils prédisent que s'il s'agit d'un virus modifié, on devrait pouvoir trouver un type particulier de produit utilisé par ces laboratoires. Ce produit sert principalement à découper le virus en morceaux, afin qu'il soit plus facile à traiter. Ils ont prédit que c'était le genre de technique que les personnes effectuant ce type de recherche utiliseraient.

«C'est le plus grand scandale scientifique de tous les temps»

 

Il y a quelques semaines, Emily Kopp, journaliste de l'organisation américaine Right to Know, a découvert des documents issus d'une demande présentée au titre de la loi sur la liberté d'information concernant une proposition émanant d'autres personnes qui auraient conçu ce virus en utilisant exactement l'enzyme prédite par mon ami et biologiste Alex Washburn.

 

Il y a donc de plus en plus de preuves qui suggèrent que la fuite du laboratoire est une explication beaucoup plus probable que l'apparition du virus à la suite d'un processus naturel. Il ne semble pas qu'un processus évolutif ait conduit à ce virus. Mais plutôt qu'il ait été le résultat d'expérimentations, probablement dans le but de produire un vaccin ou quelque chose de précoce. Et en fait, un vaccin a été produit très tôt pour le Covid. Il est apparu presque immédiatement après l'identification de la séquence du virus. Comment cela est-il possible, à moins que de nombreux travaux n'aient déjà été effectués sur le virus avant qu'il ne soit connu de tous?

 

Il s'agit donc d'une communauté scientifique qui a peut-être causé une pandémie en menant des recherches pour tenter de prévenir ce genre de catastrophes. C'est le plus grand scandale scientifique de tous les temps et il doit être examiné par le public.

 

Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de plainte contre Tony Fauci et consorts? Qu’il n’y ait pas plus de procès afin de demander des comptes aux responsables?

 

Je pense qu'une partie du problème réside dans le fait que cette question est devenue politique. Aux États-Unis, une commission du Congrès examine les preuves de l'existence d'une fuite de laboratoire et cette commission, dirigée par des républicains, a exigé que le NIH et le ministère de la Santé et des Services sociaux lui remettent les documents pertinents. Malheureusement, de nombreux démocrates au sein de la commission ont tenté de bloquer cette enquête.

Je pense que c'est en partie dû au fait que le parti démocrate a soutenu Tony Fauci pendant toute la durée de la pandémie et qu'il considère que sa réputation est liée à la sienne.


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C'est très regrettable, car cette question ne devrait pas être partisane. Elle concerne l'ensemble de l'humanité. Si des scientifiques mènent des recherches dangereuses qui pourraient conduire à une pandémie et qui, en fait, ont conduit à une pandémie qui non seulement a tué des millions de personnes, en plus d'avoir entraîné d'énormes dommages économiques, éducatifs et mentaux, ce n'est pas une question partisane, c'est une question qui mérite un traitement honnête et scientifique.

S'il s'avère que nous acquérons la certitude et je crois que nous nous en approchons que le Covid a été causé par ce type de recherches, alors, en tant que communauté internationale, nous devrions imposer des restrictions pour encadrer très strictement ce type de démarches, si elles doivent se reproduire, ou peut-être même les interdire complètement parce qu'il a été jugé trop dangereux de les mener à bien. De la même manière que nous avons des traités internationaux pour empêcher les essais d'armes nucléaires en surface. Ce type de recherches est jugé trop dangereux pour l'humanité.

 

L'OMS est en train de se préparer à la prochaine pandémie, en s’entraînant avec la «maladie X». En même temps l’organisation gagne en puissance, puisque son nouveau traité en préparation stipule notamment qu’elle donnera désormais des ordres aux nations en lieu et place des recommandations habituelles. Est-ce que cela vous inquiète?

 

Cela m'inquiète, en effet. Le traité sur les pandémies que l'OMS est en train de négocier se concentre sur la maladie X, qui est une maladie inconnue à laquelle il faut se préparer. Cela me laisse penser que l'Organisation mondiale de la santé a tiré la mauvaise leçon de ce qui s'est passé pendant le Covid et a décidé de poursuivre le type de recherches qui pourraient être à l'origine de la pandémie.

 

Le traité sur les pandémies confère essentiellement à l'OMS davantage de pouvoirs pour inciter les gouvernements à mettre en place des mesures de confinement et d'autres stratégies s'ils estiment qu'il y a une pandémie. Il accroît le pouvoir central et le met entre les mains des personnes qui a) ont peut-être soutenu la recherche à l'origine de la pandémie et b) ont mené la stratégie face au Covid qui a causé tant de dommages catastrophiques sans protéger la vie humaine.

 

Je pense que nous allons pile dans la mauvaise direction. Cela nous ramène au début de notre conversation: nous n'avons pas fait ce bilan. Les stratégies qui ont échoué pendant cette pandémie et les années qui l'ont précédée sont maintenant cimentées comme des modèles pour la façon dont nous allons gérer les futurs événements de ce genre.

 

Voyez-vous des similitudes entre le vaccin Covid et la crise des opiacés? 

 

En effet. Je pense que l'élément clé est que les fabricants de vaccins Covid bénéficient, en vertu de la loi et des contrats, d'une immunité qui leur permet de ne pas être poursuivis en justice pour avoir fabriqué un mauvais produit. C'est ce qui a conduit, par exemple, à ne pas tenir compte des dégâts causés par les vaccins, qui ne sont pas bien documentés, comme la myocardite chez les jeunes hommes.

 

Lors de la crise des opiacés, les fabricants semblaient juridiquement protégés. En fin de compte, cela a abouti à des procès, et c'est ce qui a permis une véritable introspection, une évaluation et une révision des politiques relatives aux opioïdes. Avec les vaccins Covid, nous n'en sommes pas encore là. Les fabricants de vaccins, comme Pfizer ou Moderna semblent croire qu'ils sont protégés par la loi, ce qui est le cas d'après ce que j'ai compris, et ils se comportent donc de manière irresponsable.

 

Autre similitude: pendant l'épidémie d'opioïdes, les médecins qui ont pris la parole pour alerter sur le danger de ces produits mortels, ainsi que sur leur caractère extrêmement addictif ont été publiquement calomniés par d'autres professionnels de la santé, souvent en partie soutenus financièrement par les fabricants d'opioïdes. Nous assistons au même phénomène: les fabricants de vaccins, comme Moderna, engagent d'autres professionnels de la santé pour calomnier les personnes qui affirment que les vaccins sont nocifs et qu'ils n'empêchent pas la transmission du virus.

 

Je ne dis pas que le vaccin a tué. Je pense qu'il a probablement sauvé un certain nombre de vies. Mais cela ne signifie pas qu'il a tenu sa promesse, à savoir nous empêcher de contracter et de propager le Covid. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'effets secondaires ou qu'il n'y a pas eu de dommages pour un grand nombre de personnes. Et les gens devraient avoir le droit de le dire sans risquer d'être diffamés par les entreprises pharmaceutiques, ce qui est essentiellement le cas aujourd'hui.

 

Il semblerait que le reste du monde ait envie d’oublier cette pandémie. Pouvez-vous le comprendre et n’avez-vous pas, vous aussi, envie de passer à autre chose?

 

Je le comprends parfaitement. Le monde a vécu une période traumatisante. De très nombreuses personnes sont mortes. Les espoirs et les rêves d'un grand nombre d'autres ont été anéantis. On a retiré aux gens leurs moyens de subsistance, les perspectives d'éducation pour leurs enfants et les conséquences sur la population la plus pauvre du monde ont été absolument dévastatrices. De plus en plus de personnes sont confrontées à la pauvreté à une échelle qui n'aurait jamais été imaginable en temps de paix.

 

Le monde a donc subi de nombreux traumatismes et, bien entendu, il existe un désir tout à fait compréhensible de tourner la page, d'essayer de guérir. Et souvent, les gens abordent un traumatisme en essayant de l'oublier. Je ne pense pas que ce soit nécessairement malsain. C'est certainement la bonne façon de faire pour la plupart des gens. Ils devraient pouvoir vivre leur vie comme ils l'entendent.

«Les conséquences de cette perte de confiance sont catastrophiques pour la santé humaine»

 

En ce qui me concerne, le fait est que je travaille dans le domaine de la santé publique, de la politique de santé et de l'épidémiologie. J'ai donc l'obligation professionnelle de continuer à dénoncer ce que j'estime poser problème. Et ce qui m'inquiète particulièrement est que, puisque les politiques utilisées par la santé publique pendant la pandémie ont été si efficacement déployées pour effrayer les gens et violer les droits civiques à grande échelle, elles seront utilisées à nouveau.

 

Il faut au moins qu'un plus grand nombre de personnes supervisent l'utilisation de ces politiques. Nous ne pouvons pas compter sur les responsables de la gestion du Covid pour gérer la prochaine pandémie. Ils ont perdu la confiance du public. Il suffit de voir l'effondrement de la vaccination contre la rougeole en Europe et au Royaume-Uni. Cela représente un étiolement de la confiance dans la santé publique. Les conséquences de cette perte de confiance sont catastrophiques pour la santé humaine.

 

C'est pourquoi je continue à parler. Je pense que nous avons besoin d'une santé publique digne de confiance, ce qui ne sera pas le cas si nous ne procédons pas à un bilan et à une évaluation honnête de la réponse au Covid.

 

Vos concitoyens et vous allez élire votre président cette année. Il semblerait que ce sera encore Trump contre Biden. Comment expliquer cette absence d’autres candidats sérieusement dans la course? Est-ce que les Américains se désintéressent de la politique?

 

Non, les Américains s'intéressent énormément à la politique. Je ne pense pas que ce soit une question de manque d'intérêt.

 

J'essaie de ne pas entrer dans le débat politique parce que j'estime que les professionnels de la santé publique ne devraient pas s'en mêler. Mais je dirai ceci: je suis consterné de voir que les deux choix que les principaux partis politiques américains vont proposer sont exactement les deux mêmes personnes qui ont dirigé la réponse à la pandémie. J'ai des critiques à émettre sur ces deux personnages et je ne vois aucun signe d'introspection chez l'un ou l'autre quant à leurs échecs en matière de gestion de la pandémie. J'espère que cela changera au cours de la campagne électorale, mais je n'ai pas beaucoup d'espoir.


Notre précédente interview de Jay Bhattacharya

«Cette censure fondée sur la peur n’est pas un outil de gestion d’une pandémie»

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