Invité de la rédaction

12 nov. 20237 Min

«Le sytème médiatique autour des élections est organisé pour maintenir les mêmes au pouvoir»

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Ce récit, signé François Meylan (ex secrétaire général du PDC Vaud) traite de sa campagne, ou plutôt de sa non campagne, aux récentes élections fédérales, en qualité de candidat indépendant au Conseil des États (Sénat).


Cette année 2023, personne n’était disponible dans les très modestes rangs des Indépendants vaudois pour lever notre bannière… Dans un premier temps, nous avions renoncé à nous lancer. Toutefois, à l’approche du délai des dépôts des listes en août, la thématique titillait de plus en plus.

En voyant les programmes et les ambitions des formations politiques en lice, l’inquiétude me submergea. La législature qui s’écoulait venait d’essuyer trois crises de forte amplitude: la Crise de la Covid-19; le retour de la guerre de haute intensité sur le vieux continent et le hold-up chez la deuxième banque du pays le «Credit Suisse». Pourtant, plus personne n'en parlait. Comme si rien de tout cela avait existé. Pourtant, c’était hier.

Pour la gauche, le but de la campagne était de récupérer le siège perdu il y a quatre ans au Conseil des États. Pour la droite, c’était de conserver l’acquis et pour les autres, globalement, tout relevait du slogan plutôt que d’une offre sérieuse de solutions dans un pays où il fait bon vivre mais où on a commencé à fabriquer des divisions de futurs retraités pauvres.

Les hausses successives des primes maladie; des hausses des coûts des transports; de l’énergie etc. augurent des lendemains qui déchantent tragiquement. Une bonne partie de ces hausses du coût de la vie découlant principalement des pertes de souveraineté successives provoquées par les crises invoquées plus haut. La question incontournable, pour moi, fut alors: «Est-ce que ce Parlement – qui vient de permettre ce grignotage persistant de notre porte-monnaie; une discrimination arbitraire et sans précédent de nos concitoyens qui refusaient l’inoculation d’un produit ARNmessager expérimental; le piétinement de notre sacro-sainte neutralité sur l’autel des ambitions personnelles de la Commission européenne – dans le cadre de la guerre en Ukraine – et le sabordage de l’établissement «Credit Suisse» au profit de quelques spéculateurs étrangers et des concurrents de la place financière suisse – méritait-il d’être reconduit?» La réponse était évidemment que NON!

Une autre interrogation est plus que légitime: notre Conseil fédéral (CF) sait-il s’entourer des spécialistes adéquats; ne pas réagir dans l’immédiateté et l’émotion et fonctionner pour le strict intérêt de nos concitoyens, avec un zeste de souverainisme quand cela est nécessaire? La réponse est également NON.

Ce même CF semble-t-il paré pour les prochaines grandes crises à venir? On peut en douter. Par exemple, d’autres pays du continent ont bien mieux géré l’obstacle du conflit en Ukraine – opposant l’alliance offensive qui se nomme l’OTAN à la Fédération de Russie – que la Suisse. Je nommerai la Hongrie et la Bulgarie. Le panorama de cette dernière législature est noire.

Stupéfiant, on s’apprêtait à réélire les mêmes représentants au Parlement comme si rien ne s’était passé. On continuera à apercevoir les mêmes élus de gauche et des Verts dans les wagons 1ère classe. Les mêmes qui nous bassinent toutes l’année – parce que c’est très tendance et surtout c’est une thématique porteuse – de l’urgence climatique sans pourtant s’indigner quand les CFF annoncent des hausses de tarifs indécentes. Normal, nos élus ne paient pas l’Abonnement général.

Rappelons-nous que notre ministre des affaires étrangères Ignacio Cassis voulaient octroyer le même privilège aux réfugiés ukrainiens. Seulement, aux ukrainiens. Bref, la droite dans notre pays ne démontre pas plus de cohérence ni de raison et a bien suivi, les yeux fermés et sur tous les dossiers chauds, le diktat des principaux lobbys.

Je devais alors, comme entrepreneur indépendant, gagne petit mais contribuable et père de deux grands enfants aux études, l’ouvrir durant ces élections fédérales. Notons que l’opportunité ne nous est donnée qu’une fois tous les quatre ans.

Pas de bras, pas de chocolat

Mes moyens étaient certes modestes: un budget de 700 francs à comparer aux centaines de milliers de francs des appareils de parti de droite comme de gauche. Sans l’appui d’une liste de militant au Conseil national; sans affiche – j’étais le seul candidat sans affiche en Suisse, personne n’en a parlé et c’était pourtant une première (j’ai rétorqué à la Société d’affichage que j’étais contre la pollution visuelle et en faveur de l’économie de papier). Sans action sur les marchés ni à la sortie des gares. Sans publicités dans les journaux – elles sont horriblement onéreuses. C’est peut-être pour cela que ni le quotidien 24 heures ni le Journal de Morges n’ont écrit un seul mot sur la candidature.

L’attitude de censure du Journal de Morges fut lourde de sens. J’étais le seul candidat morgien au Conseil des états et ma démarche a été tout bonnement zappée. Se présenter à ces élections étant pour moi le minimum à faire pour être entendu. En-dessous de ce niveau, on a droit à rien… ni tv ni radio. Et même ainsi je fus exclu des débats télévisés; radiophoniques et dans la presse.

J’ai alors sollicité les rédactions de La Télé Vaud - Fribourg; du Journal de La Côte et de la RTS, dans l’espoir d’avoir quelques explications. Si la première nommée n’a pas daigné répondre les autres m’ont répondu, e-mails circonstanciés à l’appui – que le but des débats était de permettre aux candidats sortant de défendre leurs bilans*.

Autant dire, que tout le sytème médiatique entourant les élections est organisé pour maintenir les mêmes au pouvoir. Cacher les indépendants et les non affiliés qu’on ne saurait voir. Ma campagne ou ma non campagne s’est alors basée sur le bouche à oreille et l’écrit de cartes personnelles à quelques amis et connaissances domiciliés dans le canton. Le résultat final fut pour moi satisfaisant: 4908 voix soit 2,52% du suffrage exprimé ce dimanche du 22 octobre 2023 pour un candidat invisible, c’est plutôt pas mal. Mon atout fut probablement d’avoir un vrai programme. Celui-ci étant disponible sur Internet et sur la page Facebook des Indépendants vaudois.

Ce n’est pas un programme «bateau» comme j’en ai trop vu. À mon avis, la politique devrait se faire sur des idées et sur de réels projets de société. Non pas sur l’autel du culte de quelques égos, des acquis des élus d’appareil et d’autres qui en font métier. Soit la politique politicienne et l’éternel «jeu» des faux ennemis de toujours que sont la gauche et la droite.

Concernant Facebook, je déconseille d’y faire de la pub. C’est onéreux et sans efficacité. Les trolls, les faux comptes qui pullulent sur le réseau et la censure du géant américain, selon les thèmes que vous abordez, annihilent tous vos efforts.

Autre point à relever, c’est celui de la récolte des signatures de parrainages. Les candidats qui ne sont pas issus des partis politiques siégeant dans un gouvernement sont soumis à l’épreuve de la récolte des signatures de parrainage: 50 pour une candidature au Conseil des états et 200 pour le dépôt d’une liste pour le Conseil national. Un obstacle de plus à la nouveauté, au changement et au bon exercice de la démocratie.

Les parrains doivent être de nationalité suisse et être domiciliés dans le canton du candidat. Là aussi l’expérience est intéressante. Des gens qui ne vous connaissent pas vont vous parrainer et d’autres qui sont pourtant vos amis; les membres de votre famille; vos collègues et vos voisins ne le feront pas. C’est comme si on leur demandait un rein. Cela relève plus de l’inculture que de la mauvaise foi.

Parrainer un candidat avec sa signature ce n’est ni partager ses idées ni le voter. C’est seulement permettre à un concitoyen de se présenter à une élection. À exercer un droit politique. À ce propos, je remercie chaleureusement les quelques amis qui m’ont aidé à récolter les signatures nécessaires dans un temps record. Je remercie aussi ce collègue qui a offert soixante francs à mon budget de campagne. Cela fait chaud au cœur et ce fut le seul don reçu.

Cette année, l’instauration de la nouvelle loi sur la transparence du financement des partis politiques a ajouté un surplus d’administration avec l’obligation d’annoncer son budget; ses recettes, leurs provenances et les dons. Vu le tableau Excel que j’ai présenté dans le délai imparti, la section des Droits politiques m’a informé que je ne devais pas publier ma comptabilité électorale sur leur page web. Les limites soumises à l’obligation d’annonce sont: budget de 50’000 francs et plus; don de 15’000 francs et plus.

J’ai, toutefois, insisté pour que mes comptes de campagne soient publiés. Histoire de montrer que l’on peut faire de la politique autrement que seulement par le biais de gros moyens financiers et par l’achat d’influences. Là aussi, les médias ne l’ont pas relevé. Dans cette constellation, je suis favorable pour élire nos représentants – du moins, la moitié de ceux-ci –sur le mode du tirage au sort.

Les idées avant les personnalités

Je terminerai avec la séquence «programme». Parce qu’en fin de compte, on devrait être élu sur un programme. Ce sont plus les idées qui comptent que celle où celui qui les porte. Et de me rappeler les fêtes de fin d’année 2011, quand j’étais secrétaire général du PDC Vaud et directeur de campagne de ces Messieurs Claude Béglé et Jacques Neyrinck, qu’après avoir passé des semaines pour constituer les listes pour élections cantonales vaudoises (et surtout à satisfaire les égos de chacun des candidats figurant sur les listes) nous n’avions pas de programme. Personne n’y avait pensé.

Il fut alors établi de manière bateau, comme souvent, sur la thématique de la classe moyenne. C’est aussi ça la politique politicienne: la recherche de lumière personnelle.

Pour le coup, cet été 2023, les sujets graves et non graves ne manquaient pas. Ils n’ont pas été relevés dans les débats offerts aux grands partis d’appareil. Aux pertes successives de souveraineté, j’y ai ajouté le fonctionnement très lacunaire de notre Ministère public de la Confédération (MPC) qui a agit comme dans une république bananière entre 2016 et 2020; un conseil suisse de la presse (CSP) – des journalistes «jugeant» d’autres journalistes – qui brille par son inutilité; la déliquescence des médias mainstream qui se transforment en communicants quand ce n’est pas en propagandistes; des hausses de coûts des transports, de l’énergie, de l’alimentation, des primes des caisses maladies insupportables; l’injustice fiscale frappant les papas séparés ou divorcés qui ne peuvent déduire fiscalement les pensions alimentaires pour leurs enfants en formation âges entre 18 et 25 ans; un service de renseignement de la Confédération (SRC) qui, depuis sa fusion en 2010 et son rattachement à la Défense interpelle; une diplomatie toujours plus faible; la croissante omniprésence des lobbyistes dans les pas perdus du Palais fédéral** etc.

Bref, il y a du boulot et le monde nous tient dans ses caprices géopolitiques et environnementaux.

Rendez-vous dans quatre ans pour faire ensemble un nouveau bilan. D’ici là, accrochez-vous. Cela va secouer.


*Courriel de Michel Jotterand, de La Côte du 16 octobre dernier et courriel de Pierre-Han de la RTS du même jour. À noter, que la RTS s’était munie pour l’occasion de directives internes d’une quinzaine de pages, document intitulé «élections fédérales 23 - Directives & Emissions RTS».

**Voir la pétition no 16.2013 intitulée «Plus de transparence sur les liens des membres des Chambres fédérales avec des représentants de groupe d’intérêts» déposée en date du 25 août 2016 par votre serviteur.

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