Amèle Debey

17 déc. 202313 Min

Enfants drogués: l’inquiétante déroute des foyers pour mineurs

Mis à jour : janv. 7

Dans les foyers vaudois pour mineurs, une médication très lourde est administrée aux enfants dès le plus jeune âge, la plupart du temps sans contrôle et sans personnel médical qualifié sur place. De plus, ces médicaments sont distribués à des doses pour adultes. L’état de «déliquescence» du système vaudois d’action sociale peut expliquer cette situation alarmante. Mais quelles conséquences pour les enfants? L’Impertinent a récolté des témoignages édifiants sur une situation de plus en plus catastrophique.

© Freepik

«Les enfants placés dans les foyers ont majoritairement besoin de soins, mais le soignant n’est pas présent dans les institutions. Les éducateurs sont de bons accompagnants, de bons ‘tuteurs de résilience’, mais ce ne sont pas des soignants. Administrer des médicaments à des enfants sans surveillance médicale est problématique.»

Cette constatation est celle de Carol Gachet, psychologue spécialisée en psychotraumatisme, qui s’occupe depuis des années d’enfants, d’adolescents ou d’adultes maltraités pendant l’enfance. A la tête d’un institut de formation qui apprend à des éducateurs, des psys, des médecins et des juges à comprendre l’impact de la maltraitance sur le développement de l’enfant, cette spécialiste supervise des équipes en foyers. Elle a été choquée de ce qu’elle y a découvert.

Des petits pots affublés d’une pincette au nom de chaque enfant en lieu et place des semainiers. Pas de double contrôle, ni de personnel qualifié pour distribuer ces pilules la plupart du temps. «Avec les pathologies que les enfants développent de nos jours et tous les nouveaux diagnostics, la question de la collaboration avec le corps médical ne devrait même plus se poser. Mais le système est dans un tel état de déliquescence… », déplore la psychologue.

En 2016, Carol Gachet alerte le médecin cantonal vaudois, Karim Boubaker. Elle signale le manque de supervision médicale dans les foyers. «Quelques-uns ont un médecin référent engagé à un faible pourcentage (pédopsychiatre à 5% ou 10% qui n’a parfois jamais visité les lieux), et il en va de même pour les infirmiers/ières, écrit-elle. Ceux-ci ont des pourcentages très faibles, et certains éducateurs ne connaissent même pas leur nom. Certaines équipes bénéficient de supervisions menées par des psychologues, d’autres pas.»

«Je ne comprends pas que les autorités cantonales n’interviennent pas»

«Depuis quelques années, les équipes éducatives et enseignantes se retrouvent face à des enfants, atteints de divers troubles et traumatismes, qui engendrent des comportements inhabituels; des ‘crises’ et des ‘pétages de plomb’ auxquels ils ne sont ni préparés, ni formés, continue-t-elle. Ceci engendre des réponses non adaptées qui m’amènent à vous rapporter mes inquiétudes sur trois plans: Les enfants sont de plus en plus médiqués: Risperdal, (dès 11 ans), Tranxilium, Quetiapine, Nozinan. Certains enfants ont des traitements pour le diabète, l’épilepsie, l’hyperactivité, ou des troubles particuliers. Les éducateurs ont reçu la mission d’administrer par délégation ‘comme à la maison’ des traitements dont certains sont dignes de la psychiatrie adulte.

Ces éducateurs n’ont aucune connaissance pharmacologique et sont parfois interloqués à la lecture des effets secondaires mais n’osent questionner le médecin prescripteur (…) quelques institutions (dont certaines accueillent des enfants en bas âge), n’ont de pharmacie ou d’infirmerie que le nom.»

Carol Gachet devra attendre trois mois pour obtenir un accusé de réception. Mais, selon elle, «on constate que, sept ans plus tard, la situation n’a pas bougé d’un iota. Les foyers qui parviennent à engager un infirmier ou une infirmière qui fait partie de l’équipe doivent user de ruse pour cela, et se comptent sur les doigts d’une main dans ce canton, conclut-elle. Les droits de l’enfant ne sont pas respectés en la matière, leur sécurité non plus, et je ne comprends pas que les autorités cantonales n’interviennent pas.»

«C’est du lourd»

L’Impertinent s’est procuré la liste actuelle des médicaments administrés dès le plus jeune âge à des enfants placés en foyer (description en fin d'article). En plus de ceux déjà évoqués par Carol Gachet, on y trouve du Risperdal, de l’Abilify, du Truxal, de la Ritaline, de l’Atarax et du Dormiplant. Des molécules plutôt inoffensives côtoient donc des neuroleptiques.

Nous avons soumis cette liste à l’avis d’un pharmacien, qui est resté coi. «C’est grave. Si c’est un généraliste qui prescrit ces ordonnances et pas un pédopsychiatre, c’est criminel. Cela veut dire que l’on veut garder ces enfants comme des petits moutons pour avoir la paix, déclare le Valaisan qui souhaite rester anonyme. Ce genre de foyer, à moins que ce soit une annexe de Malevaux, ne devrait pas exister.»

Il ajoute: «Ces médicaments sont prescrits à pas mal d’ados depuis le Covid, suite aux dégâts du confinement. C’est du lourd. A mon avis, le Truxal et l’Atarax n’ont rien à faire dans un traitement pour enfants.» Il note également que l’Abilify (utilisé pour la schizophrénie et les troubles bipolaires) ne devrait pas être utilisé en dessous de 13 ans, selon lui.

Une autre pharmacienne située dans le canton de Vaud tempère: «Le Truxal n’est pas recommandé chez les enfants et adolescents de moins de 18 ans selon le compendium, après peut être qu’il est utilisé en off label pour certains troubles. Ces traitements sont utilisés pour des pathologies particulières donc dépendent du diagnostic du pédopsychiatre».

Manque de moyens et consommation en augmentation

Le docteur Christophe Grandjean est un pédopsychiatre partiellement à la retraite, encore actif dans la Broye. Il connaît bien la situation des jeunes en foyer et reconnaît que la médication est le recours d'une profession démunie face à la recrudescence des pathologies chez l’enfant. Bien que les études scientifiques sur les conséquences de telles drogues sur le cerveau des jeunes manquent cruellement.

«Seuls quelques médicaments ont été étudiés chez l’enfant. Pour les pharmas, ce n’est pas un marché intéressant, parce qu’on ne reste pas enfant assez longtemps, explique-t-il. De plus: pour toute recherche, on a besoin d’avoir le consentement éclairé de l’enfant. Celui-ci est très difficile à définir, notamment en dessous de l’âge de douze ans. Les possibilités de prescrire des médicaments se sont donc méchamment restreintes depuis le début de ma carrière.»

Pourtant, selon l’Observatoire suisse de la santé (OBSAN), la quantité de psychotropes prescrits et achetés en Suisse a augmenté entre 2017-2020 pour la classe d’âge de 0-20 ans (antidépresseurs, anxiolytiques, antipsychotiques et/ou de médicaments en cas de trouble du déficit de l’attention avec/sans hyperactivité (TDAH)). La quantité de psychotropes prescrits auprès des jeunes est donc en augmentation.

Médication pour pallier le manque de personnel

Le docteur Grandjean raconte que, dans le foyer avec lequel il a été le plus en contact ces dernières années, la moitié des patients sont psychiatrisés. Ce qui en fait des lieux psychiatriques et non pas des lieux de placement à vocation éducative. Pourtant, il y a un manque flagrant de personnel adapté: «Il faut voir quels sont les moyens que l’état accorde à ces foyers, souffle le pédopsychiatre. On est de plus en plus dans la restriction des budgets, dans l’augmentation du poids des situations, j’observe quelque chose de tout à fait problématique.»

Selon lui, il est par ailleurs connu qu'il y a un lien entre le manque de personnel et la quantité de médicaments psys prescrits dans les institutions.

«On n’a pas de vision claire de ce qui se passe sur un cerveau en développement quand on prescrit un médicament psy, reconnaît-il, mais on a peu de moyens et on doit faire face à des situations graves. On essaie de trouver une façon d’aider, mais par défaut. Parce qu’on n’a pas beaucoup d’autres alternatives».

«On voit des pathologies de plus en plus lourdes»

Pour le docteur Grandjean, l’évolution des mœurs de la société, qui se retrouve dans les foyers de la protection de la jeunesse, est à la source de l’aggravation alarmante de la situation: «On a des pathologies de plus en plus complexes, de plus en plus graves, qui ne tiennent plus uniquement à une incompétence parentale ou des circonstances de vie dramatique, mais qui sont compliquées par des facteurs macrosociaux comme l’arrivée des écrans, l’indisponibilité croissante des parents – eux-mêmes victimes des écrans – pour les enfants, narre-t-il. C’est un ensemble de facteurs qui contribuent à une médicalisation croissante des enfants pris en charge dans les foyers, qui présentent des pathologies de plus en plus lourdes et se mettent de plus en plus souvent gravement en danger (scarifications multiples, tentatives de suicide, fréquentation de réseaux sociaux toxiques, etc.). Ces enfants nécessitent des prescriptions médicamenteuses pour être maintenus dans les foyers.»

Si les conséquences sur le cerveau sont méconnues, ce n’est pas le cas des conséquences physiques. La plupart des neuroleptiques, dont la Quetiapine et la Risperidone, sont des médicaments qui font prendre du poids et génèrent un risque de diabète à un âge relativement jeune, explique encore le spécialiste.

Interrogé sur le manque de personnel médical dans les foyers, l’Office du médecin cantonal (OMC) déclare avoir été interpellé par le responsable du SPJ en 2017. Il affirme avoir pris des mesures: «Ces questionnements ont donné lieu à la création d’un groupe de travail, lequel a procédé à une enquête auprès d’un certain nombre de foyers pour mineurs représentatifs de la situation dans le Canton de Vaud, nous explique l’OMC. Cette enquête de terrain a débouché sur un état des lieux de l’accès aux soins pour les mineurs pris en charge dans ces institutions et des propositions de mesures, le plus souvent suggérées par les professionnels de ces foyers. Parmi celles-ci, l’axe «Optimiser le fonctionnement et l’organisation externe de soutien» a été pris en charge par la DGS/l’OMC. Elle a notamment permis de renforcer la disponibilité des équipes mobiles de soignants qui peuvent être sollicitées par les foyers lors de crises ou de problématiques de prise en charge, d’administration de médicaments, etc. et une meilleure collaboration entre ces institutions et le réseau de santé qui peut les soutenir.»

Laxisme et stress permanent

Jimmy* est infirmier dans un foyer pour mineurs du canton de Vaud. Il ne semble pas constater les améliorations évoquées par l’OMC. Après des années de carrière au sein d’établissements pour adultes, il est «horrifié du laxisme au niveau du suivi de médication dans les institutions pour enfants».

«Moi qui viens du secteur des adultes, où on donne un avertissement pour non-respect de la procédure, je suis ébahi de voir comment on fait ça par-dessus la jambe lorsqu’il s’agit des enfants. Je n’en reviens pas! On passe d’un extrême à l’autre. On va de la dictature administrative à l’hyperlaxisme, raconte-t-il. C’est incroyable que le médecin cantonal ne mette pas davantage son nez là-dedans. L’équipe n’a pas de suivi clinique, aucun sens des responsabilités, ils ne sont pas formés, ils travaillent à temps partiel. Au niveau de la sécurité des médicaments, ce n’est pas possible!»

Lui aussi note un manque de fluidité dans sa collaboration avec les éducateurs, dont le profil n’est plus adapté au contexte: «Il y a beaucoup de jeunes, apprentis étudiants qui n’ont pas d’enfant, qui sont en bonne santé, qui ne savent pas ce qu’est un traitement au long cours. On a eu le cas d’une petite fille qui n’avait pas pris son traitement contre la constipation pendant quatre jours et qui a fini aux urgences. Quand un protocole médicamenteux est trop compliqué, il n’est pas suivi. Ce qui a valu à cette petite fille de risquer une fissure anale. Un autre enfant à qui on avait donné du Medikinet, dérivé de la Ritaline, la proposait à sa petite sœur devant les yeux des éducateurs qui ne comprenaient pas. J’ai trouvé le médicament par terre. Pour un infirmier, c’est assez stressant.»

La porte ouverte à l'addiction

Beaucoup plus grave, Jimmy a déjà entendu parler d’utilisation de benzodiazépine, cette molécule extrêmement addictive que l'on retrouve dans le Temesta, dans les traitements pour enfants: «Je ne l’ai jamais vu. Je pense que j’aurais fait des histoires et que j’aurais remonté le cas à la direction. Mais je sais que ça se fait de temps en temps. Je sais que ça a posé problème à certains infirmiers dans des institutions. J’ai des collègues directeurs qui ont dû mettre le holà là-dessus il y a quelques années. Il n’y a rien qui justifie de donner des benzo à des enfants. A des adultes non plus d’ailleurs. Le potentiel addictogène est très important: on les condamne.»

Quelles conséquences toute cette lourde médication peut avoir sur les enfants? Les études manquent. De la même manière, on peut se demander dans quelle mesure de tels traitements peuvent conduire au développement d’accoutumances, voire d’addictions, à l’âge adulte.

Le célèbre addictologue Jacques Besson nous a livré son avis sur la question: «Donner des tranquillisants, de manière générale, est toujours discutable sur un cerveau en développement. On est beaucoup moins sûr de ce qu’on fait que chez les adultes. C’est pourquoi on est beaucoup plus prudents, explique-t-il. Ce que je vois, en tant qu’addictologue, c’est que ces adolescents qui ont été mal médiqués, hypermédiqués, surmédiqués, vont avoir une espèce d’appétence pour le médicament et ils sont à risque de retourner à ce type de produit. D’autre part, si on ne pose pas les diagnostics comme il faut, ces jeunes sont en quête d’automédication. A ce moment-là, ils vont chercher des drogues, ou de l’alcool afin de se soigner eux-mêmes avec les produits disponibles sur les scènes ouvertes de la rue.»

«On navigue entre deux précipices: il faut médiquer ceux qui en ont besoin, mais le faire avec parcimonie parce qu’on risque de dérégler le cerveau biologique», conclut-il.

Une seule infirmière pour des centaines d’enfants

Comme la plupart de ces établissements sont dépendant du SPJ, donc du canton, il est difficile de recueillir des témoignages à l’interne. Deux responsables de deux foyers différents du canton de Vaud ont cependant accepté de nous parler à visage couvert.

Marc* est directeur adjoint d’un foyer pour mineurs quelque part dans le canton. L’institution compte une soixantaine d'enfants en hébergement et plusieurs centaines en accueil de jour, de 0 à 18 ans. Pour tout ce monde, une seule infirmière a été engagée à mi-temps. Celle-ci travaille en partenariat avec un pédiatre-conseil. Elle s’emploie à former tous les éducateurs à la question de la médication. Le foyer est également en train de mettre en place des fichiers validés par le pédiatre pour la médication de chaque enfant.

Les médicaments sont prescrits par un pédopsychiatre. Mais comme il y a, en moyenne, six mois d’attente pour un rendez-vous, il peut donc arriver que des généralistes prescrivent, concède Marc, mais ce n’est pas la majorité des cas. «Pas encore», ajoute-t-il.

Marc est inquiet: «Je ne sais pas comment ils vont résoudre cette crise. Quand un gamin est en détresse à un moment T, il ne peut pas attendre six mois. Si le milieu social et le milieu pédopsychiatrique ne se mettent pas enfin à travailler ensemble, cela va être compliqué.»

«On laisse des enfants se faire maltraiter parce qu’on n’a pas de solution»

A cela s’ajoute le problème du remboursement: «Il y a la pression des assurances. Tout ce qui est médical est régi par l’assurance maladie. Il y a des protocoles hyper stricts. Dans la protection de l’enfant, il y a une subvention de l’Etat. C’est en semi-privé, il n’y a pas de lobbying. Quand le milieu pédopsychiatrique met un stop, selon les assurances et leurs protocoles, c’est pour notre pomme.»

«C’est tout le système qui va mal, lâche le directeur adjoint. On n'a plus de personnel qualifié et qui a envie de bosser. Je cherche désespérément des éducs depuis cet été. Et je n'en trouve pas. Des places sont gelées dans certains foyers. Ce qui veut dire qu’il y a des gamins qui ne sont pas placés, pas mis en sécurité parce qu’il n’y a plus de place en foyer, on les laisse chez eux se faire maltraiter parce qu’on n’a pas de solution.»


(Re)lire notre interview de Jacques Besson: «Aujourd'hui, il y a plus de narcodollars qui circulent sur la planète que de pétrodollars»


Un manque de personnel qui s’explique en partie par les barèmes salariaux plus bas que dans les autres cantons, mais également par un changement de culture et de rapport au travail, selon Marc. Les nouvelles générations ont un équilibre vie privée-vie professionnelle totalement différent des précédentes.

«C’est un milieu compliqué, avec une émergence des troubles psys importante. Les cas sont complexes, on fait avec les moyens du bord, ce qui veut dire qu’on n’a pas toujours les réponses adéquates, explique-t-il. Quand j’ai commencé il y a vingt ans, c’était un privilège de bosser en foyer. Maintenant il faut presque les supplier. Tout est négocié: les horaires, les week-ends de congé, les jours fixes de congé.»

La situation cantonale qu’évoque Marc a été largement relayée dans la presse ces derniers mois, en particulier depuis la fermeture d’une structure d’accueil. Le foyer Inter Val a dû fermer, par manque de personnel. L'apogée d'une véritable crise systémique. Si bien que le canton de Vaud est actuellement à la recherche de 50 familles d'accueil afin de palier les manques.

En novembre dernier, les assises de l'action sociale ont cependant débouché sur une bonne nouvelle: une première augmentation salariale sera effective dès janvier 2024, pour les éducateurs et les éducatrices dans les institutions, nous apprend Pauline Cancela, déléguée à la communication du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES). «L'augmentation salariale est estimée à environ CHF 230 à 300 par mois, selon l’ancienneté, ceci en plus de l’indexation des salaires de 1.9% pour le secteur parapublic», précise-t-elle.

Situations d’urgence

Christine* est directrice d’un foyer pour mineurs de la région lausannoise. Selon elle, la situation en foyer n’est pas représentative de l’état des enfants en général, puisque ceux qui sont en institution sont traumatisés, ont vécu des maltraitances graves. «On est vraiment dans des cas particuliers des enfants de notre société. Qui nécessitent du coup un soin aigu», explique-t-elle.

«Il y a une quinzaine d’années, on avait tous les enfants sous Ritaline. Maintenant ce n’est plus cas, selon Christine. Dans les trois foyers que l’on a, on est plutôt dans une visée de diminution de la médication. Une médication est mise en place parce qu’ils ne vont pas bien. Une fois que l’enfant est sécurisé, qu’il peut reprendre son développement, qu’il n’y a plus de risque par rapport aux parents, on peut aller vers une diminution, voire un arrêt de la médication.»

Dans son foyer, Christine n’a pas de médecin à l’intérieur. «On a une psychologue déléguée par un médecin. On est en contact régulier avec les médecins. Il y a un relais qui se fait avec une évaluation régulière des cas. Dès que c’est possible et envisageable, on diminue et cela marche assez bien. Le médecin prescripteur est assez loin de l’enfant et il s’appuie sur les autres professionnels pour calibrer les choses.»

Selon elle, le fait que l’on donne des posologies pour adultes aux enfants ne s’explique pas. «C’est une vraie question», admet-elle.

«Par contre, on observe sur le terrain que parfois il y a des médications qui fonctionnent bien, qui apaisent les enfants, qui permettent de passer une période de crise. Des fois des situations où la médication n’a aucun effet, voire est contre-indiquée, conclut le directeur. C’est l’usage du médicament qui va montrer son effet. On n’a pas de certitudes. On fait des tests.»

Mandatée par l’OFSP, l’association SwissPedDose a été créée avec le but de procéder à l'harmonisation nationale des dosages de médicaments pédiatriques.

Elisabeth Giger est une spécialiste zurichoise de cette harmonisation. Pour elle, l’absence d’adaptation des posologies pourrait venir d’un manque de connaissance, mais aussi d'un manque de formes médicamenteuses pour les dosages corrects, car les médicaments psychiatriques sont encore en train d’être harmonisés.

Nous lui avons soumis notre liste de médicaments. Elle reconnaît qu’une posologie inadaptée à des enfants peut être très dangereuse, surtout pour les moins de 12 ans.

Parmi les effets du surdosage, elle note: sédation accrue, nausées, vomissements, tachycardie, fièvre, mydriase, tremblements, confusion mentale ou hallucinations; ils sont suivis de troubles de la conscience, dépression respiratoire, convulsions, hypotension, troubles du rythme cardiaque, allant de la bradycardie, jusqu'au coma et au collapsus cardiorespiratoire.


Les médicaments cités et leur utilisation:

Rispéridone est le générique de Risperdal donc c’est la même molécule: elle est utilisée en cas de schizophrénie, de troubles psychotiques, troubles de la sociabilité, troubles autistiques et troubles bipolaires.

Abilify: schizophrénie, troubles bipolaires à ne pas utiliser en dessous de 13 ans.

Truxal: Schizophrénie, psychoses avec troubles phychomoteurs. Anxiété et agitation chez les alcooliques et les toxicomanes.

Ritaline: Stupéfiant utilisé à large échelle pour les TDHA (troubles déficitaires de l’attention)

Atarax: antiallergique utilisé souvent pour les prurits des personnes âgées et des troubles anxieux. On l’évite si possible chez les enfants car les effets secondaires ou indésirables sont plus forts.

Dormiplant: Etat d’excitation et d’anxiété et troubles du sommeil ce médicament est le plus léger de la série.


*identités connues de la rédaction

    29884
    12