Amèle Debey

févr. 46 Min

«Dans la Task force Covid, on s’est débarrassé de la personne qui n’avait pas la même opinion que la majorité»

Mis à jour : févr. 5

L’ancien conseiller fédéral Ueli Maurer a déclenché un raz-de-marée médiatique la semaine dernière, en parlant d’«hypnose de masse» pour décrire la période Covid. Pire, celle-ci aurait été «une hystérie sciemment attisée», selon celui qui était ministre des Finances au moment de la pandémie. L’Impertinent l’a contacté pour lui demander des détails sur le suivisme d’un gouvernement largué, avec la collaboration de certains médias. Qui savait quoi?

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Amèle Debey, pour L’Impertinent: A quel moment avez-vous compris que le Covid n’était pas si grave que ça?

 

Ueli Maurer: Je pense qu’il était clair après les premières semaines que la situation n’était pas aussi dramatique qu’on le disait. Nous n’avons cependant pas eu la possibilité de stopper la tendance que tout le monde a suivie. On a mis en place des mesures sans s’arrêter une seconde pour s’interroger sur leur bien-fondé.

 

Les premiers jours, on avait beaucoup d’incertitudes. Je pense qu’il était donc normal de prendre des mesures. Mais elles ont été inadéquates et trop précipitées. On a bien vu, après quelques semaines, que les enfants n’étaient pas touchés. Il aurait fallu réfléchir à la manière de protéger les personnes âgées sans que cela n'impacte toute la société.

 

Pourquoi ne l’a-t-on pas fait?

 

C’est un mystère, je ne le comprends pas. Mais lorsque l’on tentait de poser des questions critiques, la politique mondiale et les médias nous rangeaient dans la catégorie des complotistes d’extrême droite.

 

Ces deux ans ont été totalement inédits dans l’histoire du monde, mais on a aussi pu constater l’arrivée d’une certaine mentalité que l’on n’est pas encore prêts à interroger afin de savoir ce qu’il s’est vraiment passé. Cela me dérange et n’aide pas à clarifier la situation.

 

Tout ce que j’ai dit récemment, je l’avais déjà dit ces trois dernières années. Mais je crois que cela touche particulièrement les gens au moment du bilan.

«Nous devons absolument clarifier tout cela afin de tirer un bilan nécessaire»

 

Sur le plan financier, le Covid a coûté 30 milliards à la Suisse. Mais les discussions ne sont pas mises en place afin de tirer un bilan plus global sur le plan sanitaire, y compris avec les entreprises pharmaceutiques.

 

On nous a dit que la vaccination protégeait de l’infection et de la transmission. Après quelques mois, on a dit que le vaccin n’avait jamais protégé de la transmission, qu’il était plus comme un médicament pour protéger des formes graves.

 

C’est un problème. D’autant qu’il y a beaucoup de gens qui souffrent d’effets secondaires. Nous devons absolument clarifier tout cela afin de tirer un bilan nécessaire à appréhender la prochaine crise du même type.

 

Est-ce qu’Alain Berset savait que ces vaccins n’étaient ni sûrs ni efficaces lors du lancement de la campagne de vaccination?

 

Non, il était de notoriété publique qu'aucun essai à long terme n'avait été réalisé. On a toujours cru les études de Pfizer et la Task force. On a vraiment cru que la vaccination rendait plus libre.

 

C’était l’hystérie complète. L’hypnose générale. Personne n’était prêt à s’arrêter un instant pour réfléchir, et ce, dans le monde entier. Tous les pays ont suivi l’OMS sans s’interroger. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi.

 

Il y avait beaucoup de voix critiques, y compris de la part d’experts, qui s’exprimaient contre tout ça. On ne les a pas écoutées. Il ne s’agit pas seulement d’une seule personne, mais d’une mentalité globale.

 

C’est très grave pour notre société: on a manipulé les gens avec la peur, en leur disant qu’ils étaient des criminels s’ils ne se vaccinaient pas, qu’ils tueraient leurs voisins s’ils ne portaient pas le masque. C’est très dangereux pour une société d’être guidée ainsi en évitant toute discussion.

 

Vous étiez conseiller fédéral à cette époque, pourquoi ne l’avez-vous pas dit à ce moment-là? N’est-ce pas un peu facile d’émettre des critiques maintenant?

 

Je l’ai toujours dit. Le battage médiatique actuel se réfère à un court passage dans une interview donnée à la fin de l’année dernière.

 

Mais le système collégial du Conseil fédéral fait que vous n’avez pas la possibilité de vous exprimer officiellement. J’ai essayé plusieurs fois d’émettre des critiques, j’ai même porté le t-shirt des Freiheittrychlers (les sonneurs de cloches) et cela m’a valu énormément d’attaques de partout.

 

J’ai fait d’autres propositions au Conseil fédéral à l’interne, mais si celui-ci décide dans sa majorité, je ne peux pas m’exprimer.

«On a muselé les gens qui n’avaient pas la même opinion»

 

Les critiques ont été très difficiles pour ma famille, mes enfants et ma femme. Les attaques étaient virulentes. Et la situation était encore compliquée par le fait que nous n’étions pas vaccinés, mes proches et moi. Nous avons été ostracisés sans possibilité d’engager la discussion. On a un peu essayé et sûrement n’était-ce pas suffisant, mais nous n’avions pas la possibilité de faire mieux.

 

Il suffit de regarder comment, dans la Task force, on s’est débarrassé de la personne qui n’avait pas la même opinion que la majorité. On a exclu une personne qui défendait une autre vision. Cette personne m’a dit qu’elle avait reçu une demande de Monsieur Berset, suite à la rédaction d’un article critique, de ne pas le publier. On a muselé les gens qui n’avaient pas la même opinion.

 

De qui s’agissait-il?

 

Un professeur alémanique. Il est passé à la télévision, puis a été exclu de la Task force. Mais c’est seulement un exemple sur beaucoup d’autres. C’était pareil à Berne, on refusait d’entrer en matière avec des gens qui avaient une opinion divergente. La discussion était exclue. Et pas seulement en Suisse, mais partout en Europe.

J’ai participé à des conférences du G20 et la moindre critique des décisions prises valait une exclusion de participation aux séances. Ne pas défendre la même opinion était éliminatoire. Pendant des mois, on a invalidé mon opinion.

 

Pourquoi?

 

Je ne sais pas. Beaucoup de gens ont eu peur. On voyait bien que des mesures étaient prises partout dans le monde, la Suisse ne pouvait pas faire autrement. Il y a eu quelques exceptions, comme les pistes de ski qui sont restées ouvertes. Cela nous a d’ailleurs valu des critiques de Madame Merkel.

 

On a tendance à l'oublier, mais la situation était grave, y compris dans la rue où on était attaqué lorsque l’on avait le malheur de penser différemment.

 

Vous avez dit que Covid a permis d'introduire davantage de réglementations qui vont perdurer. Quelles sont-elles, par exemple?

 

Pas des réglementations, mais la cohabitation dans la société. On juge rapidement ce qui est bien ou mal, comme le fait de porter ou non un masque.

 

Et puis cette pandémie a changé beaucoup de choses dans les rapports entre les gens. Il y a des problèmes dans les écoles et en gériatrie. Il y a des gens qui ne veulent plus venir au travail, qui préfèrent le home office. Il n’y a plus assez de contact entre les gens.

 

Vous savez, j’ai donné une interview dans laquelle on a peut-être parlé cinq minutes du Covid et maintenant c’est une explosion de réactions. J’ai peut-être touché les gens qui ont cru qu’ils faisaient les bonnes choses pendant cette période.

«Trois ans après cette pandémie, on n’est toujours pas prêts à discuter»

 

Trois ans après cette pandémie, on n’est toujours pas prêts à discuter de savoir si les mesures que l’on a prises étaient bonnes ou pas. On ne cherche pas à améliorer la situation pour la prochaine fois. Ce devrait être la problématique de la santé, des finances, de notre vie dans la société. Nous devrions réfléchir, discuter et proposer une façon de réagir pour la prochaine fois.

 

Au lieu de ça on s’arrête à une opinion qui n’est pas correcte, selon moi. Mais nous devrions pouvoir en discuter. Comme de tous les autres sujets d’ailleurs. C'est ça la démocratie!

 

Aujourd’hui, on a le même problème en fonction de qui on défend dans le conflit israélo-palestinien, par exemple. On est exclu du débat si on ne défend pas des opinions mainstream et c’est dangereux pour la société.

 

L'industrie pharmaceutique a-t-elle fait pression sur le Conseil fédéral?

 

Non.

 

A-t-on délibérément continué à faire peur aux gens pour les forcer à se faire vacciner?

 

Lisez par exemple le Blick ou regardez le téléjournal. Les gens s'orientent avec les médias et c'est là que la peur s'est installée. Il y a d’ailleurs des journalistes qui ont perdu leur travail pendant la crise parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec la doxa.

 

Que savez-vous des Coronaleaks? Certains patrons de presse ont-ils collaboré avec le cabinet d'Alain Berset?

 

On dirait bien que oui.

 

Depuis la publication de vos propos dans la NZZ, certains, comme Pascal Couchepin, vous reprochent votre manque de retenue. D'aller à l'encontre de la tradition politique suisse. Qu'avez-vous à répondre à cela?

 

Rien, j'aime la critique

 

Êtes-vous en train d'essayer de détourner l'attention de l'enquête parlementaire sur l'effondrement du Credit Suisse, comme l’a laissé entendre la RTS?

 

J'attends ce rapport avec impatience.

 

Pensez-vous que la Suisse est encore neutre?

 

On a un peu perdu le fil rouge des années précédentes. Les signaux envoyés ont été interprétés différemment, voir par exemple la réaction de la Russie, mais nous devons le rester.

 

Vous avez passé 13 ans au gouvernement. N'est-ce pas un peu trop long?

 

C'était 14 ans et pour moi c’était bien.

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